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Affichage des articles du juin, 2023

Les enfants du rêve chinois. Luxi

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 Sur les premières planches de ce roman graphique, le lecteur découvre une jeune femme recroquevillée dans une cellule capitonnée. Ses geôliers, dont on ne voit que les ombres, entrent dans la pièce et la soumettent à un interrogatoire serré. La jeune fille résiste car, dit-elle, elle n’a rien fait de mal.  Elle s’appelle Luxi et elle étudie le cinéma en France. C’est pour cette raison qu’elle a quitté son pays natal, trois ans plus tôt. Et non, elle ne fréquente pas d’opposants politiques en Europe. Elle est en Chine pour boucler son projet de fin d’année avec son petit ami Jean. Ils ont prévu d’interviewer Fanfan, une amie de Luxi qui est enseignante dans un petit village de campagne. Elle doit leur parler de son travail mais aussi de son homosexualité. Ludong, la technicienne qui assure la prise de son, les a rejoints sur-place à la fin d’un autre tournage. Ensemble, les cinéastes en herbe se sont rendus à Gansu, une ville située à 1543 kilomètres exactement de Pékin. Ensuite, ils o

Hmong. Vicky Lyfoung

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 C’est après avoir vu un documentaire de Cyril Payen , consacré aux peuples d’Asie que Vicky Lyfoung a commencé à s’interroger sur ses origines. Ses parents sont des Hmongs. Ils sont arrivés en France dans les années 70 après un long périple qui les a conduits du Nord du Laos à la région parisienne, en passant par les camps de réfugiés thaïlandais. Le père de Vicky ne parle pas très bien le Français et la jeune femme a oublié sa langue maternelle. Elle s’appuie donc sur le témoignage de sa mère et fait des recherches sur l’histoire des Hmongs qui remonte à plus de 2 000 avant l’ère chrétienne. Elle apprend qu’il s’agit d’un peuple de montagnards, originaire du Nord de la Chine (la République Populaire reconnait à ce jour l’existence de 56 ethnies ou Miao).  Selon la tradition orale, les Hmongs auraient d’abord porté le nom de Chiyou (littéralement Grand-père) en l’honneur d’un seigneur de guerre. Les multiples conflits avec les Hans les poussent toujours plus loin de leur berceau ance

La Malédiction de Satapur. Sujata Massey

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 Je profite de ce début de saison estivale pour faire une nouvelle escale indienne , en compagnie de Maggie , Claudialucia et Rachel qui ont suggéré une lecture commune autour de La Malédiction de Satapur de Sujata Massey. Il s’agit d’un cosy Mystery, un genre idéal selon moi, pour inaugurer les lectures de vacances. Avec ce polar historique, le dépaysement est garanti.  La romancière américaine d’origine indienne, nous invite dans la petite principauté fictive de Satapur, un territoire situé au cœur des Ghats occidentaux. La saison des pluies rend son accès d’autant plus difficile. Nous sommes en octobre 1921 et cet état princier du Raj britannique connait une grave crise de succession. Le Maharadjah est mort de la malaria puis son fils aîné a été tué par un tigre. Son dernier héritier mâle, le Maharadjah Jiva Rao, n’a que 10 ans. Il vit confiné dans son palais, entouré de sa jeune sœur et des deux maharanis. Sa mère, la Choti-rani (la jeune maharani) souhaite l’envoyer étudier en

Le fardeau tranquille des choses. Ruth Ozeki

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  Kenjy Ôh est un musicien de jazz, d’origine nippo- coréenne. Il faudrait plutôt dire "était" puisque qu’il est mort en rentrant d’un concert. Allongé, totalement ivre (et sans doute drogué) sur la chaussée devant chez lui, il a été écrasé par un camion. Ironie du sort : le véhicule transportait des poulets destinés à l’abattoir.  Sa femme Annabelle et son fils Benny sont sous le choc. La première se sent responsable parce qu’elle s’était disputée avec son époux avant qu’il ne quitte la maison. Le temps passe et la jeune femme s’enferme à la maison, prend du poids et accumule les objets inutiles pour remplir le vide de son âme. Benny ne supporte plus la cohabitation avec le bazar de sa mère. L’adolescent est persuadé que les objets lui parlent et lui fond faire des choses qui lui portent préjudice. Pour échapper à la cacophonie domestique, il fuit l’école et la maison. Son refuge est la bibliothèque du quartier. C’est un lieu familier qu’il fréquente depuis qu’il est tout pe

La chambre silencieuse. Herbjørg Wassmo

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La chambre silencieuse me permet de renouveler une lecture commune avec Ingannmic  et Agnès autour de la Trilogie de Tora. Fortement ébranlée par La véranda aveugle , j’avais demandé un peu de répit à mes co-lectrices avant de poursuivre l’expérience.  Ce second volet, nous ramène exactement à l’endroit où nous avions abandonné notre jeune héroïne, c’est-à-dire sur une île septentrionale de la Norvège dans les années 50. Après un incendie criminel et l’arrestation de son beau-père, Henrik, Tora relève lentement la tête et s’autorise même à croire qu’un avenir meilleur est possible. La communication avec Ingrid, sa mère, reste difficile mais la tendresse qui unit ces deux être taiseux est palpable. L’orgueilleuse Ingrid boude un temps sa sœur Rakel et son mari puis finit par céder au cri du cœur. Tora, elle, accepte que le couple finance ses études sur le continent. Malheureusement pour la jeune fille, Henrik est libéré de prison et rentre au bercail avant qu’elle ne puisse s’échapper

Le Parc aux roseaux. Thuân

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Thuân publie son 7ème roman en France et pourtant je n’avais jamais entendu parler de cette autrice d’origine vietnamienne. C’est un article très enthousiaste de la journaliste et romancière Doan Bui qui m’a donné envie de la lire. Selon elle, Thuân est, depuis un bout de temps, « LA voix de la littérature vietnamienne contemporaine à surveiller ».  Pour ma part, j’ai d’abord été un peu déroutée par le style d’écriture de Thuân, tantôt humoristique et décapant, tantôt introspectif et pudique. Par exemple, on ne saura pas grand-chose de l’amoureux Français de son héroïne, si ce n’est qu’il porte un prénom commençant par P., occupe sans doute un bon job, et fait du jogging dans le bois le dimanche matin. Bref, il a le profil type du "Hipster". Nous sommes dans les années 2000. La narratrice, qui habite en France depuis 10 ans, semble vivre hors du monde, cloîtrée dans son petit appartement parisien, sous la garde (à distance) de son père. Il l’a poussée à étudier la littérature

La mort de pharaon. Simonne Lacouture

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 A travers ce court récit, Françoise Lacouture s’empare de "l’affaire Ramsès III", un mystère que les sources archéologiques ne permettent pas d’éclaircir totalement. Le narrateur de cette novella est Prêemheb, le scribe de la Maison du roi. Il explique comment le pharaon a succombé à un complot fomenté par Taya, une épouse secondaire. Elle a bénéficié de l’aide des autres femmes du harem royal, des gardiens du gynécée, du Chambellan, des officiers, des prêtres et des scribes. Le but de la cabale était de porter son fils, le prince Pentaour, au pouvoir à la place du successeur désigné par le vieux pharaon. Les conjurés choisissent de frapper pendant les fêtes du couronnement, la 32ème année du règne de Ramsès III. Or, celui-ci ne meurt pas tout de suite et désigne un tribunal composé de 12 hommes fidèles pour juger les traîtres. Il revient donc à son héritier, Ramsès IV, le fils d’Isis, de faire toute la lumière sur ce crime de lèse-majesté et de punir les accusés, selon les

Hotaru. Aki Shimazaki

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 Les romans d’Aki Shimazaki sont autant de pièces d’un puzzle, qui peuvent se lire dans le désordre. Ce premier cycle romanesque est composé de Tsubaki , Hamaguri , Tsubame , Wasurenagusa et Hotaru . Chaque volet offre un nouveau point de vue narratif, se joignant au chœur des protagonistes précédents et/ou suivants. Dans Hotaru (littéralement Luciole en Japonais), c’est une étudiante en archéologie qui prend la parole. Sa grand-mère Mariko est mourante. La jeune fille se penche à son chevet et recueille un secret de famille dévoilant l’origine de son père, Yukio. La confession de sa grand-mère arrive à un point nommé dans la vie de notre narratrice et l’empêchera sans doute de tomber dans un piège amoureux. Notre héroïne s’appelle Tsubaki. Ce mot, qui signifie Camélia, est aussi le titre du premier volet de cette fresque familiale. La boucle est ainsi bouclée, la narration circulaire rendant hommage au grand cycle de la vie.  C’est avec un brin de nostalgie que je termine ma lecture

Wasurenagusa. Aki Shimazaki

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  Wasurenagusa , qui est le nom des fleurs de myosotis, signifie "ne m’oubliez pas" en Japonais. C’est aussi le mot que Sono, la vieille nounou du narrateur, a fait graver sur sa tombe. Kenji Takahashi est le dernier représentant d’une riche et prestigieuse famille nippone. Sa stérilité a mis fin à son premier mariage avec une jeune femme de sa classe sociale. Il traverse une période de dépression, se consacrant uniquement à son travail de pharmacologue, avant de rencontrer Mariko. Cette femme très sensuelle est la mère d’un jeune garçon, Yukio. Elle gagne modestement sa vie en faisant des travaux de couture. Kenji tombe immédiatement sous son charme et la demande en mariage. Il souhaite aussi adopter son fils. Ses parents n’approuvent pas du tout cette union avec une femme « d’origine douteuse ». Un détective privé leur a appris que Mariko est orpheline. Son koseki (état civil) ne remonte pas plus loin que le tremblement de terre du Kantō en 1923, date à laquelle elle est ar

Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates. Shaffer & Barrows

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  En dépit du succès rencontré lors de sa parution, j’ai toujours repoussé la lecture de ce roman à plus tard. Je profite donc de l’idée conjointe d’ Eva et Patrick et de de Madame lit d’organiser un week-end de lecture dédié au roman épistolaire pour m’y atteler. La forme de ce roman à l’avantage de le rendre fluide, dynamique et facile à lire. On peut le qualifier, et plus encore semble-t-il son adaptation cinématographique, de comédie romantique. Cela dit, il me semble que Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est plus profond que cela. Une grande partie de l’intrigue est consacrée, comme on s’en doute, au plaisir de lire mais d’autres sujets moins plaisants sont longuement abordés. Il est question d’une période difficile de l’histoire des îles Anglo-normandes et notamment de l’occupation allemande de Guernesey pendant la seconde guerre mondiale. Au moins deux protagonistes de ce roman sont d’ailleurs déportés à Ravensbrück et une petite fille devient orph

Inconnu à cette adresse. Kathrine Kressmann Taylor

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Je profite de l’activité organisée autour du roman épistolaire par les auteurs des blogs Et si on bouquinait un peu et Madame lit pour lire enfin ce texte devenu un classique de la littérature mondiale. Bien que l’ouvrage existe en format de poche chez J’ai Lu, je recommande la version éditée par les éditions Autrement qui présente plusieurs documents complémentaires au texte (la novella elle-même ne compte qu’une soixantaine de pages). Une partie de ces éléments retracent l’histoire du manuscrit, depuis son écriture en 1935, puis sa première publication dans le magazine américain Story magazine en 1938 et, enfin, sa redécouverte en France à la fin des années 90. Il y a également une belle préface de Philippe Claudel que je suggère de lire après le roman pour conserver le mystère de l’intrigue.  Max Eisenstein et Martin Schulse sont amis et associés. Ils possèdent une galerie d’art à San Francisco qui marche plutôt bien. En 1932, Martin décide de retourner vivre à Munich avec sa femm

Tsubame. Aki Shimazaki

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 On parle toujours de la délicatesse de la culture japonaise. Les romans d’Aki Shimazaki contredisent un tantinet cette image. Je ne parle pas ici du style d’écriture de l’autrice mais de l’histoire de son pays d’origine. Au fil de ses romans, la romancière n’a de cesse de mettre en avant la brutalité des régimes successifs et des populations endoctrinées. Des actes de barbarie, suscités par la colère du peuple, font écho aux malheurs engendrés par les guerres et catastrophes naturelles qui ont frappé le Japon au début du 20ème siècle. Au milieu de ce chaos, Aki Shimazaki explore les zones d’ombre d’une famille dont le lecteur peut suivre la destinée tortueuse au fil des pages. La saga est si bien construite que chaque volet peut se lire indépendamment des autres (peut-être même dans le désordre). L’ensemble forme une pentalogie intitulée Le poids des secrets . L’autrice aurait pu la présenter sous la forme d’un roman choral unique mais sa lecture aurait sans doute été plus fastidieuse

Hamaguri. Aki Shimazaki

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Après Tsubaki , Hamaguri est le second tome de la pentalogie du Poids des secrets. Les suivants sont Tsubane , Wasurenagusa et Hotaru . L’originalité de cette saga japonaise tient au fait que chaque volet donne la parole à un protagoniste différent.  Dans cet opus, le narrateur est Yukio, demi-frère caché de Yukiko. Né à Tokyo d’une mère orpheline et d’un homme marié, il a longtemps subi les moqueries des autres enfants. Ils le traitaient de fils de Baïshunfu (prostituée), ou de Tetenashigo (bâtard). Heureusement pour lui, sa mère a épousé un brave homme qui l’a adopté en dépit du poids des traditions. La famille a ensuite déménagé à Nagasaki pour commencer une nouvelle vie.  Si Yukio n’a pas connu son vrai père, il se souvient néanmoins d’un homme qu’il rencontrait au parc à Tokyo et qu’il devait appeler Ojisan (oncle ou monsieur). Celui-ci avait une fille pratiquement du même âge que Yukio. Avant qu’il ne quitte la ville, les deux enfants avaient conclu un serment de mariage en s’é

Tsubaki. Aki Shimazaki

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Voici un ouvrage dégoté dans La bibliothèque de Cléanthe en mars dernier. En réalité, j’avais déjà repéré la pentalogie d’Aki Shimazaki sur d’autres blogs et j’attendais le bon moment pour me lancer dans la lecture de ce cycle.  Le poids des secrets est donc constitué de 5 opus dont le titres font tous référence à la nature : végétaux, insectes, coquillages, etc. A travers ces courts romans, la romancière canadienne d’origine nippone traite la même intrigue vue selon le point de vue de 5 personnages différents. Néanmoins, chaque livre peut être lu indépendamment. Tsubaki , qui signifie camélia en Japonais, inaugure ce cycle romanesque en donnant la parole à Yukiko. Il s’agit de la mère de la narratrice. Avant de mourir, elle a laissé chez son notaire deux enveloppes kraft contenant des lettres. L’une est destinée à sa fille, Namiko ; l’autre est adressée à un certain Yukio. Il s’agit en réalité du demi-frère de Yukiko dont personne n’avait jamais entendu parler jusqu’ici. Dans la mis

Le club des inadapté.e.s. Baur, Page & Bouchard

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 Nous avons reçu cet ouvrage, en janvier dernier, grâce à notre abonnement à L’école des loisirs. Il s’adresse donc aux élèves de CM2 et au-delà. Le club des inadapté.e.s . est une bande dessinée adapté du roman éponyme de Martin Page qui, lui, s’adresse à une tranche d’âge supérieure (à partir de 13 ans).  Martin, Edwige, Erwan et Fred forment un groupe d’amis très soudé. Au collège, ce n’est pas toujours la fête car leurs différences ne favorisent pas leur intégration. Edwige est l’intello du groupe, Fred se démarque par son look de métalleuse, Erwan est une sorte de MacGyver BCBG et Martin se fait tout le temps chambrer à cause de sa petite taille. En revanche, il est doué pour l’écriture et c’est donc lui le narrateur de cette histoire.  Jusqu’ici, nos héros s’accommodaient tant bien que mal de leur statut de parias mais un drame vient changer leur vision du monde. Erwan est victime d’une agression à la sortie du collège et doit être hospitalisé. L’évènement l’a si profondément per