Articles

Affichage des articles du juillet, 2022

L’anomalie. Hervé Le Tellier

Image
A travers ce roman original, intelligent et souvent drôle, Hervé Le Tellier évoque les grandes questions existentielles de l’humanité. Certes, les hommes s’interrogent depuis la nuit des temps sur leur présence ici-bas. D’où venons-nous ? Quel est le but de notre présence sur terre ? Existe-t-il d’autres formes de vie dans l’Univers ? Sommes-nous seulement réels ? S’ajoute à cela une série de questions individuelles sur le sens que l’on souhaite donner à sa vie, ses priorités, etc.  Comment répondre à toutes ses interrogations ? Certains d’entre nous se tournent vers les sciences ou la philosophie, d’autres se réfugient dans la religion, voire la littérature ou le cinéma. Mais imaginons un instant qu’un fait divers révèle une sorte d’anomalie dans l’ordre naturel. Notre vision du monde n’en serait-elle pas bouleversée à jamais ? Hervé Le Tellier a imaginé une faille dans la matrice. Bien-entendu, les Américains ont déjà envisagé l’inimaginable. Ils s’y sont même préparés.  C’est ainsi

La secte. Michael Katz Krefeld

Image
Je découvre l’auteur de polar danois Michael Katz Krefeld avec La secte , son dixième roman. C’est le troisième volet de la série "Ravn" (Corbeau), pseudonyme inspiré du nom de son héros récurrent Thomas Ravnsholt. C’est l’archétype du flic dépressif scandinave : un ancien inspecteur de police devenu détective privé (et alcoolique) après le meurtre de sa petite amie.   L’intrigue nous conduit au cœur du quartier de Christianshavn à Copenhague, connu pour ses fortifications, ses canaux, le squat de Christiania, l'église de Notre-Sauveur, ses cafés en terrasse et son ambiance alternative. Ravn habite là, sur un bateau, avec Møffe, son bulldog anglais. Au début du roman, on ne peut pas tout à fait le qualifier de détective privé puisqu’il vit plutôt d’expédients, des affaires d’arnaques aux assurances pour le compte d’un avocat. Le reste de son temps, il le passe chez Johnson, son pote barman qui lui offre un crédit illimité non sans le sermonner régulièrement sur son mode d

Le monde est un bel endroit. Didier Desbrugères

Image
"Le monde est un bel endroit" et les humains semblent décidés à tout mettre en œuvre pour le détruire. Leurs principales victimes sont sans doute les animaux. Quel que soit le moyen employé, direct ou indirect (braconnage, maltraitance, marchandisation…), le résultat est le même : des espèces disparaissent de la surface de la planète. Le rhinocéros, sujet principal de se roman, ne compte plus que 30 000 individus. Or, une note de l’éditeur nous apprend que plus de 1 000 rhinocéros sont abattus, chaque année, sachant qu’une corne se vendrait en Asie plus de 50 000 euros le kilo au marché noir. Le livre de Didier Desbrugères est à la fois un hommage rendu à la beauté du monde animal et un roman-pamphlet visant à dénoncer les ravages humains. Il débute par un crime : l’agression de Chuku, un rhinocéros blanc, pensionnaire du zoo de Thoiry. Des intrus lui ont arraché les cornes après l’avoir abattu d’un coup de fusil. Aurore, la soigneuse animalière découvre le carnage le lendema

La maison de Bretagne. Marie Sizun

Image
C’est l’histoire d’une réconciliation : une réconciliation avec un lieu, un passé, une famille. La narratrice, Claire Wermer a hérité de sa mère (et de sa grand-mère avant elle) d’une maison à l’Île-Tudy dans le Finistère. Pour ceux qui ne connaissent pas, il faut préciser que la commune est située sur la presqu’île du même nom et qu’elle n’est plus une île depuis la construction de la digue de Kermor vers 1850. C’est dans ce lieu si particulier que Claire, la Parisienne, a passé quasiment toutes ses vacances depuis son enfance. Pour autant, elle n’y a pas vécu que de bons moments, loin de là ! Si elle y retourne en ce mois d’octobre c’est parce qu’elle a décidé de vendre la demeure et de la débarrasser de ses encombrants souvenirs. Depuis 6 ans, en effet, la maison était louée à des touristes. Les derniers se sont plaints à l’agent immobilier de la vétusté des installations et du décors un peu vieillot. Claire n’a pas l’envie ni les moyens de rénover sa maison. Cependant, un évènement

Comment je suis devenue Duchess Goldblatt

Image
Bon sang mais qui est cette Duchess Goldblatt ?! L’illustration de couverture, le Portrait d’une dame âgée de Frans Hals, indique d’emblée qu’il ne s’agit pas d’une énième starlette de téléréalité ni de l’une de ces têtes couronnées faisant régulièrement la couverture des magazines people. Et pourtant Duchess Goldblatt est bel et bien une star en Amérique ! Avec plus de 58 000 followers, ce personnage fictif, sévit depuis une dizaine d’année sur les réseaux sociaux. Sa créatrice, qui tient à rester anonyme, publie sur twitter des sortes de haïkus humoristiques. Le credo de Sa Grâce (ainsi que l’appelle ses disciples) vise l’empathie et la bienveillance. Des positions plutôt aux antipodes de ce qui se joue généralement sur ce type de réseaux où l’on sait bien que les échanges peuvent facilement déraper. L’engouement des fans de Duchess (il s’agit d’un prénom et non d’un titre) est tel que certains d’entre eux créent des produits dérivés à son effigie (ou plutôt à l’image de l’avatar emp

Les Incorrigibles. Patrice Quélard

Image
Forêt guyanaise, octobre 2018. Lors d’une opération de contrôle visant un campement de Garimpeiros (orpailleurs clandestins), l’officier de gendarmerie Christophe Cervin, accompagné par le commando de recherche et d’action en jungle du 9ème régiment d’infanterie de marine, fait une macabre découverte : deux squelettes humains dont un seul est identifiable grâce à une plaque de l’armée française. Elle les conduit, plusieurs décennies en arrière, sur les traces de Léon Cognard, appelé au service militaire en 1893. Ce personnage n’est pas tout à fait un inconnu puisqu’il était déjà le principal protagoniste de Place aux immortels (Plon, 2021), le précédent roman de Patrice Quélard (les deux volets de ce diptyque peuvent néanmoins être lus séparément).  Léon Cognard est un idéaliste bourré d’humour, qui aime se comparer à don Quichotte. Son fidèle cheval, une rosse qui refuse d’être montée, s’appelle d’ailleurs Rossinante. Comment cet ancien lieutenant de gendarmerie d’origine bretonne a-

Glen Affric. Karine Giebel

Image
Pour les personnages principaux de ce polar, la vallée de l’Affric en Ecosse représente en quelque sorte la terre promise, un eldorado où ils pourront se réfugier. Ce voyage vers le Loch Ness et les Highlands, ils l’appellent sans cesse de leurs vœux comme une litanie. Ils se nomment Jorge et Léonard comme George et Lennie dans Des souris et des hommes , un clin d’œil appuyé de Karine Giebel à l’œuvre mémorable de John Steinbeck. Il y en a d’autres. Les frères Mathieu ne sont pas du même sang. D’ailleurs, au début du récit, ils ne se connaissent même pas. Leonard a été adopté par Mona, un jeudi 6 novembre, jour de la Saint-Léonard. Elle l’a trouvé allongé dans un fossé, recroquevillé comme un animal blessé. L’enfant avait visiblement subi des maltraitances qui lui ont laissées des séquelles neuronales. Dix ans plus tard, Léonard est toujours un enfant mais dans le corps d’un colosse. Ici, on pense un peu au héros de William Faulkner dans Le bruit et la fureur . La mère de Leonard lui r

Le cas Victor Sommer. Vincent Delareux

Image
Victor Sommer, 33 ans, sans emploi, vit toujours chez sa mère. Ils habitent une maison lugubre dans une ville qui n’est jamais nommée. Françoise Sommer est une mère castratrice qui enferme son enfant dans une routine sans surprise et sans joie, rythmée par ses seules exigences. De son père et du reste de sa famille, le jeune homme ne sait rien. Lorsqu’il a eu 10 ans, sa mère lui a présenté un portrait jauni de son géniteur qu’elle a ensuite soustrait à sa vue de manière définitive. Depuis, Victor tente d’en retracer les contours. Il croit d’ailleurs déceler chez son psychanalyste, le docteur Adam, les traits de ce père dont il ignore tout. Les séances hebdomadaires chez son thérapeute montrent l’ambivalence des sentiments de Victor vis-à-vis de sa mère. Toute l’histoire nous est d’ailleurs contée de son unique point de vue. Une vision d’autant plus partielle que le jeune homme est parfois frappé d’amnésie. Or, justement, lorsque Françoise Sommer disparait de son domicile, le jeune homm

Mon très cher cueilleur de roses. Christian Chavassieux

Image
Le livre de Christian Chavassieux est une mise en abyme : un roman sur une femme qui écrit un roman. Evidemment ce n’est pas aussi simple. D’une part, la narratrice s’interroge sur le processus de création ; d’autre part, son récit lui est plus ou moins dicté par un personnage inattendu : un certain Antoine Cervin, son jardinier. Enfin, Floriane (qui écrit sous un nom de plume) se voit bien malgré elle endosser le rôle de juge, à travers une histoire qui la projette dans son propre passé. Quelques personnages secondaires, comme Claire (ancienne locataire de l’atelier de peintre de la Malvoisie) interviennent ponctuellement dans ce huis clos.  C’est le mois de juillet. Flo vient de quitter son loft parisien pour s’installer dans une propriété en Bourgogne dont elle a hérité. La Malvoisie, « ancienne exploitation agricole qui connut les riches heures de la viticulture et de l’élevage », était la résidence d’été familiale de Jacques Royan. A sa mort, il l’a transmise à son ancienne maîtr