Paris, mille vies. Laurent Gaudé
« Je crois que je suis le veilleur de la nuit. Je n’ai rien d’autre à faire que déambuler dans ses rues comme un gardien attentif. Paris veut sa bouche. Elle a faim de mots. Trop de vies s’entassent en elle. Il faut les dire. C’est pour cela que l’homme m’a demandé de le suivre. Et maintenant, partout où je vais, des foules agitées se pressent devant moi. Comme si les rues en accouchaient. La jeunesse frappe le pavé. Les années se superposent. D’un siècle à l’autre, peu importe… Elles veulent toutes entrer en moi. Le passé est vorace de nos esprits parce qu’il n’y a que là qu’il puisse encore vivre. » Ce texte n’est pas un roman mais un récit, ou plutôt une flânerie dans les rues de la capitale. Un soir de juillet, le narrateur, alter ego de Laurent Gaudé, croise sur l’esplanade de la gare Montparnasse, un homme (un fou, un spectre ou un clochard céleste), qui l’interpelle : « Qui es-tu, toi ? ». Cette question est peut-être lancée à la cantonade et ne s’adresse pas directement à no