Bleak, T.01. Squeezie

Bleak, T.01. Squeezie

Depuis 2011, Lucas Hachard, plus connu sous le pseudo de Squeezie propose des contenus vidéos et notamment des « Threads horreur » qui plaisent beaucoup aux adolescents. Aussi, ne reculant devant aucune option pour faire lire le mien, je lui ai suggéré de lire la bande dessinée du fameux youtubeur. La couverture étant plutôt réussie, nous étions tous les deux assez confiants concernant l’intérêt de ce premier volet (il s’agit d’une trilogie).


Bleak, T.01. Squeezie Noémie


Chaque tome compte 3 histoires d’horreur, scénarisées et dessinées par différents auteurs et illustrateurs. Première constatation en ouvrant l’album, les cases sont très grandes et il y a peu de textes. Du coup, je m’interroge sur l’âge des lecteurs visés. Les dessins sont relativement classiques mais cela ne nous dérange pas trop. 


Bleak, T.01. Squeezie Creek Park

Les thématiques n’ont rien d’originales mais, apriori, tous les ingrédients sont réunis pour faire frissonner les jeunes lecteurs : un baby-sitting qui tourne mal, une sortie meurtrière dans un parc d’attraction et une colonie de vacances suspecte… malheureusement, la sauce ne prend pas. Les ambiances sont rapidement esquissés, le lecteur n’a pas le temps de s’attacher aux personnages et les chutes arrivent trop vite. Nous sommes restés tous les deux sur notre faim. 


Bleak, T.01. Squeezie


📌Bleak, Volume 1 :  3 histoires d'horreur. Squeezie, Luciole et Guillaume Natas (scénarios) + Diane Fayolle, Anne-Clotilde Jammes, Vladimir Roszak, Dan Vignes et Julien Lelièvre (dessins). Omaké Books, 72 pages (2022)


A qui sait attendre. Michael Connelly

A qui sait attendre. Michael Connelly


Harry Bosch, le héros récurrent de Michael Connelly, est sans doute l’un des personnages contemporains de séries policières les plus connus. Mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis sa première affaire en 1992, Les Égouts de Los Angeles. Notre ex inspecteur du LAPD est désormais en retrait, c’est-à-dire en convalescence. C’est son ancienne collaboratrice, Renée Ballard, qui occupe la première place dans ce 29ème épisode de la série. Maddie Bosh, la fille d’Harry, vient lui donner un coup de main au sein de l’unité des Affaires non résolues. Aidées d’une équipe de bénévoles, les deux femmes vont exhumer plusieurs cold cases. Une première piste pourrait impliquer un juge de la cour suprême dans un meurtre et des viols en série. Le second dossier concerne l’un des cold cases les plus célèbres d’Amérique, le Dalhia Noir. A cela s’ajoute une affaire de terrorisme impliquant le mouvement nationaliste de l’America First. Le danger est imminent. Même s’il ne s’agit pas de sa juridiction, Ballard va devoir déjouer les plans de ces citoyens souverainistes pour sauver son job. Elle sollicite Harry pour piéger un suspect en dehors de la procédure officielle. 

Le résumé de l’intrigue suggère que le rythme est soutenu. En réalité, le roman démarre en ronronnant, plutôt porté par l’aspect procédurier et technique des investigations policières. Elles impliquent du travail d’archives, des analyses d’ADN et des recherches en généalogie génétique. Cette première phase enclenchée, une série d’évènements fortuits viennent perturber le train-train procédural.  Dès lors, le rythme de l’intrigue s’accélère et la tension monte crescendo. Le lecteur assiste à quelques scènes d’action très cinématographiques prouvant qu’Harry Bosch en a encore pas mal sous le pied et que la série est loin de s’essouffler. La série a été adaptée à l’écran avec Titus Welliver dans le rôle de  Hieronymus "Harry" Bosch. En France, les épisodes sont disponibles sur la plateforme Prime Video.

📚D'autres avis que le mien via Babelio et Bibliosurf

📌À qui sait attendre. Michael Connelly, traduit par Robert Pépin. Calmann Levy, 480 pages (2025)



Malaven. Olivier Bal

Malaven. Olivier Bal


💪Je cherchais idée pour le Book Trip en mer, le challenge de lecture organisé par Fanja, et je suis tombée sur ce thriller qui nous conduit en mer d’Iroise. L’île fictive de Malaven est le théâtre d’un jeu macabre dont les héros doivent déjouer les pièges. L’isolement du lieu se prête parfaitement à la situation et la météo exécrable participe à créer une atmosphère oppressante. 

En octobre 1987, Malaven, qui ne comptait qu’une centaine de résidents permanents, a été ravagée par une tempête sans précédent. Lorsque les secours ont pu accoster, ils n’ont trouvé qu’un petit groupe de survivants émergeant d’un paysage de désolation. Vingt ans plus tard, quatre trentenaires débarquent sur l’île bretonne, devenue la propriété d’un certain Jonas Waverley. Personne ne connait le vrai visage de cet écrivain énigmatique mais il a su attirer ses invités grâce à des arguments imparables. Ses hôtes ont tous séjourné à Malaven dans leur jeunesse. Ils s’y retrouvaient chaque été et formaient la bande des Confins, un groupe d’ados soudés par une forte amitié. Pourtant, ils n’ont gardé que des souvenirs flous de cette période. Leur hôte, lui, a fomenté un plan machiavélique pour les aider à reconstituer le puzzle. Ils devront retrouver la mémoire pour résoudre une série d’énigmes et sauver leurs peaux. Nos héros ont-ils une chance de sortir vivants de ce piège ? 

Olivier Bal tire son inspiration de multiples horizons. On pense bien sûr à d’autres huis clos insulaires comme Ils étaient dix d’Agatha Christie,  Shutter Island de Dennis Lehane et L'Île aux trente cercueils de Maurice Leblanc. Olivier Bal a transposé son intrigue dans un décor qui rappellent les paysages bretons de Belle-Île, d'Ouessant ou de l’île aux Moines. Par ailleurs, il a construit une intrigue qui utilise les ressorts combinés d’un Escape Game à ciel ouvert, de l’émission Fort Boyard et du "Livre dont tu es le héros". L’histoire flirte avec le fantastique et le lecteur est curieux de découvrir de  quelle manière l’auteur va assembler tous ses éléments pour créer une explication rationnelle. Le résultat de cette mécanique bien huilée est parfaitement addictif, à condition d’accepter quelques facilités sur le fond comme sur la forme. 

📝Olivier Bal sera au salon du livre de Vannes du 13 au 15 juin 2025

📚D’autres avis que le mien via Babelio et chez Tomabooks

📌Malaven. Olivier Bal. XO Editions, 464 pages (2025)

Book Trip en mer 2025


Les morsures du silence. Johana Gustawsson

Les morsures du silence. Johana Gustawsson


La romancière française, Johana Gustawsson, doit son patronyme scandinave a son époux suédois. Elle vit depuis quelques années sur l’île de Lidingö, face à Stockholm. C’est ce lieu qu’elle a choisi pour son intrigue. Par ailleurs, l’enquête est menée par un duo de policiers franco-suédois, formé par les commissaires Maïa Rehn et Aleksander Storm. 

Un crime découvert le lendemain d’Halloween va exhumer une affaire de meurtre remontant à plus de deux décennies. Ce crime avait rapidement conduit à l’inculpation d’un certain Gustav Hellström, l’ex-petit ami de Jenny Delenius, la victime. Il a été condamné à 25 ans de prison et s’est suicidé quelques semaines avant sa libération.

Plusieurs éléments relient les deux assassinats. La nouvelle victime s’appelle Daniel Brink. Le jeune homme a été retrouvé au même endroit que Jenny, près de l’école maternelle d’Abboren. Il portait, comme elle, une aube blanche et une couronne de LED, les attributs de Sainte-Lucie. Or Jenny avait été choisi pour interpréter le rôle de la sainte à la chorale de l’Eglise, le jour de sa fête, le 13 décembre. 

L’affaire se corse encore, quelques semaines après la mort de Daniel, lorsqu’on découvre le corps d’un autre adolescent affublé d’un déguisement de Sainte-Lucie. Il s’agit de Roland, le fils d’Esther Lind, la maire de la ville.  C’est Aleksander Storm, arrivé le premier sur les lieux, qui mène l’enquête. Il sera bientôt secondé officieusement par Maïa Rehn. La policière française, qui séjournait dans la maison de sa belle-famille, a été mandatée par Sophia Ackerman, la mère d’Anna Hellström et la grand-mère de Gustav.  La riche éditrice, accablée de remords tardifs, souhaite connaître la vérité sur la culpabilité de son petit-fils. Anna, la mère de Gustav, s’est suicidée peu de temps après lui, dans une mise en scène spectaculaire et particulièrement choquante. 

Comme vous pouvez le constater au travers de mon résumé alambiqué, l’autrice n’a pas lésiné sur la complexité de l’intrigue. Tous ces éléments sont néanmoins présentés de manière bien plus fluide que moi et restent toujours crédibles. La narration est partagée entre Maïa, endeuillée par la mort de sa fille, et Aleksander, contrarié dans sa vie conjugale. Au milieu de cette alternance, apparaissent de temps en temps, des extraits de journaux intimes. 

Johana Gustawsson maîtrise parfaitement la construction de son intrigue et, en dépit de ses méandres, le lecteur n’en perd jamais le fil.  On se sent rapidement impliqué dans l’enquête et on éprouve de l’empathie pour les personnages principaux. D’autres semblent nettement moins sympathiques, comme Sophia Ackerman, mais l’autrice évite intelligemment la caricature. Elle restitue également très bien l’ambiance du lieu et le résultat n’a vraiment rien à envier aux meilleurs  polars scandinaves. 

📚D'autres avis que le mien via Babelio, Bibliosurf, Livresse du Noir et Aude Bouquine

📌Les morsures du silence. Johana Gustawsson. Calmann-Levy, 320 pages (2025)


Là où je me terre. Caroline Dawson

Là où je me terre. Caroline Dawson


💪Pour clôturer le challenge de lecture dédié au Chili, j’ai choisi ce "roman d’autofiction", récit d’une autrice d’origine chilienne qui a émigré au Canada avec sa famille pour échapper à la dictature militaire de Pinochet. L’essentiel de l’intrigue se déroule donc sur cette terre d’accueil. 

La narratrice avait 7 ans lorsqu’elle a pris l’avion avec ses parents et ses deux frères, le jour de Noël 1986. Le livre raconte les derniers souvenirs de la fillette à Valparaiso, l’annonce de l’exil, l’arrivée de la famille en plein hiver, le séjour en hôtel de transit pour les réfugiés politiques, l’hébergement temporaire chez des amis, la découverte des quartiers pauvres de Montréal, la classe d’accueil pour les élèves étrangers, l’apprentissage de la langue française, les petits boulots pour ses parents, la question de l’identité culturelle, l’oubli progressif de la langue maternelle, la lutte des classes, la progressive ascension sociale, etc.

Le ton et la langue évoluent au fil des pages. Les anecdotes relatives à l’enfance sont parsemées de vocabulaire et d’expressions en Espagnol ; celles rapportées du point de vue de l’adolescente sont imprégnées de culture francophone. Je dois dire qu’il y a quand même quelques passages un peu obscurs pour les non québécois (les références à des chansons populaires, des noms de marques locales, l’usage du Franglais, etc). La plupart du temps, on s’en sort quand même par déduction.  

« Véro est entrée en sacrant. Je ne me trompais pas, à peine avait-elle franchi le pas de la porte qu’elle a senti la lourdeur du small talk qui s’ennuie. Elle a ouvert son sac en bandoulière du surplus de l’armée, en a sorti une grosse quille de Tornade déjà entamée, cala ce qui en restait sans même enlever sa tuque et offrit un rot de trucker provocateur en guise de salutation générale à la crowd. »

Là où je me terre est un témoignage universel parce qu’il parle à tous ceux qui ont connu l’exil ou l’expatriation. La narratrice est sincère, sans être revancharde. Son récit est écrit dans une langue accessible et vivante. 

J’ai été touchée par l’histoire de Caroline Dawson et très triste de découvrir son décès des suites d’un cancer en 2024. Elle avait 44 ans. Professeur de sociologie à l’Université de Montréal, elle a mené de nombreux combats politiques, notamment pour l'égalité des chances, la justice, etc. Pour information, son frère cadet, Nicholas Dawson, est également écrivain. 

📝On peut audiolire gratuitement (avec l’accent québécois) Là où je me terre sur le site Internet de Radio Canada. 

📌Là où je me terre. Caroline Dawson. Editions de l’Olivier, 224 pages (2025) 

Printemps latino au Chili


Langue paternelle. Alejandro Zambra

Langue paternelle. Alejandro Zambra


💪Alors que je pensais avoir clôturé ma liste de lecture pour le Printemps latino, j’ai découvert que le dernier ouvrage d’ Alejandro Zambra venait de paraître en France. Je ne me voyais pas passer à côté sachant que j’organisais un challenge de lecture autour du Chili. C’est ainsi que je me suis retrouvée avec un recueil mélangeant des textes autobiographiques et fictifs sur le thème de la paternité. 

« Dans la tradition littéraire abondent les Lettres au père, mais les Lettres au fils sont plutôt rares. Les raisons en sont plutôt prévisibles – machisme, égoïsme, pudeur, adultocentrisme, négligence, autocensure – mais il me semble qu’il existe aussi des raisons purement littéraires. Pour le moment, il est plus facile d’ignorer ou de reléguer les enfants, ou les comprendre comme des obstacles à l’écriture, de s’en servir comme prétexte : et voici maintenant qu’à cause d’eaux on a pas pu se concentrer sur son laborieux et imposant roman ! »  

La Langue paternelle est un ovni littéraire mais Alejandro Zambra préfère le terme d’essai. Il évoque tantôt son père, tantôt son fils. Pour autant, son livre ne parle pas qu’aux femmes. Il y est question d’amour filiale, d’éducation, de transmission,  de mémoire… et de foot aussi, la passion de l’écrivain chilien. Des sujets universels (même le foot ?) qui interpellent chacun d’entre nous, parents et/ou enfants. L’auteur est conscient du risque de tomber dans les anecdotes personnelles un peu mièvres mais il s’affranchit facilement de cet écueil. Ses textes sont à la fois drôles et touchants. 

📚D’autres avis que le mien via Babelio et Bibliosurf

📌Langue paternelle. Alejandro Zambra, traduit par Denise Laroutis. Editions Bourgeois, 256 pages (2025)

 

Je tremble, ô matador. Pedro Lemebel

Je tremble, ô matador. Pedro Lemebel


La dictature militaire d’Augusto Pinochet n’a de cesse de nourrir la littérature chilienne. Le roman de Pedro Lemebel, adapté au cinéma par Rodrigo Sepúlveda en 2022, est un exemple qui sort du lot. L’intrigue de cet opus raconte deux attentats ratés. L’un est politique ; l’autre, amoureux. 

Nous sommes en septembre 1986. Le climat est électrique à Santiago. Les guérilleros du Front patriotique Manuel Rodríguez préparent une embuscade contre le dictateur. Les femmes, habillées de noir, défilent devant la Moneda en brandissant des photos de leurs disparus. Le couvre-feu est la pire des menaces pour les chômeurs et les sans -abris. Les homosexuels et les travestis sont personæ non gratæ pratiquement partout. Parmi eux, la Folle du Front, un travesti vieillissant et baroque, vient de tomber amoureux. Carlos, l’objet de son désir, a quelques 20 ans de moins. Il se dit étudiant mais son amie transgenre sait bien qu’il y a autre chose que des livres dans les caisses qu’il stocke dans sa maison. Peu importe ! Notre sentimentale Folle du Front décide d’ignorer la politique et de fermer les yeux sur les cachoteries de Carlos. Et pour séduire le jeune activiste, elle va déployer tous les charmes troublants de sa personnalité extravagante. 

Parallèlement à ce jeu de dupe, le lecteur est convié dans l’intimité du couple Pinochet. Le dictateur ressasse ses souvenirs d’enfance nauséabonds tandis que son épouse, Doña Lucía, l’agace d’une logorrhée généralement inspirée par Gonzalo, son coiffeur et styliste personnel. 

💪Pedro Lemebel (1952-2015) a l’art de la formule et de l’évocation sensorielle. Son roman, astucieusement construit, s’inscrit à la fois dans la culture LGBT et l’histoire politique de son pays. Son personnage principal est aussi touchant que flamboyant. Je ne l’aurais sans doute jamais lu sans l’invitation d’Anne-yes à lire des romans LGBT dans le cadre du mois des Fiertés et du Printemps latino. C’est donc une belle surprise.

📚Une lecture commune avec Ingannmic, Anne-yes...

📌Je tremble, ô matador. Pedro Lemebel, traduit par Alexandra Carrasco. Gallimard, 208 pages (2023) / Denoël, 192 pages (2004)

Challenges 2025




Ceux qu'on sauve. Peter Swanson

Ceux qu'on sauve. Peter Swanson


J’aime beaucoup Peter Swanson. C’est un écrivain facétieux qui explore les différentes facettes du polar et joue avec les codes du genre. Ceux qu'on sauve est bien plus sombre que Huit crimes parfaits ou Neuf Vies. Il tient moins du "Whodunit" (Qui l'a fait ?) que du "Howcatchem" (Comment ?). Il utilise surtout les ressorts du thriller psychologique.  

Pendant les deux premiers tiers du roman, l’enquête est menée par un détective professionnel, ex-flic de Boston et ancien professeur de littérature. C’est un poète raté, un personnage un peu "borderline", qui lutte contre ses démons. Henry Kimball, notre héros, voit justement son passé lui revenir en boomerang lorsque Joan Grieve, désormais épouse Whalen, passe la porte de son bureau. C’est une ancienne élève de Dartford-Middleham, le lycée où Kimball a brièvement enseigné. Il a abandonné son poste après une fusillade qui a coûté la vie à  deux adolescents. Joan, bien sûr, n’a pas oublié le drame mais ce n’est pas la raison de sa visite. 

Les années ont passé et l’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui, Joan Whalen souhaite engagé le détective privé pour suivre son mari et prouver son infidélité. Richard Whalen est agent immobilier. Son épouse est persuadée qu’il la trompe avec une employée plus jeune appelée Pam O’Neil... Bref, rien d’original ! Mais Kimball flaire tout de suite une embrouille et accepte l’affaire avec réticence. La filature s’achève le jour où Richard flingue sa maîtresse avant de se suicider d’une balle dans la tête. 

Kimball est considéré comme le principal témoin de ce bain de sang alors même qu’il n’a rien vu. Il était en planque à l’extérieur de la maison. Bien décidé à comprendre ce qui s’est réellement passé, le détective privé contacte Lily Kintner, un personnage très ambivalent, déjà rencontré dans le précédent volet de la série, Ceux qu'on tue (Gallmeister, 2024). Kimball pense qu’elle pourra l’éclairer sur la manière de confondre son suspect. Pour cela, il faut déterminer le modus operandi et entrer dans la tête du coupable pour éventuellement déterrer les cadavres soigneusement camouflés dans son passé. 

Le romancier américain use des ingrédients du thriller psychologique pour mieux les détourner. Il crée ainsi un savoureux cocktail mixant trahison, obsession, vengeance, manipulation, meurtres par procuration et rebondissements inattendus. Il met bien sûr l’accent sur la psychologie des personnages dont certains sont volontairement à la limite de la caricature : l’enquêteur torturé, l’ex star du lycée, le "Weirdo" de service, etc…  Les protagonistes font plusieurs fois référence à Stephen King, qualifié de « maître du thriller psychologique » par le journaliste John Levesque du Seattle Post-Intelligencer. Peter Swanson multiplie ce type de clin d’œil pour le plus grand plaisir des amateurs du genre. Le chat de Kimball ne s’appelle certainement pas Pyewacket par hasard ! 

Le récit est très rythmé grâce à une succession de flash-backs et une narration kaléidoscopique partagée entre les différents protagonistes. Peter Swanson crée ainsi un jeu d’équilibre où les frontières entre le bien et le mal oscillent en permanence selon les points de vue des uns et des autres. L’intrigue est savoureusement machiavélique, au risque de frôler à plusieurs reprises le manque de crédibilité… mais qu’importe puisqu’il y a l’ivresse de la tension !

📌Ceux qu'on sauve. Peter Swanson, traduit par Christophe Cuq et Alexis Nolent. Gallmeister, 401 pages (2025)


Genre queer. Maia Kobabe

Genre queer. Maia Kobabe

💪Je pense que le sous-titre de cet album, Une autobiographie non-binaire, est relativement explicite. Je suis tombée sur cette BD par hasard à la bibli alors qu’Anne-yes venait d’annoncer l’organisation d’un mois des fiertés sur son blog de lecture. Cela ne pouvait pas mieux tomber ! Pour écrire ce billet, je me suis demandée s’il fallait utiliser tour à tour des pronoms féminins, masculins ou neutres selon l’évolution du personnage principal :  elle, il/lui, iel/lea,… A la fin de l’album, Maia Kobabe a choisi ille/lo et le terme d’auteurice. J’ai décidé de respecter ce choix…


Genre queer. Maia Kobabe. P186-187

Maia Kobabe a décroché un master de bande dessinée à San Francisco. Dans le cadre d’un projet universitaire, ille a commencé un projet d’album autobiographique. La tâche n’a pas été simple ! Comment parler de soi quand on hésite encore sur son identité ? Comment évoquer les sujets intimes qui nous rebutent ? Maia a néanmoins la chance d’être bien entouré(e) par sa famille et ses amis. Ille a fait son premier coming out dès le lycée dans une communauté visiblement sans préjugés particuliers (je m’étonne juste que ses interlocuteurs sur le sujet ne soient pratiquement que des femmes). Pour autant, toutes les questions existentielles n’étaient pas réglées, bien au contraire. En murissant,  Maia s’est de plus en plus interrogé(e) sur son/ses (ou absence) d’orientation(s) sexuelle(s) et les options de genre. Était-ille androgyne, bi, cisgenre, trans, asexuel(le)… ? Faut-il mettre vraiment une étiquette sur son identité si on ne souhaite pas choisir ? Dans ce cas, faut-il changer de prénom ? A cela s’ajoute certaines phobies liée à l’appropriation de son corps, son rapport à l’autre et la sexualité vers laquelle ille se sent peu d’appétence.


Genre queer. Maia Kobabe. P68-69

Beaucoup de sujets sont abordés dans cet album, y compris autour de la culture LGBT+, les découvertes littéraires et musicales de Maia Kobabe. Néanmoins, cet ouvrage n’est pas un guide ni un mode d’emploi s’adressant exclusivement à cette communauté. C’est un témoignage honnête et émouvant sur un parcours de vie, sans doute moins marginal qu’on ne pourrait le penser de prime abord. Certaines questions concernent également les jeunes hétérosexuels et/ou ceux qui sont (se croient) assurés dans leur identité féminine ou masculine.


Genre queer. Maia Kobabe. P146-147

Maïa a eu la chance de grandir dans un environnement familial harmonieux. Si ille a un peu souffert de sa différence et vécu quelques scènes gênantes, ille ne mentionne pas de harcèlement scolaire ni de maltraitances physiques ou psychiques. Il y a bien sûr des personnes maladroites dans son entourage mais toutes semblent bienveillantes… à moins que Maïa n’ait pas souhaité mentionner les autres ?  Je ne pense pas car il n’y a visiblement aucune fausse pudeur dans cet album malgré les réticences initiales de l’auteurice.  Pour autant, je n’ai rien trouvé de choquant.  Maïa et ses proches abordent les questions sur le genre d’une manière franche et directe qui crée un fort capital sympathie. Les dessins, aux traits relativement naïfs, apportent la fraîcheur nécessaire aux scènes plus intimes (les premières règles, les rendez-vous chez le gynécologue, la masturbation, les tests de sex-toys…).

Depuis 2021, la présence de l’album Gender Queer dans les rayons des bibliothèques américaines est fortement remise en cause. La controverse porte sur des illustrations jugées sexuellement explicites. D’autres ouvrages LGBT+ comme Lawn Boy de Jonathan Evison et All Boys Aren't Blue de George M. Johnson sont également visés par la censure. Je ne peux donc que vous recommander de les lire.

📌Genre queer, une autobiographie non binaire. Maia Kobabe, avec la traduction d’Anne-Charlotte Husson. Casterman, 240 pages (2022)

Le mois des fiertés


Tombes de cow-boys. Roberto Bolano

Tombes de cow-boys. Roberto Bolano

Je découvre Roberto Bolaño à travers ce cours recueil publié à titre posthume.  L’écrivain chilien à la réputation d’être un auteur difficile d’accès et j’avoue que j’appréhendais cette lecture. L’opus compte trois nouvelles assez elliptiques. Les personnages principaux sont toujours de jeunes poètes chiliens. Dans les deux premières textes, Patrie et Tombes de cow-boys, ils sont confrontés à la violence sociale et/ou à la répression politique. La troisième histoire, intitulée Comédie de l’horreur en France,  est pour le moins surréaliste. Je pense que j’aurais pu l’apprécier si la lecture des deux autres nouvelles ne m’avait découragée. 

J’ai eu la sensation de lire une juxtaposition de fragments plus ou moins reliés entre eux par des références qui m’échappaient totalement, soit parce que je ne maitrise pas les codes culturels chiliens, soit parce ces textes empruntent beaucoup aux précédents ouvrages du romancier (personnages, lieux, scènes alternatives, etc). Par exemple, Arturo Belano, le héros de Patrie, est déjà connu des lecteurs aguerris de Bolaño, puisqu’il apparait dans Les Détectives sauvages et dans Amuleto. Au début de l’histoire, il semble fortement troublé par la mort de Patricia Arancibia, une jeune femme rencontrée à une fête, le jour du coup d’état de Pinochet. Dans la nouvelle titre, un autre Arturo s’exil au Mexique, le pays de son père, avec sa mère et sa sœur. Il sèche la plupart des cours au lycée pour flâner dans ses librairies préférées. Il y fait la connaissance d’un personnage énigmatique qu’il surnomme Le Ver. Le héros de la troisième histoire a répondu à un appel inattendu dans une cabine téléphonique le jour d’une éclipse solaire. Il  se présente sous le nom de Diodore Pilon tandis que son interlocuteur prêtant l’avoir contacté volontairement pour le compte du Groupe Surréaliste Clandestin. La suite de l’intrigue est à l’avenant. 

💪Je suis un peu frustrée car je suis passée complètement à côté de cet ouvrage. J’ai d’ailleurs lu le dernier tiers en diagonale. Je ne suis pas sûre de réitérer l’expérience, en dehors du cadre du Printemps latino, même si Roberto Bolaño est considéré comme un écrivain majeur de la littérature chilienne contemporaine. 

📌Tombes de cow-boys. Roberto Bolaño, traduit par Jean-Marie Saint-Lu. Points, 192 pages (2024)

Challenge Printemps latino au Chili