Articles

Affichage des articles du février, 2024

Pour mourir, le monde. Yan Lespoux

Image
Roman historique et épopée maritime, ce livre nous conduit aux quatre coins du monde où une série de personnages affrontent mille dangers. Le titre est tiré d’une citation du prêtre jésuite portugais, Antonio Vieira (1608-1697) : « Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître le Portugal ; pour mourir, le Monde. ».  Le récit débute en janvier 1627, par le terrible naufrage d’un riche navire portugais sur les côtes du Médoc. Quelques années plus tôt, un jeune garçon nommé Fernando Texeira quitte Lisbonne à bord d’un bateau en partance pour les Indes, sous les ordres du capitaine Manuel de Meneses. A bord, notre héros fait la connaissance de Simão Couto dont il devient vite inséparable. Une suite d’évènements conduit nos deux soldats au large des côtes africaines où ils font naufrage, puis à Goa où ils espèrent faire fortune avant de renier la religion catholique et de s’engager comme mercenaires au service du sultan de Bijapur. A l’autre bout du monde, à Sal

Les grands cerfs. Gaétan Nocq

Image
Pamina, l’héroïne de cette bande dessinée est écrivaine. Elle a choisi de vivre en retrait de l’agitation humaine, dans les Vosges, avec son époux Nils. Ils habitent les Hautes-Huttes, une ancienne métairie, située au cœur de la forêt, en haut d'une vallée, au-dessus de Colmar. Léo, un photographe animalier, leur apprend que leur terrain est le lieu de passage des grands cerfs. Il souhaite y construire une cabane d’affût pour les observer. Non seulement Pamina donne son accord mais elle décide d’utiliser aussi la construction pour observer les animaux. Grâce aux conseils de Léo, elle apprend différentes techniques d’affût et se promène régulièrement dans la forêt pour voir les cervidés. Elle découvre comment les reconnaître et peut bientôt les appeler par leurs noms (Apollon, Géronimo, Wow, Pâris…)  La narratrice sait déjà que les cerfs seront au cœur de son prochain roman. Ses recherches l’incitent à rencontrer les agents de l’ONF (l’Office National des Forêts) et les adjudicatair

Journal d'un vide. Emi Yagi

Image
L’activité littéraire proposée cette année par Ingannmic , autour des mondes du travail , m’a permis de découvrir une nouvelle écrivaine japonaise.  Son Journal d’un vide été récompensé en 2020 par le prestigieux prix Osamu-Dazai du meilleur premier roman japonais. Il a ensuite été traduit dans plusieurs langues dont l’Anglais, l’Espagnol, l’Allemand, l’Italien ou le Danois.   La narratrice est une jeune célibataire trentenaire qui a quitté son précédent job en intérim pour échapper au harcèlement sexuel. Elle occupe désormais un poste de gestionnaire de production dans une entreprise fabricant des mandrins en carton. Ces tubes servent de supports à dérouler pour divers matériaux. Il s’agit d’un univers exclusivement masculin et ses collègues trouvent normal que la seule femme du bureau s’acquitte de toutes les corvées subsidiaires (faire du café, vider les cendriers, ranger la salle de réunion, réapprovisionner l’encre de l’imprimante ou distribuer les goodies).  Rien n’est imposé en

Un bref instant de splendeur. Ocean Vuong

Image
  « Si la vie d’un individu, comparé à l’histoire de notre planète, est infiniment courte, un battement de cils, comme on dit, alors être magnifique, même du jour de votre naissance au jour de votre mort, c’est ne connaître qu’un bref instant de splendeur. » Le narrateur de ce livre, à l’évidence l’alter ego d’ Ocean Vuong , écrit une lettre à sa mère analphabète. Il s’agit de répondre à la question qu’elle lui a posée un jour : c’est quoi être écrivain. Mais la vraie question ici c’est plutôt : ça ressemble à quoi la vie d’un jeune américain d’origine vietnamienne, pauvre, homosexuel et qui porte les stigmates de deux autres générations traumatisées par la guerre ?  A coup de flashs back et de circonvolutions, l’auteur évoque son enfance dans le Connecticut entre sa mère parfois violente et sa grand-mère schizophrène. Toutes les deux portent des noms de fleurs Hong (Rose) et Lan (Orchidée) comme pour conjurer la laideur ambiante. Lan, la grand-mère du narrateur, le surnomme affectueus

Mexican Gothic. Silvia Moreno-Garcia

Image
Je poursuis mon escapade littéraire au Mexique dans le cadre mois latino organisé par Ingannmic. Après L'Hacienda d’Isabel Cañas, je passe la limite du fantastique pour plonger carrément dans l’horreur. Avec Mexican Gothic, Silvia Moreno-Garcia nous propose en effet une relecture des codes du genre, lui insufflant un brin de modernité et une petite touche latina.  Ainsi, dans un manoir hanté, au cœur de l’état d’Hidalgo, cohabitent de pimpantes jeunes femmes de la haute bourgeoisie mexicaine avec de ténébreux aristocrates anglais et leur valetaille apathique. Il y a, comme il se doit, des portes qui grincent, un système électrique défaillant nécessitant l’usage de bougies, une météo déplorable avec un brouillard persistant, des sorties nocturnes dans le cimetière familial, et une ambiance plombée par le poids des traditions.  Nous sommes dans les années 50 à Mexico. Notre héroïne est une jeune et insouciante citadine appelée Noemí Taboada. Etudiante à l’université Nationale, elle

Lune de papier. Mistuyo Kakuta

Image
Ce roman n’est pas un thriller à proprement parler mais la tension monte crescendo et le lecteur se sent de plus en plus oppressé. On sait dès le début qu’une certaine Rika a fait une grosse bêtise. Elle a volé des centaines de milliers de yens avant de se réfugier en Thaïlande. Quelles raisons l’ont poussée à détourner l’argent des clients de la banque dans laquelle elle travaillait ? Avait-elle un amant comme le prétendent les tabloïds ? Était-il complice de l’escroquerie ? Comment la jeune femme a-t-elle passé la frontière ? Autant de questions qui titillent les gens qui l’ont fréquentée à un moment ou à un autre de sa vie. Un ex-petit ami et ses amies de lycée ou d’université prennent tour à tour la parole, tels des témoins de sa bonne moralité. Or, au fil des pages, il apparait qu’ils ont tous un problème avec l’argent. Ce rapport malsain brise leurs vies d’une manière ou d’une autre. La version de Rika s’intercale dans ce chœur assourdissant et le lecteur découvre peu à peu le fi

L'inventeur. Miguel Bonnefoy

Image
Je découvre Miguel Bonnefoy à la faveur du Mois latino , organisé par Ingannmic. L’inventeur n’est certes pas le livre le plus exotique de l’écrivain franco vénézuélien mais c’est son dernier paru à ce jour. Il s’agit d’une biographie romancée de l’inventeur français Augustin Mouchot (1825-1912). Vous n’avez jamais entendu parler de lui ? C’est normal. L’homme a réellement existé mais il manquait de charisme et son histoire personnelle s’est perdue dans les méandres de la grande histoire. L’auteur fait de lui un portrait assez cruel qui fait imaginer un être souffreteux, monomaniaque et peu séduisant en dépit d’un génie certain. Il est en effet l’un des premiers chercheurs à s’être intéressé à l’énergie solaire.  Augustin Mouchot est le rejeton d’un serrurier de Semur-en-Auxois. De faible constitution, il aurait passé quasiment les trois premières années de sa vie dans un lit et en aurait gardé des séquelles durables. Une anecdote (j’ignore si elle est réelle ou inventée par Miguel Bo

Les Naufragés du Wager. David Grann

Image
Après les meurtres des Indiens Osage dans l’Oklahoma au cours des années 1910-1930 ( La note américaine , Éditions Globe 2018), David Grann s’intéresse à l’épopée dramatique d’un vaisseau de la Royal Navy au 18ème siècle. Si cet ouvrage a la fluidité d’un roman d’aventure maritime, il s’agit bien d’un essai historique. L’ex journaliste du New-Yorker, nous conte avec brio le naufrage du HMS Wager, un bateau de ligne de la couronne britannique qui avait appareillé en mai 1740 à la suite de l’escadre du Commodore George Anson. Celle-ci comptait 6 navires de guerre dont le Centurion, le Gloucester, le Severn et le Wager. Ils avaient pour mission de s’emparer du « galion de Manille ». Ce bateau espagnol traversait l'océan Pacifique une ou deux fois par an avec un véritable trésor dans sa cale.  L’expédition, maintes fois reportée, s’est avérée compromise dès le départ par le manque de marins et la difficulté d’en recruter dans le contexte de "guerre de l’oreille de Jenkins" (

Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée. Sonny Liew

Image
Gros coup de cœur pour ce roman graphique ! Je suis très impressionnée par la performance de l’auteur, tant du point de vue de l’intrigue et de la narration, que du graphisme. Sonny Liew est capable de changer son trait et d’adopter le style de ses illustrateurs préférés mais aussi de multiplier les supports (dessins, photos, articles de journaux…) ou les techniques (Huile sur toile, croquis, strip…). L’album est un véritable pavé, très dense mais absolument passionnant. C’est un chef d’œuvre qu’il faut lire sans se presser par doses homéopathiques. Le seul bémol tient à la police, parfois un peu petite (du fait des superpositions de documents) et donc difficile à déchiffrer. Charlie Chan Hock Chye est un auteur fictif de bande dessinée. Au prétexte de faire revivre les 50 ans de carrière de ce personnage, Sonny Liew revisite l’histoire officielle de la cité-État de Singapour, depuis la colonisation britannique jusqu’au développement économique fulgurant des dernières décennies, en pas

L'Hacienda. Isabel Canas

Image
L'Hacienda est un roman fantastique écrit par une autrice mexicaine de langue anglaise (Isabel Cañas vit actuellement aux Etats-Unis). Son intrigue nous conduit au lendemain de la guerre d’indépendance du Mexique (1810-1821) dans la région d’Apan dans l’état d’Hidalgo, au centre du pays.  Beatriz, l’héroïne, vient d’épouser don Rodolfo Eligio Solórzano Ibarra, un riche Hacendado, partisan de la république et protégé de l’ancien général Guadalupe Victoria. La mère de Beatriz, issue d’une longue lignée d’aristocrates espagnols mais coupable de mésalliance, n’approuve pas du tout cette union. En effet, son époux défunt, a soutenu l’autre camp pendant la guerre. Il a été déclaré traître à la patrie après l’abdication d’Agustín de Iturbide et exécuté. La veuve et sa fille ont été recueillies par Sebastián Valenzuela, et tía Fernanda, son épouse, des cousins éloignés de la famille qui les traitent avec condescendance. Lasse d’être considérée comme une domestique, Beatriz accepte donc la

Alpinistes de Mao. Cédric Gras

Image
Au mitan du 20ème siècle dans les pays communistes, l’alpinisme est moins une pratique sportive qu’un enjeu politique. Dans son précédent livre, Cédric Gras a montré que pour les dirigeants de l’ex-URSS la conquête des sommets était un moyen comme un autre de prouver la supériorité de l’homo sovieticus alpinisticus (Cf Alpinistes de Staline ).  Dans la Chine de Mao, l’himalayisme s’inscrit dans le contexte de la conquête du Tibet. Il s’agit de montrer que ce territoire est maîtrisé et entièrement acquis à la Révolution. Après les exploits enregistrés par les représentants des empires capitalistes, l’échec n’est pas une option. Or, les Chinois sont loin d’être des alpinistes aguerris. Les volontaires sont choisis davantage pour leur fidélité au Parti que pour leurs qualités physiques et sportives. La quasi-totalité d’entre eux n’a aucune connaissance du terrain et n’a même jamais vu une montagne ! Les Maoïstes sont formés par leurs grands frères russes et sont envoyés à Moscou puis dans

Nos mondes perdus. Marion Montaigne

Image
  Je découvre Marion Montaigne grâce à ce gros album et c’est un énorme coup de cœur. L’autrice, qui est à la fois scénariste et dessinatrice, s’intéresse à l’histoire des sciences… mais à sa manière un peu décalée. D’ailleurs, cette BD serait née de sa fascination un peu morbide pour Jurassic Park , le film de science-fiction de Steven Spielberg (qu’elle a vu plusieurs centaines de fois) et un penchant tout aussi singulier pour le dessin anatomique. Nos mondes perdus n’est pas la première incursion de Marion Montaigne dans le genre. Si elle a débuté sa carrière d’illustratrice dans l’édition pour la jeunesse, elle s’est rapidement fait un nom dans le domaine de la vulgarisation scientifique. Certains connaissent peut-être son blog créé en 2008, Tu mourras moins bête (…mais tu mourras quand même) . Les strips diffusés en ligne ont ensuite été réunis dans une série d’albums et publiés par Ankama Éditions (à partir de 2011) puis Delcourt (dès 2014). En 2016 et 2017, la dessinatrice a su