Tsubame. Aki Shimazaki

Tsubame. Aki Shimazaki


 On parle toujours de la délicatesse de la culture japonaise. Les romans d’Aki Shimazaki contredisent un tantinet cette image. Je ne parle pas ici du style d’écriture de l’autrice mais de l’histoire de son pays d’origine. Au fil de ses romans, la romancière n’a de cesse de mettre en avant la brutalité des régimes successifs et des populations endoctrinées. Des actes de barbarie, suscités par la colère du peuple, font écho aux malheurs engendrés par les guerres et catastrophes naturelles qui ont frappé le Japon au début du 20ème siècle. Au milieu de ce chaos, Aki Shimazaki explore les zones d’ombre d’une famille dont le lecteur peut suivre la destinée tortueuse au fil des pages. La saga est si bien construite que chaque volet peut se lire indépendamment des autres (peut-être même dans le désordre). L’ensemble forme une pentalogie intitulée Le poids des secrets. L’autrice aurait pu la présenter sous la forme d’un roman choral unique mais sa lecture aurait sans doute été plus fastidieuse. 

Dans ce troisième opus (après Tsubaki et Hamaguri), la parole est donnée à une femme. Elle est née Coréenne au Japon en 1911. Pendant les 12 premières années de sa vie, elle s’appelle Yonhi Kim. Sa mère est une refugiée politique. Elle s’est échappée de son pays natal à cause des persécutions menées contre les opposants au régime d’occupation nippon. Arrivée clandestinement au Japon, accompagnée de son frère, elle a toujours été considérée comme une Zaïnichi (étrangère). En dépit de sa bonne éducation, elle est réduite à faire le ménage chez une riche famille nipponne. Sa fille Yonhi ignore le nom de son père naturel. La vie s’écoule ainsi vaille que vaille, jusqu’au grand tremblement de terre du Kantō, le 1er septembre 1923. Ce jour-là, les trois membres de la famille sont séparés. Yonhi est confiée, sous une fausse identité, aux bons soins de l’Eglise chrétienne pendant que sa mère part à la recherche de son oncle. La fillette ne les reverra jamais. Son seul héritage est un journal intime écrit dans une langue qu’elle finit par oublier. Le prêtre, que les femmes de la paroisse surnomment Monsieur Tsubame (hirondelle), se débrouille pour lui obtenir la nationalité japonaise en falsifiant son koseki (état civil). Elle s’appellera désormais Mariko Kanazawa. Ceux qui ont lu la pentalogie dans l’ordre savent qu’il s’agit de la mère de Yukio, le narrateur d’Hamaguri

Après le bombardement dévastateur de Yokohama en mai 45, le traumatisme de Nagasaki et l’humiliante défaite contre les forces alliées, Aki Shimazaki aborde dans ce nouveau volet de la saga, la question de relations entre le Japon et la Corée puis celle des Chôsenjin (Coréens installés au pays du Soleil Levant). Il est très difficile d’obtenir la nationalité japonaise pour un étranger et la diaspora coréenne semble particulièrement mal perçue sur ce territoire. Après le séisme de 1923, entraînant la destruction de Tokyo et de Yokohama, les habitants se sont retournés contre les résidents coréens. Le gouvernement local les accusait de mettre le feu aux maisons. Cinq à six mille personnes ont été massacrées par l’armée, la police et les forces d’autodéfense. Le lynchage des Zaïnichi (y compris les Chinois) ainsi que des Ryukyuéens et des dissidents politiques s’est poursuivi pendant plusieurs jours après le tremblement de terre.

J’ignore quel personnage s’exprimera dans le tome 4 mais j’ai hâte de découvrir quel nouveau secret il ou elle cache. Le titre de ce prochain volet est Wasurenagusa

D’autres avis que le mien : Cléanthe, Maggie et Hilde

Le Poids des secrets, tome 3 : Tsubame. Aki Shimazaki. Babel, 128 pages (2008)


Commentaires

  1. J'ai aimé les 5 volumes, qui composent comme une mosaïque dont on assemble peu à peu les morceaux... j'ai noté chez Maggie L'ombre du chardon, une autre de ses pentalogies.

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    1. Oui, j'ai vu ton billets sur 5 volumes et j'ai mis un lien. Tu comptes donc retenter l'expérience vers le cycle suivant ? Maggie a déjà commencé la dernière pentalogie (Une clochette sans battant.)

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