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Une ascension. Pauline Desnuelles

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  Une ascension est un roman polyphonique à quatre voix. La narratrice principale, Aurore, est une journaliste suisse. Elle vit seule avec sa fille adolescente depuis la disparition de son mari en haute montagne. Théo a été emporté par une avalanche lors d’une randonnée entre amis et son corps n’a jamais été retrouvé. Laure est la seconde à prendre la parole. Elle n’a que 15 ans à la mort de son père. Si un fantôme hante les personnages, ce n’est pas celui de Théo mais de Marguette Bouvier. Aurore est fascinée par cette championne de ski française et souhaite écrire sa biographie. Mais elle peine à se concentrer depuis le décès de son époux et n’entend pas le spectre murmurer à son oreille.  Marguette Bouvier n’est pas seulement une héroïne de papier. Née en 1908 en Algérie, elle a été la première femme à descendre le Mont-Blanc à ski en 1929… par- 40 degrés ! Elle est morte centenaire à Madrid, après avoir vécu plusieurs vies. Patineuse, aviatrice puis journaliste, elle a rencontré H

Rita Hayworth and Shawshank Redemption. Stephen King

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 J’ai choisi cet opus parce que je trouvais son titre à la fois drôle et intrigant. Mais je préfère vous prévenir tout de suite, bien qu’elle y joue involontairement un rôle crucial, il ne sera pas beaucoup question de Rita Hayworth dans cette novella… ni même de cinéma d’ailleurs. Et nous n’irons pas plus à Hollywood qu’en Californie car, dans cette histoire, l’actrice américaine n’est qu’une pin-up parmi d’autres. Son poster, accroché au mur d’une cellule du block 5 dans la prison de Shawshank, sera successivement remplacé par ceux de Betty Grable, Marilyn Monroe et Raquel Welch, apportant une véritable bouffée de liberté au locataire du lieu. Il s’agit d’un certain Andy Dufresne, condamné à de longues années de prison pour le meurtre de son épouse infidèle et de son amant. Mais c'est un autre personnage qui nous raconte son histoire. Le narrateur s’appelle Red. Au début de l’histoire, il est incarcéré à la prison de Shawshank dans le Maine. Cet Etat américain ne pratique pas la

Malart. Aro Sáinz de la Maza

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 L’inspecteur Milo Malart est l'un des personnages récurrents d’une tétralogie dont les autres volets sont Le Bourreau de Gaudi , Les muselés et  Docile . Comme bien souvent dans les séries policières, il n’est pas nécessaire d’avoir lu les romans précédents pour s’y retrouver. C’est d’autant plus vrai ici que l’auteur se focalise sur son héros. En effet, notre flic barcelonais a disparu et ses collègues du GEHME (groupe spécial d'homicides de la police de Catalogne) se creusent les méninges pour comprendre dans quel guêpier il a encore bien pu se fourrer. Malart est un être torturé, limite schizo, qui aime faire cavalier seul et dont les méthodes sont discutables. C’est aussi un fin limier dont l’intuition bien aiguisée ne le trompe jamais.  L’intrigue se déroule sur 3 jours seulement. Le matin du premier jour, la sous-inspectrice Rebeca Mercader, (je n’y peux rien mais la mention de son grade me fait systématiquement penser au sous-commandant Marcos), binôme de Malart, est pl

Faire bientôt éclater la terre. Karl Marlantes

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 « La terre trembla. Ensemble, l’eau et les grumes creusèrent les flancs du ruisseau jusqu’à la roche. De petits arbres furent arrachés aux berges. Le sol vibra. Certains membres de l’équipe avaient été postés le long du cours d’eau et tous ceux qui observaient l’explosion accoururent, portant gaffes et tourne-billes. »  Après deux livres consacrés à la guerre ( Retour à Matterhorn et Partir à la guerre ), Karl Marlantes nous propose une fresque historique et sociale dédiée aux premiers combats des syndicalistes de l’IWW (Industrial Workers of the World) dans l’industrie forestière américaine au début du 20ème siècle. Les personnages principaux de cette saga sont une fratrie de migrants finlandais et leurs familles respectives.  Ilmari Koski, l’aîné, est le premier à quitter Kokkola, attiré par les promesses du rêve américain. L’industrie forestière, d’abord très florissante dans le haut Midwest, se déplace vers les régions du Nord-Ouest. Le jeune finlandais s’installe à vingt kilomèt

Le festin. Margaret Kennedy

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 « J’ai parlé hier avec Siddal, notre hôte. Il m’a appris que l’anse de Pendizack s’appelait autrefois Hell’s Kitchen et que ses fils voulaient appeler le manoir Hôtel de l’Enfer. Il avait l’air de trouver ça drôle, alors j’ai fait semblant de rire et je me suis retenu de citer Méphistophélès : L’Enfer est ici, je n’en suis pas sorti. Pourtant ce vers, ce vers me hante partout où je suis. Je ne peux le chasser. » Mr Paley, en villégiature à l’hôtel de Pendizack en Cornouailles, ignore à quel point les quelques mots qu’il écrit dans son journal intime à l’entrée du 16 août 1947 vont se révéler prophétiques. Quelques jours plus tard, en effet, une énorme masse rocheuse se détache de la falaise, près du village de St Sody, et s’écrase sur la pension de famille des Siddal dans la crique en contrebas. Cet évènement nous est rapporté dès le début du livre par le révérend Samuel Bott qui prépare l’oraison funèbre. A cette occasion, il confie à son ami et invité, le révérend Gerald Seddon, que

Les raisins de la colère. John Steinbeck

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 « Une journée passa et le vent augmenta, un vent régulier que n’entrecoupait aucune rafale. La poussière des routes enfla, s’éparpilla et retomba sur les herbes à la lisière des champs, et aussi un peu dans les champs. Désormais le vent soufflait fort et dur, et il attaquait la croûte formée par la pluie dans les champs de maïs. Petit à petit le ciel disparaissait derrière la poussière qui se mêlait à l’air, tandis que le vent, effleurant la terre, détachait la poussière et l’emportait. » Le roman de John Steinbeck s’ouvre sur deux scènes particulièrement évocatrices. Les premières lignes décrivent les paysages du Midwest américain, ravagés par l’une de ces tempêtes de poussières emblématiques de la période de sécheresse des années 30. La seconde image est celle d’un vagabond faisant du stop près d’un restaurant de routiers. Il s’appelle Tom Joad, il sort de prison et veut rentrer chez lui dans l'Oklahoma. Alors qu’il se repose au bord de la route, il rencontre l'ancien prédic

Cette corde qui m'attache à la terre. Lorina Bălteanu

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Cette lecture, dont j’ai pioché l’idée sur le blog Et si on bouquinait un peu , me permet une incursion en Moldavie. J’ai appris à cette occasion qu’on y parle le Roumain. Durant la période soviétique, l’écriture cyrillique a été imposée à la population locale si bien que les livres imprimés avant devaient être cachés.  En général, je ne suis pas une grande amatrice de ce type de roman, à hauteur d’enfant, mais je dois reconnaître que le choix narratif de l’autrice est cohérent avec l’intrigue. Ce récit d’enfance, plein de fraîcheur et d’espièglerie, nous téléporte dans un monde aujourd’hui disparu. La narratrice ne donne pratiquement aucune date ni nom de lieu. Le lecteur ne connaîtra pas non plus son véritable prénom qu’elle déteste et qu’elle a elle-même modifié au stylo sur son acte de naissance. La mention de l’assassinat de Salvador Allende au Chili m’a permis de dater une partie des évènements. Sachant que la narratrice elle est entrée chez les Pionniers, elle a donc entre 9 et

Histoire de Tönle. Mario Rigoni Stern

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 Le narrateur se rend quotidiennement au chevet de son ami et compatriote, l’écrivain Gigi Ghirotti. Pour le distraire, il lui raconte l’histoire de Tönle Bintarn, un modeste berger cimbre qui s’illustra bien malgré lui pendant la première guerre mondiale. Ce brave homme n’aimait rien tant que sa maison, son cerisier, ses montagnes, ses moutons, sa polenta, son tabac, sa femme, ses nombreux enfants (peut-être pas dans cet ordre là) et la paix par-dessus tout !   « Il se souvenait que, bien des années auparavant, à la caserne de Budějovice, il avait défilé en rang devant le commandant von Fabini et puis, quand on avait changé de gouvernement, à Vérone, à la caserne des Paloni, il avait défilé, toujours en rang, devant le colonel Nicola Heuch (…) Il conclut que cela n’avait rien d’étrange ; en Italie comme en Autriche, les riches, ça reste toujours les riches, et, que ce soient les uns ou les autres qui commandent, ça change rien pour les pauvres gens. C’est toujours à eux de travailler,

J'ai dû m'en aller. Mélanie Edwards

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   « Avant de partir, j’ai acheté un petit carnet noir, qui me servira de journal de bord. Je voudrais ne rien oublier. D’abord parce qu’un voyage comme celui-là, je n’en ai pas fait souvent, et ensuite parce que je n’aime pas l’idée d’oublier des choses qui me sont arrivées. » Dimitri, le jeune narrateur, est un lycéen relativement insouciant, sociable et bon élève. Il abandonne pour quelques jours sa petite amie Roxane (dont il ne sait plus trop s’il en est encore amoureux) pour partir en croisière dans les Cyclades avec son père et son frère cadet, Tom. Leur mère, qui n’a pas le pied marin, est restée en France pour s’occuper de Mamotte, la grand-mère malade.  Le voyage ne commence pas sous les meilleurs auspices. En effet, lors de leur escale à l’aéroport d’Athènes, le petit groupe découvre qu’il va devoir attendre deux heures avant de récupérer sa voiture de location. Le père de famille, fatigué et contrarié par ce contre-temps, s’énerve un peu ce qui embarrasse grandement son fil

Chien Brun. Jim Harrison

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Chien Brun (plus souvent appelé par ses initiales C.B.) est le personnage fétiche de Jim Harrison. Il apparait dans six nouvelles de l’écrivain américain, publiées en intégrale chez Flammarion . La collection Folio propose une incursion dans la vie de ce personnage attachant au travers d’une novella de plus de 120 pages.  On comprend assez vite que le bonhomme a l’art d’attirer les ennuis. Il faut dire que son penchant pour les alcools forts et les jolies filles l’y aident bien. Mais, au fond, C.B. est un brave gars. Lorsque Shelley Newkirk, une anthropologue qui lui sert de référente judiciaire, lui demande d’écrire son histoire dans une sorte journal intime, il le fait avec beaucoup d’honnêteté. C’est ainsi que le lecteur apprend comment il a été placé en liberté surveillée tandis que son associé, Bob, a écopé de 2 ans de prison à cause de lui.  C.B. est sauveteur sous-marin. Le titre cache en fait une activité de charognard, pas toujours très légale. Lorsqu’il repêche le cadavre d’