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Idiss. Badinter, Malka & Bernard

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Il s’agit ici d’une adaptation du roman éponyme de Robert Badinter. Le politicien et juriste français a souhaité rendre hommage à sa grand-mère maternelle, Idiss, née en 1863 en Bessarabie (actuelle Moldavie). Dans ce territoire russe, arraché à l’ancien empire ottoman, la population juive bénéficiait d’un statut juridique plus clément que dans le reste du pays. Néanmoins, la situation du "Yiddishland" commença à se dégrader dès 1840 jusqu’aux premières vagues de pogroms en avril et octobre 1903.    L’album débute en 1890, dans un Shtetel (bourgade juive) proche de la frontière roumaine.  Idiss habite chez ses beaux-parents avec ses deux garçons, Avroum et Naftoul. Son mari, Schulim Rosenberg, a été enrôlé dans l’armée tsariste. La vie n’est pas facile et la jeune mère est contrainte de faire de la contrebande de tabac pour joindre les deux bouts. Le retour de son époux, après 5 ans d’absence, marque une brève éclaircie et se solde par la naissance d’une petite fille prénommé

Contes de la solitude. Ivo Andrić

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Zulma proposent une réédition des Contes de la solitude Ivo Andrić (1892-1975), qui tombe à point nommé pour la 6ème édition du mois de l’Europe de l’Est . Ce recueil est composé de 14 textes dont 9 nouvelles tirées d’un manuscrit posthume, publié en 1976 sous le titre de Kuća na osami en version originale ( La Maison isolée ). La première traduction française, parue chez L'Esprit des péninsules date de 2001.  Le prologue nous ouvre les portes de la demeure de l’auteur à Sarajevo, qui nous invite à faire virtuellement le tour du propriétaire.  « C’est une maison à un étage sise tout en haut de la pente escarpée d’Alifakovac, un peu à l’écart des autres. Au rez-de-chaussée, où il fait chaud l’hiver et frais l’été, un couloir spacieux, une grande cuisine et, à l’arrière, deux chambres sombres, plus petites. À l’étage, trois pièces assez vastes dont l’une – celle de devant – donne sur la vallée ouverte de Sarajevo. Elle possède un large balcon qui, par sa construction et ses dimensi

Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ? Ante Tomić

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Smiljevo est une bourgade située à quelques encablures de la ville de Split en Croatie. Le cœur du village bat au rythme de son église, et surtout de son épicerie et de son bar. Les habitants du lieu s’y croisent, échangeant faits divers, ragots de voisinage et blagues potaches. Dans cette ambiance bon enfant, la coutume veut que les plus riches (les émigrés revenus au pays) paient des coups aux baltringues, des paumés notoires comme Le Glandu, le Noiraud ou le Merlan. Du coté des célébrités locales, il y a d’abord Josip alias Miguel, le propriétaire du magasin d’alimentation. Fidèle téléspectateur d’une série latino, l’épicier aime interpeler ses clients dans la langue de Cervantes. Tatjana, jeune et riche veuve, fréquente assidument l’endroit, tout comme Don Stipan, le curé à qui elle fait du gringue. L’aventure tourne court après une cuite mémorable de l’homme d’Eglise et une panne sèche en pleine campagne pour sa soupirante éconduite. Mais à Smiljevo, les histoires tragi-comiques s

L’aliéniste. J.-M. Machado de Assis

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L’histoire qui nous est contée est sensée être rapportée dans les chroniques de la colonie d’Itaguaï au Brésil selon une chronologie un peu floue. On sait que les évènements se sont déroulés « il y a fort longtemps » soit, sans doute, au tournant du 19ème siècle. L’histoire fait plusieurs fois référence à l’empire colonial portugais (nous sommes donc avant l’indépendance du Brésil en 1822) et à la révolution française. Par ailleurs, il est question des prémices de la psychiatrie, ce qui fait du bon docteur Bacamarte, héros de cette aventure, un contemporain des pionniers comme Joseph Daquin (1732-1815) ou Philippe Pinel (1745-1826). Après des études de médecine à Coimbra et à Padoue, Simon Bacamarte, décide de rentrer dans sa bourgade natale, "son Ithaque brésilien", refusant des fonctions prestigieuses au Portugal. Le médecin a décidé de se spécialiser dans l’étude et le traitement des maladies mentales et rêve de fonder un asile d’aliénés. Les notables du conseil municipal

Le passager sans visage. Nicolas Beuglet

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C’est la première fois que je lis un roman de Nicolas Beuglet si bien, qu’avant d’ouvrir ce livre, j’ignorais qu’il s’agissait de la seconde enquête de Grace Campbell. Cela dit, comme souvent dans les séries policières, il est possible de prendre le train en marche et de zapper les premiers épisodes. De plus, l’auteur (ou son éditeur) a eu l’obligeance de fournir un résumé du premier volet. Enfin, il ne s’agit que d’une trilogie donc le parcours des héros récurrents n’est pas trop compliqué… du moins du point de vue narratif. En ce qui concerne le passé de Grace Campbell, c’est une autre histoire.  L’inspectrice, récemment réhabilité dans son service grâce à une affaire résolue avec brio, est rongée par un drame qui a sali son enfance. Elle a tenté d’occulter les évènements qui l’ont brisée en cachant les indices collectés dans un cagibi secret dans son appartement. Jusqu’au jour où une lettre anonyme, la renvoie plusieurs années en arrière, l’obligeant à faire face à ses démons. Il es

R.U.R. Kateřina Cupová & Karel Čapek

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Cette bande dessinée est une adaptation d’une pièce de théâtre de Karel Capek qui date de 1920. Plus de 30 ans avant l’œuvre géniale d’Asimov, l’écrivain Tchécoslovaque a inventé le mot "robot" et imaginé une créature artificielle. Selon la légende rapportée par Wikipédia, ce serait en fait frère Josef qui l'aurait inventé à partir du tchèque "robota" qui signifie "corvée". En effet, les robots de la Rossum's Universal Robots (R.U.R) ont été conçus pour libérer les humains du travail manuel et des contraintes connexes. Le secret de leur fabrication est conservé précieusement dans un coffre. Les robots de cette histoire ont déjà un aspect humanoïde et ne sont pas de simples machines, esclaves des humains. La jeune Héléna Glory en a d’ailleurs l’intuition et demande à visiter l’usine de la Rossum's Universal Robots, située sur une île, au milieu de nulle part. Elle est reçue avec empressement par le directeur, Harry Domin, qui est tout de suite t

La Renarde. Dubravka Ugrešić

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Au travers de nombreuses anecdotes tirées de son expérience personnelle ou de l’histoire de la littérature, la narratrice de ce roman s’interroge sur le processus de création fictionnel et son devenir. Comment naissent les histoires ? Si la tentative de résolution de cette question est la colonne vertébrale de cet ouvrage, un autre élément récurrent apparait au fil du récit. Il s’agit de la figure universelle du renard. A l’instar de l’écrivain russe Boris Pilniak (1894-1938), qu’elle cite à de nombreuses reprises, Dubravka Ugrešić affirme que le canidé, « incarnation de la ruse et de la trahison », est le « totem des écrivains ».  « Dans la majorité des langues slaves, ainsi que dans la plus grande partie de l’imaginaire mythologico-folklorique slave (mais également chinois, japonais et coréen), le renard est perçu au féminin. Le renard est Shéhérazade. Shéhérazade est une histoire sur comment naissent les histoires. Car Shéhérazade, en racontant des histoires, s’achète un jour de vie