Articles

Le Visiteur du Sud. Oh Yeong Jin

Image
Au début des années 2000, Monsieur Oh, le narrateur, séjourne et travaille pendant plusieurs mois dans le pays le plus fermé d’Asie. Ce voyage professionnel s’inscrit dans un projet de collaboration entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, initié par la "Politique du rayon de soleil" du président Kim Dae-Joong.  C’est ainsi que l’auteur du manhwa (BD coréenne) se rend à Shinpo, dans la région du Hamgyoengnamdo, au nord-ouest de Pyongyang. Il est alors employé par la Société d’Électricité Sud-Coréenne (KEPCO) et doit superviser un chantier de construction pour l’installation de canalisations. Il travaille avec une équipe d’ouvriers nord-coréens et, en dépit de leur langue commune, ils ont parfois du mal à se comprendre. A cause des règles douanières très strictes, le manhwaga (auteur de la BD) n’a pas pu rapporter beaucoup de photos mais il a réussi à passer la frontière avec des feuillets de son journal intime planqués dans ses chaussures, sous ses chaussettes. L’exaltation

Seins et Œufs. Mieko Kawakami

Image
  Seins et Œufs est le second roman de Mieko Kawakami publié au Japon après My Ego, My Teeth and the World (non traduit en Français). Il a reçu le fameux prix Akutagawa en 2007 et a propulsé la romancière sur la scène littéraire internationale, l’élevant au rang d’icône féministe. Ce texte court, qui tient plutôt de la novella, s’intéresse à trois figures féminines singulières qui se retrouvent à Tokyo. La narratrice accueille chez elle sa sœur aînée Makiko, une mère-célibataire, et sa nièce pré pubère, Midoriko. L’intrigue est condensée sur une période de 3 jours. Makiko, quadragénaire mal assumée, arrive d’Osaka pour une consultation dans une clinique privée de chirurgie esthétique. Complexée par sa poitrine, qu'elle trouve diminuée depuis la naissance de sa fille, elle est obnubilée par l’idée de recourir à une augmentation mammaire. Cette opération est évidemment hors budget pour une hôtesse de bar comme elle. Midoriko, sa fille, s’est enfermée dans un silence pesant, ne com

Les Sept Lunes de Maali Almeida. Shehan Karunatilaka

Image
« Tu te réveilles avec les réponses aux questions que tout le monde se pose. Les réponses sont Oui, et Tout Comme Ici Mais Pire. Tu n’en sauras pas davantage. Alors tu ferais aussi bien de te rendormir. »  Si l’incipit des Sept Lunes de Maali Almeida est aussi énigmatique c’est parce que le narrateur amnésique vient d’entrer dans l’antichambre de l’au-delà. Il va lui falloir un peu de temps pour comprendre qu’il est mort et surtout comment il est arrivé là. Or, il ne dispose que d’une semaine pour résoudre cette énigme, entrer dans la lumière et devenir candidat à la réincarnation. Dans le cas contraire, il sera bloqué dans le monde de l’entre-deux, celui des goules et autres monstres vengeurs. Evidemment, mener une enquête depuis les limbes n’est pas très aisé. Le fantôme de Maali Almeida doit apprendre à se déplacer en chevauchant les vents, à murmurer à l’oreille des vivants par l’intermédiaire d’un chaman malhonnête et à déjouer les pièges de divers entités surnaturelles issues du

Mohawk. Richard Russo

Image
Mohawk est une bourgade de l’Etat de New-York qui doit sa prospérité passée à l’industrie et au commerce de la tannerie. A la fin des années 60, lorsque débute le roman, la récession économique a déjà fait des ravages, à l’instar des cancers dus au taux de pollution. Autant dire que l’avenir ne se présente pas sous les meilleurs auspices.  Dans ce contexte, Richard Russo dresse le portrait de trois familles : les Grouse, les Wood et les Gaffney. Autour d’eux gravitent une série de personnages secondaires qui donnent vie à cette communauté fictive. Parmi eux, il y a Harry Saunders, le propriétaire du "Diner", lieu de sociabilité privilégié des habitants de Mohawk. C’est d’ailleurs dans son restaurant que le romancier américain a choisi de placer sa première scène. On y fait la connaissance de Wild Bill Gaffney, un handicapé mental, et de son oncle, le flic de la ville.  Dallas Younger, l’ex-mari de la belle Anne Grouse, est également un habitué de l’établissement. Ce n’est pas

Lajja. Taslima Nasreen

Image
Pour la Journée internationale des femmes , j’ai choisi de lire Lajja de Taslima Nasreen. Médecin, humaniste et féministe, l’écrivaine bangladaise est la première lauréate (avec Ayaan Hirsi Ali) du prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes , créé en 2008. Paru au Bangladesh en février 1993, Lajja ( La Honte ) a été interdit dans ce pays dès le mois de juillet et le 27 septembre de la même année, la tête de la romancière était mise à prix par un groupe fondamentaliste local. Cette fatwa a forcé Taslima Nasreen à quitter son pays en 1994 et à vivre en exil pendant plusieurs décennies. Elle habite actuellement en Inde. A l’origine de Lajja , il y a une série de faits historiques tragiques sur fond de conflit intercommunautaire entre musulmans et hindous. L’élément déclencheur est la destruction de la Mosquée de Babri à Ayodhya dans l’Etat de l’Uttar Pradesh en Inde, à l'occasion d'une manifestation de nationalistes hindous. Mais les racines du conflit sont bien plus pro

Auteur de crimes. Christos Markogiannakis

Image
Le capitaine Markou est enfin rentré de ses vacances agitées sur l’île de Nissos ( Qui a tué Lucy Davis ? , Plon, 2023) mais l’automne à Athènes ne s’annonce pas plus réjouissant. L’enquêteur croise quotidiennement Roubini Gaetenou, la profileuse avec laquelle il a eu une aventure et qui n’encaisse pas leur rupture. Par ailleurs, un nouveau collègue, le jeune Constandinos Manias, vient d’arriver au commissariat et le chef ne trouve rien de mieux que de le fourrer dans les pattes de Markou. Il faut dire qu’une série de meurtres, sans liens apparents, émeuvent l’opinion publique et agacent, par contrecoup, les politiciens. Mais ce n’est pas ce qui chiffonne le plus notre héros. Markou a flairé un coup tordu qui a un rapport avec sa bibliothèque personnelle et la succession de crimes qui plombent l’atmosphère. Le modus operandi, les victimes et les lieux sont différents mais les assassinats ont un point commun : ils s’inspirent des derniers romans policiers que Markou a lus et rangés chro

Le Retour du Capitaine Nemo. Peeters & Schuiten

Image
L’univers des Cités obscures ne m’est pas familier. J’ai plusieurs tomes de la série dans la bibliothèque familiale mais je me suis contentée de les feuilleter rapidement pour comparer les planches de dessins avec ceux du nouvel album. Ce n’est pas très grave puisque Le Retour du Capitaine Nemo est un volume qui se lit indépendamment et dont les illustrations tiennent davantage du livre illustré. La première partie de l’album est consacrée au héros ressuscité de Vingt Mille Lieues sous les mers et L’Île mystérieuse . Le capitaine Némo semble sortir du néant, affligé d’une amnésie temporaire qui l’oblige à se fier entièrement à son navire, le Nauti-poulpe. Cet engin hybride est une sorte de sous-marin dont la cuirasse et la proue rappellent le corps d’un Kraken. Il conduit son passager dans une série de lieux familiers, sollicitant sa mémoire endormie. La dernière étape de cette quête existentielle est Samarobrive (double fictionnel de la ville d’Amiens) où le capitaine Némo reconnaî