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Affichage des articles du décembre, 2023

Sans passer par la case départ. Camilla Läckberg

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  « La maison s’élève sur trois étages. C’est l’une des plus grandes et luxueuses de Skuru. Au rez-de-chaussée, une gigantesque pièce avec vue sur les eaux sombres du détroit. C’est ici qu’ils vont réveillonner. Une partie de la pièce est aménagée en cuisine avec un énorme îlot central et une table pour au moins douze convives, tandis que l’autre partie est dotée de deux volumineux canapés Svenskt Tenn recouverts d’une étoffe au design si caractéristique de Josef Frank. Décorée de meubles estampillés parmi les plus prestigieux, ainsi que d’antiquités à faire verdir de jalousie l’hôtel des ventes Bukowskis, cette immense salle est de toute évidence destinée à impressionner les convives. » C’est le soir de la Saint-Sylvestre. Un groupe de jeune nantis se réunit dans une villa de Skurusundet, un détroit dans l’archipel de Stockholm accueillant le quartier le plus huppé de la capitale suédoise. Leurs parents font la fête juste en face, dans une demeure tout aussi somptueuse. Ils sont quatr

Le Médecin de Cape Town. E. J. Levy

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L’idée de ce roman est née, il y a plus de 10 ans, dans un avion à destination de l’Afrique du Sud. E. J. Levy découvre un entrefilet consacré à la biographie d’un chirurgien militaire de la couronne britannique ayant séjourné au Cap. Ce médecin a exercé son métier au 19ème siècle, sous le pseudonyme de James Barry, mais son nom de naissance était Margaret Bulkley. Son secret fut révélé en 1865, lors de son autopsie, alors que le testament prévoyait que son corps serait incinéré sans examen préalable.  La romancière américaine est fascinée par cette histoire au point d’être persuadée d’entendre la voix du médecin… pas au sens pathologique du terme, bien sûr, mais elle pense comprendre la psyché de cette personne singulière et décide qu’elle sera le personnage principal de son prochain livre. Il faudra néanmoins plusieurs années de recherche et d’écriture pour ressusciter ce fantôme d’un autre temps. Dans ses mémoires fictives, Margaret Bulkley / James Miranda Barry, devient Margaret Ba

Qui a tué Lucy Davis ? Christos Markogiannakis

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Je suis ravie de pouvoir ajouter enfin un écrivain grec à la liste des auteurs chroniqués sur le blog.  Avocat pénaliste, Christos Markogiannakis s’est fait connaître en France grâce à ses essais ( Scènes de crime au Louvre et Scènes de crime à Orsay ) et ses polars ( Au 5e étage de la faculté de droit , Mourir en scène , …). Qui a tué Lucy Davis ? est un Whodunit assez dépaysant puisqu’il nous conduit sur l’île fictive de Nissos en Grèce. Le village de pêcheurs des années 60, s’est métamorphosé en quelques décennies pour devenir un lieu de villégiature presque aussi prisé que Mykonos. Parmi les touristes les plus aisés, un petit groupe se retrouve chaque année à la période estivale où les mondanités vont bon train. C’est lors d’une des dernières fêtes de la saison, qu’une fillette découvre le corps sans vie de Lucy Davis, une journaliste anglaise bien connue du cercle d’amis. Le capitaine Markou, de la police d’Athènes, est déjà sur-place puisqu’il fait partie des convives. Selon un

Noël à Versailles. Christophe Bataille

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 J’ai découvert cet opus de circonstance en cherchant un récit de Noël qui ne soit pas trop mièvre. C’est un vrai petit bijou, une caresse ouatée comme le manteau blanc habillant les rues versaillaises à Noël, un écho d’enfance rendu un peu moins audible par le temps, tel le bruit de nos pas étouffés par la neige.  Christophe bataille raconte, à la manière d’un conte, les Noël en famille avec sa sœur aînée et ses parents. Tous les ans à Versailles, sauf une fois, dans le Jura.  Et chaque année, il neige (c’était avant le réchauffement climatique) !   La mémoire de l’auteur est lapidaire. Il évoque quelques scènes, par brides et petites touches qui tourbillonnent dans ses souvenirs puis dans son texte. Et la magie est au rendez-vous. Des images et des odeurs oubliées se rappellent à nous.  Noël à Versailles ! On imagine les rues vidées de leurs habitants le soir du réveillon, le château illuminé, le parc sous la neige et le lac gelé. On y a croisé une improbable et gracieuse patineuse,

Les mémoires d'un chat. Hiro Arikawa

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« “Je suis un chat. Je n’ai pas encore de nom.” Il paraît que dans ce pays, un chat de génie a prononcé ces mots. Je ne sais pas s’il était génial, mais moi, au moins, j’ai un nom. Sur ce point, le chat de génie, je le mets à l’amende. Quant à savoir si mon nom me va bien, c’est une autre histoire. Parce que celui qu’on m’a donné pose tout de même un problème d’adéquation au niveau du genre. Ça fait environ cinq ans que je le porte, ce nom. » Notre narrateur, à l’inverse du chat gouailleur de Sōseki , a donc un nom. Un nom aux consonances féminines, ce qui ne lui plait guère. Il s’appelle Nana parce que sa queue prend la forme du chiffre 7. C’est du moins ainsi que son nouveau maître, Satoru Miyawaki, explique son choix. Et puis Nana ressemble tellement à Hachi, le chaton qu’il a adopté lorsqu’il était enfant… « La seule différence, c’est que le crochet de sa queue était tourné dans l’autre sens. Mais les taches sur la tête étaient pareilles. Ses taches formaient une sorte d’accent cir

Le loup. Jean-Marc Rochette

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C’est une histoire entre l’homme, la nature et les animaux. C’est une histoire de survie dans un environnement sauvage et magnifique de rudesse.  Le vieux Gaspard élève des brebis dans le massif des écrins avec l’aide de Max, son fidèle chien. Un jour, excédé par la perte de ses bêtes, il tire sur une louve affamée et la tue. Elle laisse un orphelin, un louveteau blanc que le berger a préféré épargner parce qu’il est trop jeune pour mourir. L’hiver suivant, notre animal a grandi et pris de la vigueur. Il doit se nourrir mais surtout il veut se venger. Gaspard, lui, défend son gagne-pain. Il n’hésitera pas, si nécessaire, à tirer en dépit des recommandations des gardes du parc naturel. Pendant plusieurs saisons, l’homme et l’animal s’observent, se jaugent et attendent l’heure de la confrontation finale. Il y a des saisons que je trouve propices à la redécouverte de la Montagne. Je voulais une bande dessinée dont elle serait le décor principal et je suis tombée sur cet album de Jean-Marc

Ici n’est plus ici. Tommy Orange

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Lorsqu’on évoque les Indiens, plusieurs images d’Epinal s’imposent : les plumes, les tipis, les chevaux, les grandes plaines, etc. Or, on sait bien que le visage et les mœurs des peuples autochtones ont changé depuis l’arrivée des premiers colons en Amérique, la persécution des Amérindiens par les Européens, la spoliation de leurs terres et l’acculturation forcée des nombreuses tribus indigènes. Une partie de la population autochtone a migré dans les villes, par obligation ou par choix, abandonnant ses traditions et se fondant peu à peu dans la culture urbaine cosmopolite des Etats-Unis. Les terres ancestrales sont devenues un mirage. « There is no there, there » ce leitmotiv qui donne son titre au roman est une citation empruntée à Gertrud Stein ( Autobiographie d’Alice Toklas ). Certains ignorent jusqu’aux noms de leurs tribus d’origine voire ceux de leurs parents (l’administration américaine en imposant une traduction approximative et des patronymes faisant plus ou moins couleur loc

Straight Man. Richard Russo

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  Après une lecture commune d’ Empire Falls ( Le Déclin de l'empire Whiting ), Keisha m’a proposé de lire d’autres ouvrages de Richard Russo. Ce roman, intitulé Straight Man ( Un rôle qui me convient ) est paru avant le Prix Pulitzer de la Fiction qui a fait la notoriété de l’écrivain américain. En mars 2023, il a été librement adapté en série télévisée , avec Bob Odenkirk dans le rôle principal, et diffusé sur la chaîne américaine AMC sous le titre de Lucky Hank .  Je n’avais pas prévu de lire Un rôle qui me convient en Anglais mais la version française est actuellement épuisée chez l’éditeur et aucun exemplaire n’était disponible à la bibliothèque municipale. Straight Man , le titre en V.O. fait référence à un personnage de comédie récurrent, un acolyte, souvent pince-sans-rire, qui sert de faire-valoir au héros. Le narrateur, William Henry Devereaux, Jr. Alias Lucky Hank, se voit comme cet homme-là. Il faut dire qu’il est l’un des principaux protagonistes d’une série d’évène

Un silence brutal. Ron Rash

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Ce polar est porté par deux personnages encombrés de lourds fardeaux. Becky est la gardienne du Locust Creek Park, le parc régional. Lorsqu’elle était enfant, elle a été témoin d’une fusillade dans une école primaire au cours de laquelle son institutrice et deux enfants sont morts. Le traumatisme l’a rendue muette assez longtemps pour que ses parents décident de l’envoyer à la campagne. Plus tard, son petit ami à succombé au travers du terrorisme écologique, poussant Becky à se réfugier à nouveau dans la nature en Caroline du Nord. "Les" est le shérif du comté depuis plus de 30 ans. Sa femme l’a quitté 10 ans plus tôt après une sévère dépression à laquelle il n’a rien compris. A 51 ans, il s’apprête à prendre sa retraite et sera remplacé par Jarvis et son adjoint Barry. L’essentiel de leur boulot consiste à lutter contre des problèmes de drogue récurrents, avec toute l’horreur que cela suppose, et à régler des querelles de voisinage de plus en plus fréquentes.  Lorsque C.J. G

Et l'île s'embrasa. John Vasquez Mejías

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  Cet album est une petite pépite qui m’a littéralement bluffée. Plus qu’une simple bande dessinée, il s’agit d’un véritable objet d’art. Les illustrations sont des gravures qui ont nécessité un travail minutieux puisque chaque planche de l’album correspond à un morceau de bois. On imagine également la difficulté pour réaliser un lettrage lisible. John Vasquez Mejías a mis plus de 6 ans à réaliser cette œuvre parallèlement à son métier de professeur d’art. Ne trouvant pas de distributeur aux Etats-Unis, il a dû opter pour l’autoédition. En France, le roman graphique est édité par un éditeur collectif d’origine toulousaine.  Les racines familiales de John Vasquez Mejías sont portoricaines. L’île natale de ses parents est toujours un territoire organisé non incorporé (à l’Union) des États-Unis, ce qui fait de Porto Rico, la plus vieille colonie du monde. A travers son œuvre singulière, l’auteur a voulu mettre en lumière un pan méconnu de son l’histoire. Il s’agit de l’Insurrection des in

Le Secret des Bonbons pamplemousse. Monceaux & Blancher

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J’ai découvert ce petit bijou par hasard en furetant dans ma librairie préférée. Il s’agit d’un roman graphique japonisant, c’est-à-dire un Manfra. L’intrigue nous conduit dans une bourgade de bord de mer, entre Tokyo et Atami, dans la partie centrale d’Honshū, l'île principale du Japon. On y trouve la confiserie traditionnelle Itô Konpeitô. Ses propriétaires sont particulièrement attachants mais chaque membre de la famille porte un triste secret qu’il craint de divulguer aux autres.  Nous faisons d’abord la connaissance de Suzu et de ses deux garçons. Elle a quitté un mari violent pour se réfugier chez sa tante Chikako et son oncle Yasuo qui l’ont toujours soutenue. Malheureusement, le bonheur des retrouvailles est gâché par la disparition de Yasuo, emporté par un cancer, puis l’incompréhensible absence de Mayumi, sa fille, depuis les funérailles. L’année suivante, tandis que la petite famille prépare les célébrations d’O bon, la fête des morts et des fantômes, les cœurs s’ouvrent

Veiller sur elle. Jean-Baptiste Andrea

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C’est un peu difficile d’évoquer un ouvrage qui vient de recevoir le prix Goncourt. Il a déjà été décortiqué par des critiques professionnels et chroniqué par de nombreux bloggeurs. J’en parlerai moins bien et n’ajouterai rien de transcendant mais j’ai beaucoup aimé ce livre et c’est largement assez pour partager mon plaisir. C’est le quatrième roman de Jean-Baptiste Andrea, après Ma reine , Cent millions d'années et un jour et Des diables et des saints . Le Goncourt n’est pas son premier prix.  Veiller sur elle est une fresque historique qui conduit le lecteur dans l’Italie du 20ème siècle au moment où elle bascule dans le fascisme. L’intrigue débute néanmoins en 1916, dans une bourgade savoyarde, et s’achève à l’automne 1986, de l’autre côté des Alpes. Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, est né en 1904. Fils de modestes émigrés italiens, il est renvoyé dans le berceau familial après la disparition de son père, mort pour la France sur le champ d’Honneur. Il doit devenir l’apprenti

Kia Ora. Jouvray, Ollagnier & Efa

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  Je ne voulais pas terminer le challenge Lire (sur) les minorités ethniques , organisé par Ingannmic, sans avoir lu au moins un livre consacré aux Maoris. J’ai opté pour une bande dessinée, Kia Ora, qui compte trois tomes : Le départ (T.01), Zoo humain (T.02) et Coney Island (T.03). Il ne s’agit pas d’une BD reportage mais d’une fiction. Le titre vient d’une expression en langue maorie qui signifie littéralement « portez vous bien » mais qu’on peut traduire de manière plus informelle par « salut ».  L’intrigue débute en 1930 et nous conduit dans un village autochtone de Nouvelle-Zélande, alors dominion de l’Empire britannique. Nyree, la narratrice, est institutrice. Une bagarre entre ses élèves réveille de vieux souvenirs et ramène notre héroïne plusieurs années en arrière lorsqu’elle n’était elle-même qu’une enfant. Ses parents, Maaka, Awhina, avaient alors bien du mal à joindre les deux bouts. Une énième période de chômage avait incité son père, et d’autres membres de la communau