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Affichage des articles du janvier, 2022

Paris-Briançon. Philippe Besson

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  Philippe Besson nous propose ici un huis clos dans le train de nuit qui relie Paris à Briançon. Certes, il ne s’agit pas d’un polar à la manière d’Agatha Christie, mais il y a quand même une bonne dose de suspense. C’est d’ailleurs l’une des forces de ce roman puisque le lecteur sait qu’il y aura des morts. L’auteur nous en informe d’entrée de jeu : « Pour le moment, les passagers montent à bord, joyeux, épuisés, préoccupés ou rien de tout cela. Parmi eux, certains seront morts au lever du jour. »  Et voilà, le piège se referme, le lecteur ne peut plus s’extraire de sa lecture, il veut savoir qui seront les victimes de la tragédie ! Il se surprend à chercher des indices. Evidemment, Philippe Besson ne laisse rien filtrer, même face à François Busnel, lors de son interview sur le plateau de La grande librairie, le 19 janvier dernier ! L’un des passagers mérite-t-il de mourir ? Bah non, justement. Voilà l’autre force du roman : le lecteur s’attache aux personnages que Philippe Besson a

Haruki Murakami, Le septième homme et autres récits. Deveney & Pmgl

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  Adapter les textes d’Haruki Murakami en bande-dessinée était sans doute une idée bien audacieuse. En ce qui me concerne, je ne vais pas en faire mystère, je trouve le pari parfaitement réussi. Les illustrations servent le texte à merveille. Non seulement, elles restituent l’ambiance des nouvelles mais elles apportent un éclairage supplémentaire. Je trouve que c’est un excellent moyen d’aborder l’œuvre du grand écrivain japonais. Pour ma part, en tout cas, je me suis souvent demander par quel livre commencer. Plutôt un recueil de nouvelles ? C’est souvent le choix que je fais lorsque je crains de ne pas apprécier l’œuvre à sa juste valeur. Les textes courts permettent de s’imprégner de l’univers de l’auteur, tout doucement, sans s’écœurer. Cette adaptation est justement un florilège de nouvelles tirées de plusieurs recueils :  L'éléphant s'évapore ( Sommeil et La seconde attaque de la boulangerie ), Des hommes sans femmes ( Samsa amoureux et Shéhérazade ), Après le tremble

Alpinistes de Staline. Cédric Gras

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 Vitali Abalakov (1906-1986) et Evgueni (1907-1948) sont deux alpinistes soviétiques dont les exploits sportifs ont défrayés la chronique en ex-URSS. Dans le reste du monde, les deux frères sont surtout connus pour une technique d’escalade glaciaire (installation d’un point de protection sur une paroi de glace) qui porte leur nom. Cédric Gras a voulu leur rendre la place qui leur est due sur la scène internationale de l’alpinisme. Russophone, reporter et voyageur spécialiste de la Russie, l’écrivain s’est rendu sur place pour suivre les traces de ses héros, depuis Krasnoïarsk, leur Sibérie natale, en passant par Moscou et le Kirghizistan où il a remonté le glacier de l’Inyltchek jusqu’au pied du Khan Tengri et du pic Pobedy ou pic de la Victoire (aujourd’hui Jengish Chokusu). Là, il a tenté de l’ascension du mont Lénine (aujourd’hui pic Abu Ali Ibn Sina). Cédric Gras a mené une enquête minutieuse, consulté les archives devenues accessibles des purges staliniennes, étudié les écrits pro

Les carnets de Cerise, T.01. Chamblain & Neyret

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 Nous avons découvert les Carnets de Cerise cet été, grâce à une exposition à l’Abbaye de Caunes-Minervois (Aude), en partenariat avec le centre belge de la B.D. La bande dessinée de Joris Chamblain (scénariste) & d’Aurélie Neyret (illustratrice) était mise à l’honneur grâce à de nombreux présentoirs et posters. Les enfants, comme leurs parents, pouvaient ainsi admirer les illustrations en format géant et découvrir l’histoire de cette merveilleuse bande dessinée.   La série compte à ce jour 5 volumes. Le dernier tome, intitulé Premières neiges aux perséides , est paru en 2017. Les personnages sont récurrents mais chaque album correspond à une nouvelle aventure. Cerise est une fillette de 10 ans et demi qui vit seule avec sa maman. Elle souhaite devenir romancière comme sa voisine, Madame Desjardins. En attendant de réaliser ce rêve, notre héroïne travaille durement. Elle tient un journal et joue les détectives avec ses deux amies pour trouver l’inspiration. Line et Erica sont de v

14 jours en mode survie. Sophie Rigal-Goulard

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 Ils sont trois : Amaury, Ahé et Alanis. Leurs parents viennent de divorcer et les grandes vacances s’annoncent sous de très mauvais auspices. Marc, leur père, professeur d’histoire-géographie de son état, a décidé de leur faire vivre une grande aventure. Pour ces premières vacances à quatre, ils partiront donc faire de la randonnée dans le Queyras. Il faut alléger les sacs à dos au maximum et oublier tous les gadgets connectés. Stupeur et horreur du côté des enfants. L’aîné, Amaury, est un pré-adolescent légèrement psychorigide, hyper à cheval sur l’hygiène et les horaires. Ahé, sa cadette d’un an, est une véritable geek complètement accro à son téléphone portable. Alanis, la benjamine, est la seule à se réjouir. Elle est persuadée que le Queyras est un grand parc d’attractions. Elle déchante un peu quand son papa lui explique qu’on ne randonne pas déguisée en reine des neiges. Marco l’aventurier, ainsi que le surnomme désormais ses enfants, insiste. Il faudra se débrouiller avec les

Les cahiers japonais, T.03. Igort

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  Moga, Mobo, Monstres , voilà un titre bien ésotérique pour un carnet de voyage ! En ce qui concerne la définition des deux premiers termes, nous y reviendrons plus tard. Néanmoins, sachez que ce troisième volet des Cahiers japonais d’Igor Tuveri (alias Igort) est bien une nouvelle invitation au voyage.  Le dessinateur italien nous conduit dans un Japon Interlope qui devait donner naissance à un mouvement artistique et littéraire particulier dans l’univers du manga : l’Ero-guro. Comme dans les précédents volumes de cette somptueuse série initiatique ( Un voyage dans l’empire des signes et Le vagabond du manga ), Igort rend hommage aux grands maîtres du genre. Parmi eux, il y a le mangaka  Suehiro Maruo (Prix Asie ACBD 2021 pour Tomino la maudite). L’inspiration de Suehiro Maruo n’est pas tombée du ciel. Elle lui vient, nous explique Igort, de Tsukioka Yoshitoshi, le dernier grand maître des estampes japonaises ukiyo-e et le père des muzan-e (gravures sur bois de nature violente). Au

Le Libraire de Wigtown. Shaun Bythell

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  Wigtown est un village du Galloway au sud de l’Ecosse dont la population ne dépasse guère 1 000 habitants. Pourtant, on n’y trouve pas moins de 30 bouquinistes et libraires. Parmi eux, il y a Shaun Bythell, le propriétaire de The Book Shop, depuis 20 ans. De février 2014 à février 2015, il a tenu un journal dans lequel il décrit le quotidien d’un bouquiniste.  Loin de l’image fantasmée du libraire, lisant toute la journée derrière son comptoir et devisant avec de charmants clients érudits, le tableau brossé par Shaun Bythell fait bien moins rêver. Si le métier de bouquiniste nécessite un minimum de patience et de culture générale, il faut aussi avoir des compétences en gestion et une bonne condition physique (pour porter les kilos de livres qui entrent et sortent du magasin journellement). Il va sans dire aussi qu’il ne faut pas être allergique à la poussière ou aux mouches qui viennent systématiquement mourir sur les tranches des livres. Il faut rappeler ici que le Royaume-Uni ne bé

Les cahiers japonais, T.02. Igort

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  Après un premier tome des Carnets japonais ( Voyage dans l’empire des signes ) inspiré par Roland Barthes, Igort nous présente un second album intitulé Le Vagabond du manga . Ce volume est en quelque sorte placé sous le patronage du poète pèlerin Bashō (1644-1694), le premier grand maître du haïku. En novembre 2015, le dessinateur italien se rend une nouvelle fois au Japon sur invitation de l’Institut culturel italien à Tokyo. Il s’agit d’un séjour court dans le cadre d’une exposition conjointe avec magaka Jirō Taniguchi. L’évènement est intitulé « Uomini che Camminano » soit « Des hommes qui marchent » (une référence à l’œuvre de Jirō Taniguchi, L’homme qui marche chez Casterman). Quoi qu’il en soit, les deux dessinateurs exposaient des œuvres dans lesquelles chacun présentait sa vision du pays natal de son acolyte. Or, c’est bien de voyage qu’il s’agit ici. Pour Igort, il va durer une dizaine de jours. Hébergé dans un immeuble moderne du quartier de Chiyoda, Igort, nostalgique, d

Dans les rues de Taïwan. Cheng Kai-Hsiang

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  Entre 2017 et 2018, Cheng Kai-Hsiang a sillonné les villes, les villages et rues de son île natale pour réaliser des croquis urbains. Il a ainsi dessiné plusieurs dizaines de boutiques et maisons traditionnelles taïwanaises et en a sélectionné 100 pour son livre. Ces aquarelles sont autant de témoins d’un passé qui cède à la modernité et à la pression immobilière. Les anciens marchés couverts disparaissent au profit des galeries marchandes contemporaines, les stands de nouilles font place aux restaurants flambants neufs, les épiceries traditionnelles ferment leurs portent et les vieilles maisons sont remplacées par des immeubles modernes. Certaines constructions immortalisées par Cheng Kai-Hsiang ont déjà été détruites.  L’ouvrage se présente comme un catalogue. L’auteur l’a divisé en quatre grandes parties qui s’appuient sur un découpage géographique (Sud, Centre, Nord, Est de Taïwan et îles périphériques). Pour chaque dessin, il précise le type de construction (maison inhabitée, bo

Les cahiers japonais, T.01. Igort

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  Les cahiers japonais d’Igort sont tellement riches qu’ils méritent bien un compte-rendu de lecture par volume. Il y en a trois en tout : Un voyage dans l’empire des signes (tome 1), Le vagabond du manga (tome 2) et Moga, mobo, monstres (tome 3). Le premier tome rend hommage à L'Empire des signes de Roland Barthes. Entre le carnet de croquis, le récit de voyage, le journal intime et la BD autobiographique, l’œuvre d’Igort est un canevas composé de multiples fragments. Son récit est émaillé de dessins réalisés au Japon sur ses fameux calepins mujirushi. Il mêle des extraits de ses œuvres précédentes, des souvenirs personnels, des citations d’écrivains ou de poètes, des reproductions de photos anciennes ou de mangas, des évocations diverses sur l’histoire, la société ou les traditions japonaises. Bref, il s’agit d’un voyage initiatique (tant du point de vue personnel que professionnel) au cœur de la culture japonaise, source d’inspiration du père de Yuri. Ce manga a été publié d

Les chats dans la pop culture. Chaptal et Thevenon

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  Voici un livre dans l’air du temps qui ne devrait pas plaire qu’aux seuls amoureux des chats. Il enchantera les geeks, les lecteurs de mangas, les amateurs d’animes et, en particuliers, ceux produits par les studios Ghibli… bref, comme l’indique le titre, il est le reflet de la culture mainstream. Néanmoins, l’ouvrage va un peu au-delà du champ d’étude de la culture populaire puisqu’il aborde d’autres aspects comme la mythologie, la science et les arts académiques. Les humains sont-ils parvenus à domestiquer le chat ou juste à l’apprivoiser ? A moins que cela ne soit le contraire. Sommes-nous en réalité les esclaves de nos matous ? Difficile de répondre à cette question avec certitude. Quoi qu’il en soit, le petit félin nous fascine depuis la nuit des temps… en fait depuis le néolithique, période à laquelle l’Homme et l’animal ont commencé à se côtoyer. Depuis, nous vivons une histoire commune pour le moins mouvementée.  Déifié par la civilisation égyptienne antique puis martyrisé da

Huit crimes parfaits. Peter Swanson

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  Huit crimes parfaits est un vibrant hommage au polar. Peter Swanson s’amuse avec les codes du genre pour servir une intrigue s’inspirant des romans préférés de son héros.   Le narrateur, Malcolm Kershaw, est co-propriétaire de Old Devils, une librairie d’occasion installée à Boston et spécialisée en littérature policière. Son associé est un célèbre écrivain du genre, alcoolique évidement, et qui ne met les pieds dans la boutique que très rarement. Le seul habitant permanent de la librairie est le chat Nero qui fait figure de mascotte. Malcolm, que tout le monde surnomme Mal, est contacté par Gwen Mulvey, une agente du FBI qui enquête sur plusieurs morts non élucidées. Selon elle, ces crimes indétectables s’inspiraient d’une liste de livres policiers publiée sur le blog de la librairie quelques années plus tôt. Mal, qui en est l’auteur, accepte de collaborer en qualité d’expert… mais un peu suspect aussi ! Le duo improbable tente d’identifier le criminel grâce aux indices disséminés

Le sniper, son wok et son fusil. Chang Kuo-Li

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Vous conviendrez que la série noire de Gallimard est une collection prestigieuse qui n’accueille que le gratin de la littérature policière. Les auteurs de « mauvais genre » qui y figurent sont donc parfaitement fréquentables. Qu’en est-il de l’écrivain taïwanais Chang Kuo-Li ? Le titre de son roman n’est pas très ragoutant. Sachant que les woks et les fusils sont rarement associés dans la cuisine du commun des mortels (même chez les amateurs de « junk food »), il y a de quoi être intrigué. Qui est donc ce fameux sniper ? S’agit-il d’un forcené s’attaquant à quiconque approchant sa marmite de riz sauté ? Non, bien-sûr.  En réalité Ai Li alias « Alex Lee », le héros, est une sorte de Jason Bourne asiatique, reconverti dans la vente de plats traditionnels à emporter. Cet ancien tireur d’élite, formé par l’armée taïwanaise puis engagé dans la légion étrangère française, est rappelé sur le terrain pour éliminer l’un de ses compatriotes en déplacement à Rome. Alors qu’il se concentre sur sa

La Fête des ombres. Atelier Sento

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  La Fête des ombres est une superbe bande dessinée publiée par Cécile Brun & Olivier Pichard, deux dessinateurs-voyageurs qui se cachent sous le pseudonyme d’Atelier Sento. Le second et dernier volume est paru en octobre 2021.  L’intrigue est assez dépaysante et originale puisqu’elle nous conduit dans un village montagnard du Japon où les habitants observent une curieuse tradition. En effet, ce lieu isolé attire les « Ombres », des revenants amnésiques qu’il faut guider vers un au-delà apaisé. Pour y parvenir, les habitants (doués du don de vision) ne disposent que d’une année. Le début et la fin du cycle sont marqués par un étrange festival appelé Fête des ombres qui a lieu à la fin de l’été. L’héroïne de cette histoire est une jeune femme (à l’air très juvénile) nommée Naoko.  Naoko est une débutante comparée aux « Anciennes », les autres femmes du village. Sa première mission vient d’échouer. Elle n’est pas parvenue à communiquer avec son ombre et celle-ci s’est volatilisée sa