La Septième Lune. Piergiorgio Pulixi

La Septième Lune. Piergiorgio Pulixi


Après L'île des âmes, j’avais hâte de retrouver Mara Rais et Eva Croce, le duo d’enquêtrices sévissant en Sardaigne. Entre temps (c’est à dire deux épisodes), le criminologue Vito Strega et le policier d’origine vénitienne, Bepi Pavan, ont rejoint la liste des personnages récurrents. 

Au début du roman, nos héros s’apprêtent justement à fêter la naissance de leur nouveau groupe d’intervention dans un hôtel de luxe du Supramonte sarde. Loin de là, du côté de Pavie en Lombardie, un couple d’hôteliers et leur fille cadette signalent la disparition d’une étudiante en médecine au chef des carabiniers puis aux policiers de la questure. Les inondations qui frappent la plaine du Pô retardent les recherches mais son cadavre est finalement découvert au cœur du parc naturel de la vallée du Tessin. La jeune femme a été victime d’une mise en scène macabre inspirée du folklore sarde. Cet assassinat n’est pas sans rappeler celui de Dolores Murgia (dans L’île des âmes). L’inspectrice Clara Pontecorvo, une géante d’1m95, fait rapidement le rapprochement entre son copycat et l’affaire sarde. Elle contacte notre fine équipe qui abandonne ses célébrations et rapplique immédiatement à la rescousse. 

Le lecteur ne peut ignorer que Piergiorgio Pulixi s’est entiché de ses héros. Il se délecte à fouiller leurs personnalités et à abreuver le lecteur de leurs nombreux dialogues ironiques et vachards, ponctués de noms d’oiseaux, de bons mots salaces et d’expressions régionales. On apprécie la couleur locale mais on finit quand même par se lasser un peu… d’autant que l’intrigue policière semble s’enliser. Face à l’irrésistible Vito Strega, le procureur lombard est tellement caricatural qu’il manque de crédibilité. Bref, il me semble que Piergiorgio Pulixi en fait des tonnes là où ce n’est pas nécessaire. 

Je mentirais si je disais que je n’avais pas envie de connaître le dénouement de l’intrigue mais j’ai trouvé ce quatrième volet un peu décevant. J’ai l’impression que Piergiorgio Pulixi se laisse trop dépasser par ses personnages et que la série s’essouffle un peu. J’ai découvert après coup, que l'écrivain italien vient justement de publier un roman policier (prémices d’une nouvelle série ?) qui se différencie clairement des précédents. Il s’agit d’un cosy mystery intitulé La librairie des chats noirs. La prose de Piergiorgio Pulixi ne m’a pas refroidie au point de passer mon chemin et je compte bien découvrir de quoi il retourne exactement dans cette histoire. 

📌La Septième Lune. Piergiorgio Pulixi, traduit par Anatole Pons-Reumaux. Gallmeister, 528 pages (2024)


Sanction. Ferdinand von Schirach

Sanction. Ferdinand von Schirach


Sanction est le troisième recueil de nouvelles de Ferdinand von Schirach publié par Gallimard après Crimes (2011) et Coupables (2012). Ces opus sont indépendants mais ils traitent des mêmes thèmes, c’est-à-dire la violence inhérente à la nature humaine et les aléas de la justice. Ils peuvent se lire comme des chroniques judiciaires ou une anthologie de polars très concis. Je n’ai pas lu Crimes mais le style très dépouillé de Coupables m’avait laissée un peu dubitative. J’espérais me faire une idée plus claire de Ferdinand von Schirach grâce à Sanction

Il faut peut-être lire la biographie de l’auteur et se rappeler qu’il est avocat au barreau de Berlin depuis 1994. Cela explique sans doute cette sorte de neutralité professionnelle dans laquelle il s’enveloppe lorsqu’il donne à voir la tragédie humaine. Il expose les faits comme dans un tribunal mais ne juge pas. Je comprends cette nécessité de rester en retrait mais cela reste très perturbant pour moi. 

L’opus comptent 12 nouvelles qui donnent à réfléchir sur les notions juridiques et philosophiques de culpabilité, de peine et de pardon. Le premier texte, intitulé Jurée, évoque également l’absurdité d’un système qui peut prononcer un non-lieu en faveur d’un coupable avéré à cause d’un vice de forme, la justice dérogeant de fait à son devoir de protection des victimes. Dans cette nouvelle, le mari violent est libéré de prison et l’histoire s’achève par un féminicide. Dans Subotnik, un autre texte, un proxénète est relaxé après l’annulation de son premier procès et la non présentation de la principale témoin au second. On se doute de quelle manière cette ancienne esclave sexuelle a pu disparaitre de la circulation. 

Il y a finalement peu d’affaires de grand banditisme dans cet ouvrage. Les nouvelles racontent surtout des drames domestiques, des tragédies de couples, des histoires de voisinages sanglantes ou des violences ordinaires. Par exemple, dans Poisson-qui-pue, un aveugle est tabassé à mort par des adolescents à cause de sa différence. Dans Tennis, un homme infidèle devient paraplégique après un accident d’escalier provoqué par sa femme. Je ne vais pas divulgâcher toutes les histoires mais je peux vous assurer que tout cela n’est pas très réjouissant. La brièveté des nouvelles, associée à la neutralité volontaire de l’auteur, facilite la lecture de ce recueil mais le lecteur en ressort avec un fort sentiment d’impuissance face à l'absurdité de la violence et parfois du système censé à la fois la punir et nous en prémunir. 

💪Cette lecture s'inscrit dans le cadre du challenge Bonnes nouvelles

📌Sanction. Ferdinand von Schirach, traduit par Rose Labourie . Folio, 208 pages (2022) 

Bonnes nouvelles 2025


Saints et pêcheurs. Edna O’brien

Saints et pêcheurs. Edna O’brien


 Avant d’ouvrir ce recueil, je ne savais pas grand-chose à propos d’Edna O'Brien (1930-2024). C’était pourtant une femme de lettres d’une sacrée trempe ! Figure emblématique du "révisionnisme culturel irlandais", l’autrice a fait scandale en 1960 avec la publication de Country Girls (Les Filles de la campagne, réédité en 2024 par Sabine Wespierser). Cette trilogie, qui raconte la vie sexuelle des jeunes filles dans la campagne irlandaise catholique, a été censurée en Irlande et parfois même brûlée en place publique après avoir été jugée pornographique et insultante envers l’Eglise.

A cause ou grâce à son engagement, l’autrice a été largement soutenue par ses pairs qui lui ont décerné l’Irish PEN Award en 2001 et le PEN/Nabokov Award en 2018. Par ailleurs, Saints and Sinners, l’ouvrage que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui, a reçu le Frank O'Connor International Short Story Award, un prix régional irlandais qui récompenses les nouvelles.

Publiés plusieurs décennies après Country Girls, donc dans un contexte très différent, les 11 textes réunis dans Saints et pêcheurs ne sont pas aussi sulfureux. Certes, il est parfois question de sexe (Pêcheurs), de religion et de politique (Fleur noire) mais il s’agit surtout d’une série de peintures sociales. Les héros de ces histoires sont tous des individus déçus par leurs proches (Georgette verte, Madame Cassandra ou Vieilles blessures) ou brisés par dureté de la vie (Rois de la pelle ou Cow-boy intérieur). Il y a beaucoup de femmes, mais les hommes souffrent aussi. Ils sont jeunes ou vieux, exilés ou prisonniers du carcan familial, souvent pauvres. 

L’univers d’Edna O’brien est très riche mais il faut savoir prendre son temps pour s’en imprégner et en tirer la substantifique moelle. Certains textes m’ont touchée plus que d’autres. Pillage, l’histoire d’une jeune fille violée par des soldats, est peut-être la plus insoutenable.

J’ai lu ce livre dans le cadre d'une lecture commune avec Kathel et Anne pour le challenge des Bonnes nouvelles. Le hasard fait que je venais de terminer le recueil de nouvelles de Jan Carson, intitulé Le fantôme de labanquette arrière. Entre les deux autrices irlandaises, je dois avouer que mon cœur balance davantage en faveur de Jan Carson que d’Edna O’brien. L’humour féroce de la première m’a totalement conquise. Jérôme, du blog D’une berge à l’autre,  a quant à lui préféré les nouvelles de Claire Keegan… pour moi, c’est une nouvelle piste à explorer dans la littérature irlandaise.  

Saints et pêcheurs. Edna O’brien, traduite par Pierre-Emmanuel Dauzat. Editions Sabine Wespierser, 228 pages (2012)

Challenge des Bonnes nouvelles (Photo: Library of Congress via Wikipédia)


Nightmares and Geezenstacks. Fredric Brown

Nightmares and Geezenstacks. Fredric Brown


Selon son épouse, Fredric Brown (1906-1972) détestait écrire. Tout était bon pour y échapper: jouer de la flûte, défier un ami aux échecs ou encore taquiner Ming Tah, son chat siamois... Et pourtant, il laisse une œuvre considérable : des romans et des nouvelles, dont un recueil intitulé Nightmares and Geezenstacks

L'édition originale, parue aux Etats-Unis en 1961 compte une quarantaine de nouvelles. En France, elles ont été publiées par Denoël puis Gallimard sous le titre de Fantômes et farfouilles. On trouve également une anthologie intégrale des nouvelles de Fredric Brown éditée par Coda (3 volumes). 

Toutes ces petites histoires ont de quoi nous surprendre. Décalées, drôles, parfois visionnaires, les nouvelles de Fredric Brown revisitent les genres: la science-fiction, le polar et même les bons vieux contes populaires.

  • Un vieillard sénile et libidineux prisonnier d’un maillot de bain ; 
  • un assassin en herbe, qui trop occupé à se fabriquer un alibi, oublie de commettre son crime ; 
  • un extra-terrestre victime du racisme terrien ambiant ; 
  • une épouse frustrée, qui à défaut de mieux, fait danser la ceinture de son époux… 

Fredric Brown en fait baver à ses personnages et en profite pour se moquer allégrement de ses contemporains. L’adultère, le racisme, la guerre… l’auteur aborde tous les sujets avec humour et cynisme. Un pur moment de détente!

💪Je recommande ce livre dans le cadre du challenge des Bonnes nouvelles. Puisqu'il est publié dans des collections spécialisées SF, j'en profite pour le soumettre au challenge Objectif SF 2025 organisé par Sandrine.

📌Nightmares and Geezenstacks. Frederic Brown. Valancourt Books, 164 pages (2015) / Denoël, 224 pages (1981) / Folio, 320 pages (2001) 

Challenges Objectif SF 25 et Bonnes nouvelles 25







Tout le bruit du Guéliz. Ruben Barrouk

Tout le bruit du Guéliz. Ruben Barrouk


L’auteur a dédicacé ce roman à sa grand-mère Paulette, son héroïne. C’est un personnage attachant, un brin excentrique, dont le parcours de vie au Maroc a été chahuté par la grande Histoire. Le narrateur nous en fait le récit. A travers cette histoire personnelle, il nous raconte aussi celles de ses ancêtres et des derniers habitants du Mellah (le quartier juif de Marrakech). 

Ruben Barrouk évoque le fléau du typhus, qui a tué tant d’enfants de Marrakech, la guerre des 6 jours puis le grand exode des Séfarades marocains vers la terre promise. Paulette, elle, a écouté sa petite voix intérieure et a décidé de rester. Son mari est décédé depuis 10 ans alors elle vit désormais seule, loin de sa famille exilée. Cela fait 10 ans aussi que le narrateur et ses proches ne sont pas retournés au Maroc. Désormais, c’est Paulette qui fait le déplacement à Paris. Mais quelque chose a changé. 

Paulette entends un bruit dans son appartement. Comment le décrire à ses proches ? C’est la bruit du Guéliz, son quartier, elle en est persuadée… sauf qu’elle est la seule à l’entendre, même lorsqu’elle tend le combiné du téléphone pour faire constater la chose à ses enfants. Plusieurs hypothèses sont émises. Est-ce le trop plein de solitude ? Le bruit du vent qui s’immiscent dans l’appartement de la vieille dame ? Souffre-t-elle d’acouphènes ? Annie, sa fille cadette, est missionnée pour se rendre sur place avec son petit-fils (le narrateur affectueusement surnommé « mchikpara », c’est-à-dire « je prends ton mal ») pour évaluer la situation.

Tout le bruit du Guéliz nous offre un portrait de femme à la fois drôle et touchant, brossé par une très belle plume. J’ai aimé les évocations de ce Maroc disparu, ses traditions (comme la fête du Pourim), ces lieux chargés d’histoire et peuplés de tant de fantômes. Le roman est court mais chargé de beaucoup d’émotions. C’est peut-être ce qui m’en a rendu sa lecture un peu ardue. 

Le style d’écriture est tellement maîtrisé que j’ai été surprise d’apprendre qu’il s’agit d’un premier roman. Ruben Barrouk est né en 1997 ! Il a été sélectionné pour de nombreux prix littéraires en 2024 (Prix Goncourt, Prix Goncourt des Lycéens, Prix Stanislas, Prix Cabourg, Prix Jean‐René Huguenin …) et a été récompensé par le Prix du premier roman du festival des écrivains de Gonzague Saint Bris. 

📚J’ai piqué cette idée de lecture chez LuocineKeishaMiriam et Anne

📌Tout le bruit du Guéliz. Ruben Barrouk. Albin Michel, 224 pages (2024)


Les 30 meilleures façons d'assassiner son mari. Seo Mi-ae

Les 30 meilleures façons d'assassiner son mari. Seo Mi-ae


Voilà un titre de livre qui a de quoi interpeller les lecteurs ! S’agit-il réellement d’un guide pour se débarrasser de sa chère moitié ou d’une œuvre romanesque ? Sachant que la réalité dépasse parfois la fiction, la question mérite d’être posée, n’est-ce pas ? Plus sérieusement, le livre de Seo Mi-ae (sous-titré et autres meurtres conjugaux) est en fait un recueil de nouvelles. 

Cet opus rassemble 5 histoires dont la qualité, me semble-t-il, est inégale. La nouvelle titre, par exemple, pêche surtout à cause d’une écriture ou d’une traduction maladroite. C’est dommage car l’intrigue est généralement bien menée. L’autrice s’est attachée à imaginer des chutes inattendues.  Si elles ne surprennent pas totalement le lecteur, elles ont le mérite de créer des situations originales. 

Dans Les 30 meilleures façons d'assassiner son mari, une femme fantasme sur les divers scénarii qui lui permettraient de se débarrasser de son tyran domestique d’époux. Elle consigne toutes ses idées dans le carnet de dépenses qu’il lui a demandé de tenir. Lorsqu’il est assassiné pour de bon, la jeune femme s’accuse spontanément du crime. Or, les flics ne sont pas convaincus car aucune de ses versions ne correspond au modus operandi qui a coûté la vie au mari. 

L’intérêt principal de ces nouvelles, selon moi, tient au fait qu’elle donne un aperçu de la place de la femme dans la société coréenne, un modèle encore très patriarcal. L’autrice aborde aussi des questions plus universelles comme la lente désagrégation du couple, rongé par les réalités du quotidien. Dans Concerto pour un meurtre, Seo Mi-ae prouve qu’il faut parfois peu de choses pour ranimer la flamme et, pour faire bonne mesure, elle montre dans Un choix atroce qu’il ne faut pas se laisser consumer par la passion et la jalousie. Dans les autres textes, Seo Mi-ae évoque des sujets plus difficiles comme celles de la violence conjugale (Une happy End, en quelque sorte) et du féminicide (Si c’est comme ça, je vais te manger).

Au final, cette lecture m’a laissée une impression assez mitigée. Ce n’est pas une œuvre marquante qui je ferai figurer à mon palmarès de fin d’année mais je me suis facilement laissée porter par les intrigues.  

💪Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge Bonnes nouvelles.

📚Un autre avis que le mien sur le blog de Keulmadang

📌Les 30 meilleures façons d'assassiner son mari (et autres meurtres conjugaux). Seo Mi-ae, traduite par Kwon Jihyun et Rémi Delmas. Matin calme, 164 pages (2022) / Le Livre de Poche, 160 pages (2023) 

Bonnes nouvelles 25


Histoire de ma vie. Lao She

Histoire de ma vie. Lao She


Cet opus, réédité chez Folio en 2023, est en réalité une nouvelle extraite de Gens de Pékin. Le titre du recueil est assez explicite. Le fil rouge qui relie ces textes est le petit peuple pékinois dans le cadre urbain des Hutongs, ces quartiers traditionnels constitués de cours et de ruelles étroites.  

Histoire de ma vie est le conte le plus long du recueil. Il s’agit de l’autobiographie fictive d’un ex agent de police au début du 20ème siècle. Au crépuscule de sa vie, il raconte comment et pourquoi la fortune semble lui avoir définitivement tourné le dos en dépit de ses grandes qualités et compétences. Le narrateur est issu d’un milieu populaire mais il prétend savoir lire et écrire bien mieux que les hauts fonctionnaires. Ses parents l’ont incité à entrer en apprentissage très jeune pour devenir Colleur de papiers. C’est un métier sans doute méconnu aujourd’hui. Il était exercé par des artisans qui confectionnaient les nombreuses effigies funéraires pour les enterrements. 

Gens de Pékin. Lao She
Le destin du narrateur a été influencé par deux évènements majeurs. L’un est lié à la grande histoire. Le héros  a assisté aux troubles politiques de 1911 remettant en cause l’ancien régime (la révolution Xinhai), le soulèvement des soldats, la fin de l'Empire des Qing et le début de la République de Chine. Le second évènement est d’ordre très personnel.  Sa jeune épouse s’est enfuie avec un autre artisan colleur surnommé Le Noiraud, abandonnant ses deux enfants en bas âges. Pour échapper aux regards de ses anciens collègues, le narrateur décide de changer de métier. Sa condition lui laissant peu d’options, il choisit d’être agent de police plutôt que tireur de pousse-pousse. C’est l’occasion pour l’auteur d’évoqué aussi très brièvement les contraintes de ce métier auquel il a consacré un roman indépendant (Le pousse-pousse en 1937).  

A travers le récit de son personnage principal, Lao She évoque la vie de labeur des déshérités, souvent sans espoir d’améliorations. La corruption est endémique et le système administratif apparait totalement sclérosé. Certes, le narrateur est un personnage vaniteux, qui peut parfois lasser par ses lamentations incessantes, mais le lecteur ne peut s’empêcher de compatir à son malheur. L’homme n’est peut-être pas très courageux lorsqu’il s’agit d’attraper les voleurs mais ce n’est pas un mauvais bougre. 

Je pense que j’aurais gagné à lire l’Histoire de ma vie dans le contexte des autres récits des Gens de Pékin car il m’a manqué cette mise en perspective pour en apprécier tout le jus. 

J'ai lu ce livre dans le cadre du challenge des Bonnes Nouvelles.

Histoire de ma vie. Lao She, traduit par Trad. du chinois par Paul Bady, Li Tche-houa, Françoise Moreux, Alain Peyraube et Martine Vallette-Hémery. Folio, 128 pages (2023)

challenge des Bonnes Nouvelles 2025


Séoul, vite, vite !

Séoul, vite, vite !


 Cette anthologie rassemble 8 textes de 8 auteurs différents. L’éditeur la présente comme un panorama de la littérature sud-coréenne contemporaine. Le titre, Séoul, vite, vite ! est moins le reflet d’un fil rouge qui relierait ces nouvelles que celui de l’évolution de la société coréenne. Les huit textes abordent en effet des sujets très différents comme la famille, la solitude, le deuil ou le sens de la vie. Je ne suis pas certaine d’avoir toujours bien compris où les auteurs voulaient en venir mais j’ai lu la plupart des histoires sans déplaisir. 

Le déménagement de Kim Young-ha est sans doute la nouvelle qui m’a le plus divertie. L’auteur a déjà publié plusieurs livres en France (toujours chez Picquier), parmi lesquels deux recueils de nouvelles intitulés Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur (2011) et Deux personnes seules au monde (2019). Dans Le déménagement, Kim Young-ha nous amuse d’un récit qui montre comment une succession d’imprévus, alliée à la méfiance des uns et la mauvaise foi des autres peuvent dégénérer au point de saboter l’organisation d’un évènement bien orchestré. 

Dans le récit intitulé Au grand magasin Sampung, Jeong Yi-Hyun s’inspire d’un fait divers réel. Le 29 juin 1995, à 17 h 52 heure locale, le bâtiment s’est effondré. Cet immeuble commercial avait ouvert ses portes en  décembre 1989 dans l'arrondissement de Seocho-gu à Séoul. Au milieu des années 1990, le grand magasin employait 1 000 personnes et accueillait 40 000 clients par jour. Le bilan a donc été très lourd. Il s'est élevé à 502 morts et 937 blessés. L’évènement nous est rapporté du point de vue de la narratrice qui a perdu une amie proche dans l’accident. Elle était vendeuse dans le grand magasin. Le lecteur établit rapidement un parallèle entre l’effondrement de ce temple de la consommation et la crise économique qui a frappé les pays asiatiques (dont la Corée du sud) deux ans plus tard. Au grand magasin Sampung (Sampung baekhwajeom) a reçu le prix de littérature contemporaine (Hyundae Munhak) en 2006. Son autrice, Jeong Yi-Hyun a commencé sa carrière littéraire en 2001. Son histoire courte intitulée La solitude des autres (Ta-inui godok) a été récompensée le prix littéraire Lee Hyo-seok. Après la parution de son roman Tu ne sais pas (Neoneun moreunda) sur le blog de la librairie Kyobo Book Center, Jeong Yi-Hyun s’est spécialisée dans la publication de nouvelles en feuilleton sur Internet. 

Parmi les nouvelles du recueil qui m’ont le plus touchée, il y a celle de Kim Jung-Hyuk, Une bibliothèque d’instruments. Après un grave accident de voiture qui aurait pu lui coûter la vie, le héros de ce récit se met en tête qu’il ne peut pas mourir sans avoir rien réalisé d’important. Engagé dans une boutique d’instruments de musique alors qu’il n’a aucune compétence et qu’il n’est même pas mélomane, il décide de réaliser une sorte de bibliothèque des sons. Son idée attire beaucoup de monde, mettant fin à la solitude mal assumée du narrateur. La nouvelle Akgideurui doseogwan, traduite également sous le titre La Bibliothèque des instruments de musique est parue dans un opus indépendant chez Decrescenzo. L’ouvrage contient d’autres textes de Kim Jung-Hyuk. La maison d’édition Decrescenzo a publié deux autres ouvrages de l’écrivain :  Bus errant (en 2013) et Zombies, la descente aux enfers (en 2014). 

Séoul, vite, vite ! a le mérite de présenté un panel varié d’écrivains coréens comme Kim Ae-ran, qui est également édité chez Decrescenzo, (Cours, papa !), Shin Kyung-sook (Quand viendra l’heure) ou Kim In-sook (Une autobiographie féminine). J’ai eu plaisir à les lire même si j’ai souvent eut l’impression de passer à côté des messages profonds portés par les auteurs. J’imagine que je ne maîtrise pas les éléments culturels qui m’auraient permis de les décrypter. La postface de Jeong Myeong-kyo, intitulée Point de vue sur la littérature coréenne : la genèse de l’individu, nouvel horizon de la littérature coréenne m’a néanmoins apportée quelques réponses. 

Lecture dans le cadre du challenge des Bonnes nouvelles

Séoul, vite, vite ! Anthologie de nouvelles coréennes contemporaines. Picquier, 352 pages (2015)

Bonnes nouvelles 2025


Le fantôme de la banquette arrière. Jan Carson

Le fantôme de la banquette arrière. Jan Carson


Le fantôme de la banquette arrière est un recueil de 16 nouvelles délicieusement cruelles dont le fil conducteur est l’Irlande du Nord et ses habitants. Belfast et l’Ulster sont les décors principaux. Le couple, La famille, la religion, la ségrégation et le sectarisme sont les thèmes récurrents. 

L’autrice fait référence aux "troubles", la période d’agitation politique qui a opposé les catholiques et les nationalistes aux loyalistes depuis le milieu des années 60 jusqu’à la fin des années 90. Néanmoins,  elle ne traite pas directement le conflit nord irlandais : il y a toujours un intermédiaire, une sorte de SAS de sécurité. Le sujet reste sensible pour cette nation constitutive du Royaume-Uni.

Certains histoires sont teintées de fantastique. Jan Carson a fait le choix de mélanger les genres parce qu’en Irlande du Nord, il « semble naturel de basculer du réalisme au surnaturel ». Il y a souvent une dose de cynisme dans ses textes mais c’est terriblement drôle. 

Jan Carson a expliqué lors d’une interview à l’occasion du Festival America qu’elle a regroupé dans ce recueil des fragments, des idées annexes qui lui sont venues lors de l’écriture de ses romans. Bref, c’est du recyclage et c’est très bon pour la planète littéraire ! A consommer sans modération avec d’autres titres  de Jan Carson.

Extrait   

« Ils sont trois, ou plutôt deux et demi. Tout ce qui a moins de seize ans compte pour moitié dans mon carnet. Sean n’est pas d’accord. Sean aime les enfants. Parfois il évoque la possibilité de s’en procurer quelques-uns. Je lui ai dit que ça ne m’intéresse pas. Je soupçonne que Sean ne leur accorde pas non plus d’intérêt particulier. Il considère les enfants comme une chose qu’il convient de faire à notre âge.»

💪Cette lecture inaugure la seconde saison du challenge des Bonnes nouvelles

📚Jan Carson sur Babelio et Bibliosurf

📌Le fantôme de la banquette arrière. Jan Carson, traduite par Dominique Goy-Blanquet. Sabine Wespierser, 231 pages (2024)

Bonnes nouvelles 2025