Saints et pêcheurs. Edna O’brien
Avant d’ouvrir ce recueil, je ne savais pas grand-chose à propos d’Edna O'Brien (1930-2024). C’était pourtant une femme de lettres d’une sacrée trempe ! Figure emblématique du "révisionnisme culturel irlandais", l’autrice a fait scandale en 1960 avec la publication de Country Girls (Les Filles de la campagne, réédité en 2024 par Sabine Wespierser). Cette trilogie, qui raconte la vie sexuelle des jeunes filles dans la campagne irlandaise catholique, a été censurée en Irlande et parfois même brûlée en place publique après avoir été jugée pornographique et insultante envers l’Eglise.
A cause ou grâce à son
engagement, l’autrice a été largement soutenue par ses pairs qui lui ont
décerné l’Irish PEN Award en 2001 et le PEN/Nabokov Award en 2018. Par
ailleurs, Saints and Sinners, l’ouvrage que j’ai choisi de vous présenter
aujourd’hui, a reçu le Frank O'Connor International Short Story Award, un prix
régional irlandais qui récompenses les nouvelles.
Publiés plusieurs décennies après
Country Girls, donc dans un contexte très différent, les 11 textes réunis dans Saints
et pêcheurs ne sont pas aussi sulfureux. Certes, il est parfois question de
sexe (Pêcheurs), de religion et de politique (Fleur noire) mais il s’agit
surtout d’une série de peintures sociales. Les héros de ces histoires sont tous
des individus déçus par leurs proches (Georgette verte, Madame Cassandra ou Vieilles
blessures) ou brisés par dureté de la vie (Rois de la pelle ou Cow-boy
intérieur). Il y a beaucoup de femmes, mais les hommes souffrent aussi. Ils
sont jeunes ou vieux, exilés ou prisonniers du carcan familial, souvent pauvres.
L’univers d’Edna O’brien est très
riche mais il faut savoir prendre son temps pour s’en imprégner et en tirer la
substantifique moelle. Certains textes m’ont touchée plus que d’autres.
Pillage, l’histoire d’une jeune fille violée par des soldats, est peut-être la
plus insoutenable.
J’ai lu ce livre suite à la
proposition de lecture commune de Kathel dans le cadre du challenge des Bonnes nouvelles. Le hasard fait que je venais de terminer le recueil de nouvelles de Jan
Carson, intitulé Le fantôme de labanquette arrière. Entre les deux autrices irlandaises, je dois avouer que mon cœur
balance davantage en faveur de Jan Carson que d’Edna O’brien. L’humour féroce
de la première m’a totalement conquise. Jérôme, du blog D’une berge à l’autre, a quant à lui préféré les nouvelles de Claire
Keegan… pour moi, c’est une nouvelle piste à explorer dans la littérature
irlandaise.
Saints et pêcheurs. Edna O’brien, traduite par Pierre-Emmanuel
Dauzat. Editions Sabine Wespierser, 228 pages (2012)
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