Ikebukuro West Gate Park. Ishida Ira

 Ikebukuro West Gate Park. Ishida Ira

Quelle image avez-vous de la ville de Tôkyô ? Pour ma part, j’imaginais des quartiers d'affaires bien propres où se croisent des Salarymen industrieux terminant leur journée de travail, en compagnie de leurs collègues, dans des Karaokés animés ou des bars branchés. Ikebukuro West Gate Park (souvent abrégée en IWGP) d'Ishida Ira nous montre l'envers du décor. Il nous conduit au cœur du quartier d'Ikebukuro, où une population bigarrée de salariés, de chômeurs, d'étudiants, de prostituées, de yakuzas et de petits délinquants cohabitent.

Le repère de la jeunesse oisive est West Gate Park, un jardin public considéré par tous comme un terrain neutre et situé à quelques minutes de la gare, entre le Théâtre des Arts, les librairies, les Love hôtels, les salons de massages très spéciaux et les commerces plus ou moins rutilants. C'est dans ce contexte particulier que le héros atypique d'Ishida Ira, le jeune Makoto Majima, s'impose progressivement comme médiateur et détective amateur. Notre "solutionneur d'embrouilles", ainsi qu'il se surnomme lui-même, est secondé par la "Purple Crew", une petite équipe composée de ses amis les plus proches. Il y a son premier associé, Mori Masahiro (dit Masa), un étudiant génial mais qui passe plus de temps sur les bancs de West Gate Park que sur ceux de l'Université, et Mizuno Shunji (alias Shun), un dessinateur hors pair plongé en permanence dans ses carnets de croquis. Ils sont bientôt rejoints par un As du piratage, Hideki (aka Radio). Makoto, quant à lui, se distingue par ses compétences en matière de relations humaines. Le cerveau du groupe, puisqu'il faut bien l'appeler ainsi, semble aussi à l'aise en compagnie d'Andô Takashi (le "King des G-Boys"), de Saitō Fujio (dit le Singe), un membre du groupe yakuza Hazawa, ou de Yoshioka, l’inspecteur de la brigade des mineurs. Evidemment toutes les jeunes femmes qui approchent Makoto succombent à son charme.

Le premier volet de cette trilogie est composé de quatre nouvelles de longueur inégale (Ikebukuro West Gate ParkExcitable BoyLes amants de l’oasis et Guerre civile rue Sunshine), soit quatre enquêtes qui font la réputation grandissante de Makoto dans son quartier.

A l'été 1999, le jeune homme résout sa première affaire, celle de "L’Etrangleur", un serial killer qui assassine des étudiantes aux mœurs légères dans les Love hôtels d'Ikebukuro. C'est grâce à cette première expérience que notre héros se voit confier sa seconde mission: retrouver Princesse, la capricieuse fille du chef des yakuzas. Dans la troisième nouvelle, Makoto est sollicité par une masseuse de ses connaissances dont le petit ami iranien est pourchassé par les trafiquants de drogue. Néanmoins, la plus grande réussite de notre démêleur d'embrouilles, est la résolution du conflit opposant les G-Boys aux Red Angels, mettant un terme à la guerre des gangs de la Rue Sunshine.

A travers ces histoires, Ishida Ira dévoile le désœuvrement d'une certaine jeunesse japonaise, les problèmes de discrimination, la pauvreté, le trafic de stupéfiants et la prostitution. Ce n'est pas pour autant un roman noir, car le message véhiculé est celui de l'espoir. Par exemple, Makoto a abandonné ses études par manque de conviction. Néanmoins, il trouve progressivement sa voie et commence à s'instruire en dilettante. On le voit évoluer au fil des pages, devenir mélomane puis lecteur averti, avant de se convertir aux avantages des nouvelles technologies. Les personnages qui l'entourent ne sont pas manichéens. Il est possible de dialoguer même avec les flics et les Caïds.

Les nouvelles policières d'Ishida Ira ont d'abord été publiées sur une période d'un an par la maison Bungeishunjû dans la revue All yomimono ("Toutes sortes de lectures"). Elles ont remporté un immense succès au Japon où IWGP a été couronné par l'Orû Yomimono, le Grand Prix de littérature policière. L'œuvre a été adaptée en série TV pour la chaîne japonaise TBS puis en Anime de 12 épisodes réalisés par Tomoaki Koshida. IWGP a aussi inspiré un manga avec des dessins d'Arito Sena (Editions Asuka, 2004). Ishida Ira a publié d'autres livres dont L'Enfant Phœnix, un roman illustré par Minetarō Mochizuki (Éditions Le Lézard noir, 2021). 

💪Ce recueil s'inscrit dans le challenge des Bonnes nouvelles 

Ce billet est recyclé de mon ancien blog

📌Ikebukuro West Gate Park. Ishida Ira, traduit par Anne Bayard Sakai. Picquier Poche, 384 pages (2008)

Bonnes nouvelles 2025

Commentaires

  1. C'est tentant ! (surtout quand on a visité Tokyo).

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    1. oui, je pense qu'on doit apprécier d'autant plus ce recueil (et les 2 volets suivants)

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  2. La construction de ces récits m'ont l'air hyper intéressant, ça peut se lire comme un roman j'ai l'impression.

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    1. Exactement, tu as bien deviné. Il y a plusieurs histoires mais cela se lit comme un roman. On retrouve les mêmes personnages et on les voit évoluer. Il y a quatre autres aventures dans le second volet de la trilogie mais une seule histoire dans le tome 3.

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  3. Me voilà tentée par ces nouvelles japonaises, merci.

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    1. C'est l'occasion d'entrer dans un univers très riche sans que cela ne soit trop déstabilisant pour le lecteur occidental.

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  4. pas tentée malgré ce billet intéressant.

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    1. je sais que tu n'es pas amatrice de littérature japonaise. Je n'insiste donc pas.

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  5. Dorénavant, les nouvelles, c'est objectif 2026! Comme tu n ous y autorises, je vais déborder un chouia février, histoire de participer en même temps au mois latino. ^_^

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    1. Bien sûr, je peux attendre un peu. Je pense publier le bilan aux alentours du 15 février.

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  6. oh il me le faut ! merci pour cette chronique - pour moi Tokyo avait pris le visage d'Alice in Borderland (vidée de ses 14 millions d'habitants) et de la magnifique série Happy of the End avec les prostituées, les drogués et les petits trafiquants.
    Pas celui d'un pays propre sur soi du coup je pense que ces nouvelles me plairont !

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    1. Effectivement, tu seras moins surprise que moi... j'espère que tu auras autant de plaisir à les lire.

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  7. J'ai ces livres dans ma PAL depuis un moment. Dommage, je n'y ai pas pensé pour les nouvelles ! Enfin, il faudrait déjà que je me souvienne où ils sont "rangés".^^

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    1. Tu as encore le temps de les trouver. Je ne publierai le bilan qu'aux alentours du 15 février. Je dis ça, je ne dis rien...

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  8. C'est intéressant de voir l'envers du décor loin des images policées que l'on peut avoir du Japon. Et puis, le fait que les nouvelles ne soient pas pour autant plombante par un pessimiste assuré me donne envie de sauter le pas :)

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    1. Je pense vraiment que ce livre pourrait te plaire

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  9. C'est en effet un côté du Japon qu'on connait moins (même si avec le livre Tokyo vice, j'en avais déjà appris pas mal!) et je suis tentée. Les personnages ont l'air de très bien se prêter à une adaptation en manga et il est possible que je le lise sous cette forme (si je le trouve).

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    1. Je n'ai toujours pas lu Tokyo Vice de Jake Adelstein. En revanche j'ai lu Tokyo revisitée de David Peace qui donne encore une autre image de la ville.

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  10. Thaïs27.1.25

    Tu donnes vraiment envie de découvrir cette ville via ces nouvelles. En ce moment, tout le monde parle du Japon comme un monde à découvrir. Je connais assez peu la littérature asiatique mais par le biais de ces nouvelles, cela semble une bonne accroche.

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    1. Disons que cela change un peu des classiques et de la littérature Feel good.

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