Coupables. Ferdinand von Schirach

Coupables. Ferdinand von Schirach


Ferdinand von Schirach n’est pas seulement écrivain, il est aussi avocat. Son premier recueils de nouvelles, intitulé Crimes (Folio, 2012), a remporté un grand succès en Europe et aux États-Unis. En Allemagne, il est resté 54 semaines en tête du palmarès de l’hebdomadaire Der Spiegel. Il a également été adapté à l’écran par la chaine de télévision ZDF. 

L’auteur berlinois a donc récidivé avec un second recueil de nouvelles. Coupables (Schuld, en version originale, soit « La faute ») est dans la même veine que Crimes. Toutes ces histoires sont également nourries des archives et de l’expérience professionnelle de Ferdinand von Schirach. Elles nous sont d’ailleurs rapportées sans fioriture, avec la froideur presque clinique du juriste.

« Au cours d’une procédure pénale, personne n’est tenu de prouver son innocence. Nul ne doit parler pour se défendre, il appartient au ministère public de produire des preuves. Et c’est sur ce point que reposait notre stratégie : tous, ils devaient garder le silence. Inutile d’en faire davantage. Depuis peu, les tribunaux recouraient à des analyses ADN. A l’hôpital, les fonctionnaires de police avaient placé les vêtements de la jeune fille en sûreté, dans un sac-poubelle bleu. Ils le chargèrent dans le coffre du véhicule de patrouille, pour le transporter à l’institut médico-légal. Le véhicule était resté garé en plein soleil, pendant des heures et, en raison de la chaleur, champignons et bactéries s’étaient développés sous le film plastique du sac, altérant ainsi les traces d’ADN – si bien que personne ne fut en mesure de les exploiter. »

L’auteur s’autorise rarement la compassion ou le jugement. Le mécanisme ou l’engrenage qui conduit au crime semble, en revanche, le fasciner. Ses nouvelles montrent qu’un enchaînement de détails suffit parfois pour basculer et que nous sommes presque tous des assassins en puissance.

Je ne peux pas dire que j’ai véritablement accroché à ce livre. Bien que le style d'écriture soit très sobre, les histoires tiennent davantage de la rubrique Faits divers que du genre romanesque. Le refus de parti-pris m’a agacée. Il y a ici une sorte de dénie de jugement moral que je trouve dérangeante, même pour un avocat ou un criminologue. L’auteur admet néanmoins (dans le premier récit, si je me souviens bien) que son métier l’a mis face à une réalité qu’il aurait préféré ignorer : à savoir que justice n’est pas rendue aux victimes. Bizarrement, les nouvelles qui s’autorisent un brin d’humour sont plus réussies que les autres.

Je ne dis pas que je ne relirai pas Ferdinand von Schirach. L’écrivain allemand a publié de nombreux ouvrages depuis Coupables dont Le cas Collini, paru dans son pays en septembre 2011. Ce roman est consacré à l’affaire Hans Meyer, un ancien officier nazi. Le romancier sait sans doute un peu de quoi il parle puisqu’il est le petit-fils de Baldur von Schirach, le responsable des Jeunesses hitlériennes. Celui-ci passa vingt ans à la prison de Spandau après le procès de Nuremberg.

💪Ce livre me permet de participer au challenge des Bonnes nouvelles

📌Coupables. Ferdinand von Schirach, traduit par Pierre Malherbet. Gallimard, 192 pages (2012) / Folio, 240 pages (2014)

Bonnes nouvelles 2025


Commentaires

  1. Mais oui, bonne idée! Ce challenge conduit dans de belles directions.

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    1. Il y a des auteurs auxquels on ne pense pas tout de suite, et pourtant...

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  2. J'ai lu Crimes et celui-ci... je n'en ai pas gardé beaucoup de souvenirs, oui, plutôt des faits-divers que vraiment des nouvelles... le rôle de l'avocat y est intéressant.

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    1. Je viens de terminer un autre recueil de nouvelles du même auteur. J'ai retrouvé ce style particulier mais je l'ai mieux apprécié

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  3. Il m'est arrivé en lisant ce billet l'inverse de ce qui s'est passé pour toi avec celui sur "Orphelins" : au départ, j'étais très tentée par le sujet, mais tes bémols m'ont ensuite refroidie... je reste quand même curieuse, d'autant plus que c'est un auteur que j'avais déjà repéré à l'occasion des Feuilles allemandes.

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    1. Il faut essayer. Je viens de terminer Sanction du même auteur qui me plait davantage

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  4. De von Schirach, je n'ai lu que L'affaire Collini qui m'avait beaucoup plu. A partir d'un cas particulier imaginaire, l'auteur avait démontré qu'une loi allemande mal rédigée avait permis à un très grand nombre de criminels nazis de ne pas être jugés. La loi a été révisée suite à son roman d'ailleurs. Le style était assez clinique en effet, le côté ultra sérieux du juriste allemand est bien là, alors qu'un avocat français aurait probablement été beaucoup plus grandiloquent. La matière était tellement romanesque que cette sobriété servait plutôt l'histoire, mais je peux comprendre que dans des nouvelles, ce soir trop sec.

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    1. C'est tout à fait juste tout ce que tu dis. Je suis tentée par L'affaire Collini. Un essai, c'est très différent.

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  5. j'avais beaucoup apprécié du même auteur "l'affaire Collini"

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    1. Ah, tu confirmes le point de vue de Sacha. Je le lirais si je le trouve à la bibli

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  6. Ton avis mitigé me fait passer mon chemin. J'en ai d'autres en vue.

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    1. Ce n'est que mon avis. Il te plaira peut-être plus qu'à moi. D'ailleurs, je ne peux pas dire que cette lecture était désagréable.

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  7. Pour les Feuilles Allemandes de novembre 2025?

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    1. En fait, j'avais d'abord prévu de le présenter au Feuilles allemandes mais j'ai raté le coche.

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  8. PHILIPPE16.1.25

    Jamais entendu parler de cet auteur berlinois, mais je connais peu d'auteurs allemands à part Fitzek que je suis.

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    1. Je crois que tu es friand de polars. Ces histoires policières pourraient te plaire.

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  9. Le côté "faits divers" aurait pu m'inspirer, mais tu ne sembles pas si enthousiaste.

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    1. J'ai préféré "Sanction" dont le vais parler bientôt

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  10. Je pense aussi que l'absence de partis pris risque au bout d'un moment de me gêner...

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    1. L'auteur veut dénoncer la violence humaine et l'absurdité du système mais son métier d'avocat sans doute l'incite à rester plus ou moins dans la neutralité.

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