Un silence brutal. Ron Rash
Ce polar est porté par deux personnages encombrés de lourds fardeaux. Becky est la gardienne du Locust Creek Park, le parc régional. Lorsqu’elle était enfant, elle a été témoin d’une fusillade dans une école primaire au cours de laquelle son institutrice et deux enfants sont morts. Le traumatisme l’a rendue muette assez longtemps pour que ses parents décident de l’envoyer à la campagne. Plus tard, son petit ami à succombé au travers du terrorisme écologique, poussant Becky à se réfugier à nouveau dans la nature en Caroline du Nord. "Les" est le shérif du comté depuis plus de 30 ans. Sa femme l’a quitté 10 ans plus tôt après une sévère dépression à laquelle il n’a rien compris. A 51 ans, il s’apprête à prendre sa retraite et sera remplacé par Jarvis et son adjoint Barry. L’essentiel de leur boulot consiste à lutter contre des problèmes de drogue récurrents, avec toute l’horreur que cela suppose, et à régler des querelles de voisinage de plus en plus fréquentes.
Lorsque C.J. Gant, un ancien camarade de classe revenu au pays pour se mettre au service du riche Harold Tucker, vient lui signaler une violation de propriété, Les doit faire preuve d’une grande diplomatie. Le vieux Gérald Blackwelder, le voisin du luxueux relais de pêche, ne comprend pas pourquoi il ne peut plus se balader librement sur la propriété de Tucker et prélever quelques truites mouchetées dans la rivière. Or, ce vieux grincheux fait peur aux touristes. Le ton monte entre les deux voisins au point qu’ils en viennent aux mains. Peu de temps après, Tucker découvre que du Kérosène a été versé dans le torrent, tuant des dizaines de poissons. Becky est persuadée que Gerald n’y est pour rien mais C.J Gant fait pression sur Les, prétendant qu’il risque son job dans l’histoire.
Je n’ai pas compris immédiatement que la narration était partagée entre Becky et Les mais, une fois ce détail réglé, j’ai n’ai pu qu’apprécier le style de l’auteur. Ron Rash n’est pas du genre à se satisfaire de lieux communs ou de personnages caricaturaux. Le shérif s’adonne à la peinture tandis que la garde forestière écrit des poèmes. Le personnage le plus ambivalent est sans doute Les. Lors d’une interview, l’écrivain américain a d’ailleurs expliqué que le shérif est fasciné par le côté obscur de la vie à cause de son histoire personnelle. A l’inverse, Becky cherche la lumière. Ses deux personnages s’attirent en dépit (ou à cause) de cette dichotomie. La nature réparatrice est omniprésente de ce polar où les hommes semblent déterminés à se déchirer ou s’autodétruire de toutes les manières possibles. J’ai lu plusieurs critiques dans lesquelles les auteurs comparaient les Appalaches de Ron Rash à la Provence de Jean Giono. La comparaison ne m’est pas venue spontanément mais je ne la trouve pas non plus insensée.
📚J’ai profité d’une lecture commune avec Livrescapade pour découvrir enfin l’œuvre de Ron Rash. Je m’attendais à un écrivain puissant, ancré dans son territoire et soucieux de son environnement. Je ne suis pas déçue et j’ai hâte de lire ses autres livres. Ron Rash est l’auteur de 8 romans à ce jour mais aussi de recueils de nouvelles et de poésie.
📌Un silence brutal. Ron Rash. Folio, 288 pages (2020)
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