Le sniper, son wok et son fusil. Chang Kuo-Li
Vous conviendrez que la série noire de Gallimard est une collection prestigieuse qui n’accueille que le gratin de la littérature policière. Les auteurs de « mauvais genre » qui y figurent sont donc parfaitement fréquentables. Qu’en est-il de l’écrivain taïwanais Chang Kuo-Li ? Le titre de son roman n’est pas très ragoutant. Sachant que les woks et les fusils sont rarement associés dans la cuisine du commun des mortels (même chez les amateurs de « junk food »), il y a de quoi être intrigué. Qui est donc ce fameux sniper ? S’agit-il d’un forcené s’attaquant à quiconque approchant sa marmite de riz sauté ? Non, bien-sûr.
En réalité Ai Li alias « Alex Lee », le héros, est une sorte de Jason Bourne asiatique, reconverti dans la vente de plats traditionnels à emporter. Cet ancien tireur d’élite, formé par l’armée taïwanaise puis engagé dans la légion étrangère française, est rappelé sur le terrain pour éliminer l’un de ses compatriotes en déplacement à Rome. Alors qu’il se concentre sur sa cible, un obscur conseiller en stratégie nommé Chou Hsieh-ho, Alex découvre qu’il s’est fait doubler. Or, le second sniper n’est autre que Chen Li-chih alias « le Gros », un ancien frère d’armes ! Notre héros n’a pas d’autre choix que de l’abattre. Dès lors, il devient la proie de son propre camp… mais qui est le donneur d’ordre justement ? Qui avait intérêt à se débarrasser définitivement du sniper ? Pourquoi « le gros » a-t-il accepter de tuer son ex-camarade de chambrée ? Alex se lance dans une course-poursuite pour sauver sa peau, activant son réseau d’ex-militaires. Ceux-ci lui fournissent d’autant plus volontiers une planque que notre ex-agent dormant leur mitonne de délicieux plats de riz sauté, pourvu qu’il ait un wok sous la main. Bon, jusqu’ici tout le monde suit. Mais ça se complique car une partie de l’intrigue se déroule en Europe et l’autre à Taïwan.
Pendant que l’agent Ai Li fait sa petite cuisine entre l’Italie, la République Tchèque et la Hongrie, la police taïwanaise est sur les dents. Le superintendant Wu et son supérieur, respectueusement surnommé « Crâne d’œuf », enquêtent sur la mort suspecte de deux marins : Le major Kuo Wei-chung, embarqué sur le destroyer Kee Lung, et Chiu Ching-chih Un officier d’état-major. Or, les deux affaires pourraient bien être liées à l’assassinat du conseiller Chou Hsieh-ho. Le superintendant général s’envole illico-presto pour l’Italie tandis que son subalterne enquête sur place. Wu qui est à J-12 de la quille se coltine donc le sale boulot à Taipei pendant que Crâne d’œuf, flic ambitieux et néanmoins épicurien, s’en met plein la panse à Rome. Ici, il faut bien reconnaître qu’on commence à s’emmêler un peu les pinceaux… entre les histoires de barbouzes en goguette et de flicaille affamée… il y a de quoi s’y perdre un peu… sans compter que les retraités des triades ne vont pas tarder à y ajouter leur grain de sel !
Chang Kuo-Li ne se contente pas de régaler ses lecteurs de recettes traditionnelles (riz sauté, galettes grillées fourrées aux œufs, gâteau de navets, etc) et d’anecdotes exemplaires tirées de l’histoire des Trois royaumes. A l’occasion, il rend également hommage aux maîtres de la littérature policière comme Donato Carrisi pour l’Italie. L’écrivain taïwanais signe un roman d’espionnage plein d’humour et avec moult rebondissements. J’ai lu dans une critique du journal Libération qu’il s’était inspiré de l’affaire dite des frégates de Taïwan….
Chang Kuo-Li, n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a déjà publié plusieurs ouvrages dont certains ont été traduits en anglais (Italy In One Bite, Birdwatchers et The Jobless Detective). Il a été rédacteur en chef du China Times Weekly et a reçu plusieurs prix pour ses écrits. Selon l’agence Books of Taïwan, Chang Kuo-Li est également linguiste, historien, expert militaire, fan de sport, critique gastronomique, poète…. Bref, il ne manque pas de ressources ni d’inspiration.
📌Le sniper, son wok et son fusil. Chang Kuo-Li. Gallimard, 368 p. (2021)
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