Mexican Gothic. Silvia Moreno-Garcia
💪Je poursuis mon escapade littéraire au Mexique dans le cadre mois latino organisé par Ingannmic. Après L'Hacienda d’Isabel Cañas, je passe la limite du fantastique pour plonger carrément dans l’horreur. Avec Mexican Gothic, Silvia Moreno-Garcia nous propose en effet une relecture des codes du genre, lui insufflant un brin de modernité et une petite touche latina. Ainsi, dans un manoir hanté, au cœur de l’état d’Hidalgo, cohabitent de pimpantes jeunes femmes de la haute bourgeoisie mexicaine avec de ténébreux aristocrates anglais et leur valetaille apathique. Il y a, comme il se doit, des portes qui grincent, un système électrique défaillant nécessitant l’usage de bougies, une météo déplorable avec un brouillard persistant, des sorties nocturnes dans le cimetière familial, et une ambiance plombée par le poids des traditions.
Nous sommes dans les années 50 à Mexico. Notre héroïne est une jeune et insouciante citadine appelée Noemí Taboada. Etudiante à l’université Nationale, elle change sans cesse d’orientation et s’étourdie de fêtes mondaines. Ses parents, qui ne cautionnent pas son comportement, souhaiteraient plutôt qu’elle s’emploie à trouver le mari idéal comme l’exigent les convenances. Son père la convoque un soir, interrompant un énième bal masqué où Noemi s’était rendue secrètement avec son flirt du moment. Il a reçu une inquiétante lettre de sa cousine Catalina, récemment (et précipitamment) mariée à Virgil Doyle. Le riche industriel pense faire une pierre deux coups en envoyant sa bouillonnante fille au chevet de sa cousine souffrante. Le lundi suivant, en dépit de ses réticences, Noemi prend donc le chemin de la bourgade d’El Triunfo, près de Pachuca dans l’État d'Hidalgo. Dès son arrivée, elle est frappée par les paysages mornes et l’état de délabrement des maisons. Les mines d’argent qui ont fait la fortune du lieu sont fermées depuis la Révolution, trois décennies plus tôt. A la gare, elle est accueillie par le jeune homme évanescent, Francis, cousin germain de Virgil Doyle et résidant permanent de High Place, le domaine familial. L’accueil au manoir est plutôt froid. Noemi est "invitée" à respecter de nombreuses règles très contraignantes : interdiction de fumer, impossibilité d’ouvrir les fenêtres et de tirer les rideaux, de parler à table, d’écouter de la musique… et surtout de voir Catalina quand elle le souhaite. Sa cousine passe ses journées alitée dans sa chambre et recluse dans un état de semi-conscience. Le docteur Cummins, ami et médecin de la famille, prétend qu’elle est atteinte de tuberculose. Noemi entre rapidement en conflit avec Florence, la mère de Francis, véritable cerbère de la maisonnée. Howard Doyle, le patriarche agonisant, abreuve Noemi de théories eugénistes qui ne le rendent guère sympathique. Même Virgil, l’époux de Catalina, cultive un charme inquiétant. Heureusement, notre héroïne se lie d’amitié avec Francis, jeune homme doux et poli, qui deviendra un précieux allié dans ce huis clos cauchemardesque.
Selon l’éditeur de Silvia Moreno-Garcia, H.P. Lovecraft et Emily Brontë seraient les principales sources d’inspiration de l’autrice mexicano-canadienne. Il est clair qu’elle puise ses références dans la littérature gothique mais, pour ma part, j’ai plutôt pensé à Bram Stocker, pour les classiques, et Anne Rice pour les contemporains. Je suis friande de ce type de littérature et j’ai trouvé que Mexican Gothic tenait ses promesses. J’ai été happée par l’intrigue et l’atmosphère presque asphyxiante du roman. Il y a quelques passages perturbants, mais ce sont surtout les descriptions peu ragoutantes du mal affligeant le manoir anglais et ses habitants qui m’ont marquée.
Mexican gothique est le premier roman traduit en Français de Silvia Moreno-Garcia mais Bragelonne a également édité La Fille du docteur Moreau (2023) et Les Dieux de jade et d'ombre (2024). L’autrice a publié une dizaine d’autres ouvrages (romans et nouvelles) en Anglais. Elle a reçu plusieurs prix littéraires dont le Locus et le British Fantasy du meilleur roman d'horreur pour Mexican Gothic en 2021.
Pour information, l’œuvre de Silvia Moreno-Garcia a été l’objet d’un article universitaire de Patrick Bergeron, paru dans la revue canadienne Les Cahiers Anne Hébert (Les filles de la nuit. Le fantastique féminin de Silvia Moreno-Garcia, Numéro 17, 2021, p. 184–202).
📚Un autre avis que le mien chez Fanja
📌Mexican Gothic. Silvia Moreno-Garcia, traduit par Claude Mamier. Bragelonne Poche, 360 pages (2022)
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