L'Hacienda. Isabel Canas

L'Hacienda. Isabel Canas


L'Hacienda est un roman fantastique écrit par une autrice mexicaine de langue anglaise (Isabel Cañas vit actuellement aux Etats-Unis). Son intrigue nous conduit au lendemain de la guerre d’indépendance du Mexique (1810-1821) dans la région d’Apan dans l’état d’Hidalgo, au centre du pays. 

Beatriz, l’héroïne, vient d’épouser don Rodolfo Eligio Solórzano Ibarra, un riche Hacendado, partisan de la république et protégé de l’ancien général Guadalupe Victoria. La mère de Beatriz, issue d’une longue lignée d’aristocrates espagnols mais coupable de mésalliance, n’approuve pas du tout cette union. En effet, son époux défunt, a soutenu l’autre camp pendant la guerre. Il a été déclaré traître à la patrie après l’abdication d’Agustín de Iturbide et exécuté. La veuve et sa fille ont été recueillies par Sebastián Valenzuela, et tía Fernanda, son épouse, des cousins éloignés de la famille qui les traitent avec condescendance. Lasse d’être considérée comme une domestique, Beatriz accepte donc la demande en mariage de Rodolfo et insiste pour quitter Mexico. Son mari lui confie la gestion de l’Hacienda San Isidro avant de retourner à d’autres affaires dans la capitale. La mère de Beatriz, elle, refuse de suivre sa fille et s’enferme dans le silence.

Le domaine de San Isidro fournit de précieux revenus à la famille Solórzano, depuis plusieurs générations, grâce à la culture du maguey et la fabrication du pulque (boisson mexicaine à base de jus fermenté d'agave). Pourtant, la demeure est dans un état lamentable que l’antipathique Juana, la sœur de Rodolfo, justifie par les dégâts engendrés par la guerre. Elle-même préfère vivre dans une dépendance à l’écart de la bâtisse principale. Seuls les domestiques comme Ana Luisa, la gouvernante et sa fille Paloma, occupent une petite partie de l’hacienda. En réalité, elles restent souvent confinées dans la cuisine, où brûle de l’encens en permanence. Beatriz, quant à elle, se sent immédiatement très mal à l’aise dans cette grande maison abandonnée, traversée de courants d’air incessants, qui semble parfois gémir comme une femme malveillante. Lorsque les phénomènes bizarres s’accentuent au point de l’empêcher de dormir, la jeune femme décide de faire appel à l’Eglise pour pratiquer un exorcisme. Or, la démarche est compliquée dans ce pays où l’Inquisition sévit encore. Par chance, Beatriz fait la connaissance d’Andrés, un prêtre sorcier, qui connait très bien l’Hacienda San Isidro et ses habitants. 

L'Hacienda a tous les ingrédients du roman gothique traditionnel : une toile de fond 19ème siècle, des éléments surnaturels, une jeune femme en détresse et un brin de romantisme. Il est d’autant plus agréable à lire que l’intrigue se nourrit de nombreux éléments culturels et historiques.  Sur cette terre de l’ancien empire hispanique, la société de castes persiste. Les « Péninsulaires » (les riches colons nés dans la péninsule ibérique) et les Criollos (ceux nés en Amérique de parents Espagnols) détiennent toujours le pouvoir. Ils exploitent à la fois des Mestizos (littéralement les métis) et des Indios (Amérindiens). Ceux-ci constituent l’essentiel de la force de travail et sont généralement exclus des hautes fonctions.  Les Tlachiqueros, les ouvriers qui travaillent sur les terres, sont traités avec méfiance et dédain. Au travers du personnage d’Andrés, Isabel Cañas s’attarde aussi un peu sur les croyances ancestrales des Amérindiens. Cette partie est traitée trop rapidement pour moi mais j’imagine que c’est au profit du rythme et de la fluidité de l’intrigue. 

Isabel Cañas est également l’auteur d’un roman intitulé Vampires of El Norte, paru en version anglaise chez Berkley en 2023. 

💪Cette lecture s’inscrit dans le cadre du Mois latino, organisé par Ingannmic. 

📌L'Hacienda. Isabel Cañas, traduit par Leslie Damant-Jeandel. Bragelonne, 384 pages (2023)


Mois latino 2024


Commentaires

  1. Jamais entendu parler de ce roman, c'est une vraie trouvaille qui semble tout à fait intéressante.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avoue que je ne connaissais pas du tout avant de le voir dans le catalogue de ma biblio

      Supprimer
  2. Pas ma came, ce genre là, hélas, oui, je sais.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce qui n'est peut-être pas plus mal pour ta liste à lire ?

      Supprimer
  3. Merci pour cette proposition très originale ! Je récupère ton lien.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je reviens de ton blog et j'ai l'impression que ce mois latino démarre sur les chapeaux de roues !

      Supprimer
  4. Je n'accroche pas trop au genre gothique. Je ne pense pas que ce roman soit pour moi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Effectivement si tu n'es pas amatrice du genre, tu risques de t'ennuyer un peu. Cela dit, il y a des passages très intéressant sur l'histoire mexicaine

      Supprimer
  5. Un livre agréable à lire et gothique, pourquoi pas ? Je vais voir si je le trouve pour participer au mois Latino.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, très distrayant quand on aime se faire un peu peur et j'ai beaucoup apprécié le contexte géographique et historique

      Supprimer
  6. ah oui, dépaysement assuré - j'ai lu très peu de romans mexicains, mais tu as l'air d'avoir fait une bonne pioche

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture. Je ne connais pas beaucoup la littérature mexicaine, à part peut-être l'auteur de polars Paco Ignacio Taibo II dont j'ai du lire un ou deux livres il y a bien longtemps. Ah, et Juan Rulfo. J'ai lu son Llano en flammes

      Supprimer
  7. Un auteur dont je n'ai jamais entendu parler. J'avoue connaitre très peu d'auteur mexicain et être moins tenté par cette littérature mais pourquoi pas sortir de ma zone de confort ! Merci pour cette suggestion de lecture

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Avec plaisir ! Je ne lis pas énormément de romans fantastiques mais j'aime bien en ouvrir un de temps en temps. Celui-ci est dépaysant et distrayant (même si j'ai évité de le lire la nuit)...

      Supprimer
  8. Je ne suis pas très roman gothique, mais le contexte historique mexicain et amérindien pourrait peut-être m'intéresser.

    RépondreSupprimer
  9. Je suis trop froussarde :-D mais le contexte est intéressant et il faudrait que j'essaie de trouver des auteurs mexicains moi aussi ce qui n'est pas toujours facile hors polars. Tu as eu une riche idée avec cette proposition inhabituelle.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En réalité, il n'y avait pas tant de choix que ça à la bibli, d'autant plus que je préfère prendre les livres en téléchargement. Mais je ne regrette pas d'avoir lu ce roman. J'aime bien me faire peur de temps en temps. Je ne fais pas de cauchemars avec les romans d'horreur, par contre avec des polars un peu glauques et très réalistes, c'est une autre histoire !

      Supprimer
  10. Oh laaa, "gothique", "fantastique", tout ça ne me sied guère... ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est un genre particulier mais qui a son charme.

      Supprimer
  11. là c'est sûr ce n'est pas pour moi ! malgré ce beau billet!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprends, il faut aimer le fantastique (voire l'horrifique) mais le fond historique pourrait peut-être t'intéresser.

      Supprimer
  12. je pense n'avoir jamais lu ce genre de roman, et j'avoue ne pas être vraiment tentée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avoue que j'ai du mal aussi à sortir de ma zone de confort. On peut avoir d'excellentes surprises comme de grosses déceptions.

      Supprimer
  13. En grande fan des romans gothiques, je ne peux qu'être tentée !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ah oui, ça devrait te plaire ! J'en ai un second dans les tuyaux, si ça t'intéresse.

      Supprimer
  14. Je n'avais encore jamais entendu parler de ce roman, je te remercie donc pour cette découverte, je me le note.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Les Doigts coupés. Hannelore Cayre

Les Naufragés du Wager. David Grann

Neuf vies. Peter Swanson

Une saison pour les ombres. R.J. Ellory

La maison allemande. Annette Hess