Éden. Auður Ava Ólafsdóttir
J’ai découvert Auður Ava Ólafsdóttir en 2010 grâce à Rosa Candida qui l’a fait connaître au-delà des frontières islandaises. J’ai un attachement particulier pour ce beau roman et c’est la raison pour laquelle j’ai repoussé jusqu’à aujourd’hui la lecture des livres suivants. Je sais maintenant que j’avais tort de m’inquiéter car j’y ai retrouvé les thèmes qui sont chers à l’autrice. Dans Rosa Candida, le jeune héros quittait son Islande natale pour cultiver une espèce rare de rose et apprenait à devenir un père pour sa fille. Dans Éden, Alba Jakobsdóttir, la narratrice, est professeur de linguistique à l’Université de Reykjavík. Elle décide de tout laisser tomber après l’achat d’une parcelle de terrain basaltique à la campagne. Dans ce lieu isolé et fouetté par le vent, elle plantera autant de bouleaux qu’il est nécessaire pour compenser son empreinte carbone. Le premier village voisin est à 30 minutes de route. Elle y fait la connaissance de Danyel, un jeune réfugié de 16 ans, qu’elle finit par prendre sous son aile maternelle.
Ce qui fait le sel de ce roman ce n’est pas tant l’intrigue que la manière de la raconter. Mais il faut être patient car Auður Ava Ólafsdóttir procède par petites touches, tout en douceur et en finesse. Les motivations d’Alba nous sont dévoilées au fil des pages. On se régale des digressions de la narratrice sur sa langue maternelle, des appels téléphoniques de sa demi-sœur (la voix de la raison), des conseils arboricoles de son père (via son voisin Hlynur, trésorier de l’Association forestière), de ses discussions avec un chauffeur de taxi / témoin de Jéhovah qu’elle n’ose pas rabrouer, de son ancien amant qui change sans cesse le titre de son recueil de poèmes à paraître, etc. C’est une sorte de comique de répétition qui monte crescendo.
« C’est devenu une tradition, les colloques sur les langues minoritaires menacées de disparition se déroulent dans des villages isolés, à l’écart des grands axes de communication, souvent dans les forêts ou les montagnes (je n’y peux rien, les mots krummaskuð et útnári, signifiant bled ravitaillé par les corbeaux ou trou perdu me viennent automatiquement à l’esprit), ce qui pour une linguiste originaire d’une île à deux pas du cercle polaire arctique se traduit généralement par deux vols suivis de deux correspondances ferroviaires. (…) La tradition veut également que le village choisi pour la manifestation n’abrite qu’un petit nombre de vieillards qui s’expriment dans un dialecte presque éteint …»
Je suis maintenant curieuse de découvrir les romans d’Auður Ava Ólafsdóttir que j’ai ratés dont Miss Islande qui a été récompensé par le Prix Médicis Etranger en 2019.
📝J’ai lu ce livre dans le cadre de la 31ème édition du festival Les Boréales, qui se tient en Normandie du 15 au 26 novembre et qui est dédié cette année à l’Islande.
📚D’autres avis que le mien chez Kathel, Keisha et Aifelle
📌Éden. Auður Ava Ólafsdóttir. Editions Zulma, 224 pages (2023)
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