Découvrir l’Asie à travers la BD (Inde, Chine et Corée)

L'Association en Inde de Guy Delisle, Matti Hagelberg, Frederik Peeters, Jean-Michel Thiriet & Katja Tukiainen chez L’association, 92 p (2006

 Je vous propose aujourd’hui de découvrir trois pays d’Asie (L’Inde, la Chine et la Corée) par l’intermédiaire des illustrateurs et scénaristes de bandes dessinées. Tous les auteurs ont vécu des expériences différentes. Parmi eux, il y a les touristes qui sont partis pour quelques semaines (Voyage en Chine et Voyage en Inde de Béka & Marko) ou quelques mois (Petite balade et Grande Muraille de Maïté Verjux). Il y a les adeptes du voyage initiatique (Au corps de l’Inde de Simon), le séjour thérapeutique (Shanghai Chagrin de Léopold Prudon), l’immersion au pays de Bollywood (C'est décidé, je pars en Inde ! de Clara Vialletelle), les déplacements professionnels (Shenzhen de Guy Delisle), ainsi que les promenades et rêveries pour les plus solitaires (Incredible India de George Bess). On peut également mentionner les expatriés qui nous offrent des témoignages graphiques (Bienvenue en Chine de Milad Nouri & Tian-You Zheng), parfois adaptés de chroniques journalistiques (Robinson à pékin : journal d’un reporter en chine de Eric Meyer & Aude Massot). Ainsi, au gré de nos pérégrinations de papier, nous pourrons nous immerger dans la culture locale à travers les yeux d’un touriste en visite familiale (Excursion coréenne de Nicoby), d’un étudiant en voyage d’études (Jimjilbang de Jérôme Dubois) et d’une expatriée de retour dans son pays d’origine (Je suis encore là-bas de Samir Dahmani). Enfin, Nous ferons une incursion dans le pays le plus fermé du monde, République populaire démocratique de Corée, grâce à un reportage journalistique (Pyongyang de Guy Delisle) et au témoignage d’un Coréen du sud en déplacement professionnel dans le Nord (Le Visiteur du Sud de Oh Yeong Jin). Bon voyage et bonne lecture !

Bangalore de Simon Lamouret

Bangalore de Simon Lamouret chez Sarbacane, 112 p (rééd 2021)

Après des études dans les plus grandes écoles d’art françaises (Estienne à Paris, les Beaux-Arts à Angoulême et les Arts Décoratifs à Strasbourg), Simon Lamouret est parti enseigner le dessin dans une école privée française de Bangalore, au sud de l’Inde. Il y est resté 5 ans, entre 2013 et 2018, et en a rapporté deux albums : Bangalore et L’AlcazarBangalore a été édité une première fois aux éditions Warum en 2017 puis chez Sarbacane en 2021. Les crayonnés en doubles-pages alternent avec les planches de 8 voire 16 cases. Ce parti pris graphique permet de visualiser le gigantisme de la cité comparé à la multitude de ses habitants. Les dessins fourmillant de détails, il faut prendre son temps pour les regarder. Il s’agit essentiellement de scènes de la vie quotidienne. Dans cette ville sans charme de Bangalore (selon l’auteur) se croisent une population moins bigarrée qu’ailleurs, essentiellement composée d’ingénieurs et d’étudiants. Les castes, officiellement abolies en 1950 par Nehru, ne s’observent plus qu’à travers la circulation urbaine : les hijras (personnes « agenres ») se fondent dans la masse des piétons, les Shudras (paysans) se faufilent parmi les véhicules avec leurs charettes à bras et attelages divers, les Vaishyas (marchands) se déplacent plutôt en mobylette, etc. A cela s’ajoute, les différents types de cyclistes, les fameux rickshaw (véhicule tricycle), les bus et les voitures descastes privilégiées ! C’est tout un univers culturel et social que Simon Lamouret nous donne à regarder à travers sa bande dessinée. Pour son second album, intitulé L’Alcazar (Sarbacane, 208 p., 2020), Simon Lamouret s’est fait passer pour un étudiant en architecture sur le chantier de construction d’un immeuble résidentiel. Ce stratagème lui a permis de croquer les représentants des différents corps de métiers qui y travaillaient (ouvriers, contremaîtres, ingénieurs, promoteurs…) sans éveiller les soupçons. L’œuvre est un récit choral qui débute avec les fondations de l’immeuble et se termine avec l’inauguration du bâtiment. Voir la recension ici

Robinson à Pékin – journal d’un reporter en chine de Eric Meyer & Aude Massot

Robinson à Pékin – journal d’un reporter en chine de Eric Meyer & Aude Massot chez Urban Comics, 192 p. (2021)

Robinson à Pékin est l’adaptation d’un livre éponyme paru chez Robert Laffont en 2005. Il s’agissait d’un recueil de chroniques d’Éric Meyer, consacrées à ses deux premières années d’expatriation en Chine. Arrivé dans le Pays du Milieu en 1987, Eric Meyer est le premier journaliste français autorisé à s’installer de manière permanente en Chine. Il va y rester une trentaine d’années. Éric Meyer décrit un pays en pleine mutation économique et sociale, à la veille d’un drame historique, le massacre de la place Tian'an-men, le 4 juin 1989. Cet évènement met fin aux vagues de manifestations étudiantes. Pour l’heure, le reporter observe un monde rural quasiment disparu aujourd’hui, décrit son quotidien d’expatrié sous la dictature chinoise et ses déboires avec la bureaucratie. La BD, publiée en 2021 chez Urban Comics, ne compte pas moins de 192 pages. Les dessins ont été réalisés par Aude Massot. L’illustratrice est déjà l’auteur de plusieurs ouvrages, dont une BD sur le thème de l’expatriation (Québec land chez Sarbacane, 2014), scénarisée par Édouard Bourré-Guilbert et Pauline Bardin. Aude Massot a également publié une bande dessinée de reportage sur le SAMU social (Chronique du 115 chez Steinkis, 2017) et un documentaire sur l’ONU en collaboration avec Karim Lebhour, correspondant de RFI (Une saison à l'ONU, Steinkis, 2018). 

Shanghai Chagrin de Léopold Prudon

Shanghai Chagrin de Léopold Prudon chez L’association, 144 p. (2021)

Shanghai Chagrin est une BD très intimiste qui aborde le thème du deuil. Le narrateur se rend en effet en République Populaire de Chine après la mort de son père. Dans cette période difficile, il ressent le besoin de s’éloigner de ses repères et des lieux qu’il connait. Ses déambulations dans la ville de Shanghai, cette mégapole gigantesque et ultramoderne, sont autant de prétextes au souvenir et à l’introspection. Ainsi, aux images de la cité se superposent des brides de dialogues, des pensées ou des poèmes. Les dessins aux lignes épurées sont en noir et blanc. On peut lire un extrait de cette BD sur le site Internet de l’illustrateur. Léopold Prudon est également l’auteur d’un one-shot intitulé De l’autre coté (Les Enfants Rouges, 84 p., 2015).

Au corps de l’Inde de Simon

Au corps de l’Inde de Simon chez Akinomé, 288 p. (2019)

« Tu sors de l’avion et l’Inde te tombe dessus » écrit Simon à une amie. La rue indienne en effet est une cacophonie grouillante de monde. Comment décrire cette frénésie ? Pour l’auteur d’Au corps de l’Inde, elle est indicible. Et pourtant, elle lui a inspiré un ouvrage de presque 300 pages ! Il s’agit bien ici d’un récit de voyage illustré et non d’un carnet de croquis ou d’une bande dessinée. Les illustrations à l’encre de chine couleur sépia sont autant d’instantanés de ce pays déroutant et ont été réalisées sur place. En revanche, le texte a été plus long à s’imposer car il a fallu 6 mois supplémentaires à l’auteur pour digérer la masse d’informations et de sensations recueillies. Le résultat est superbe. L’auteur se nourrit de son expérience mais aussi de celles de ses prédécesseurs (de Nicolas Bouvier à Henri Michaux en passant par Rabindranath Tagore). Paru une première fois aux éditions de la Boussole en 1999, Au corps de l’Inde a été réédité par Akinomé 10 ans plus tard. L’œuvre a été récompensée par Prix littéraire Curieux Voyageurs en 2021. Voyageur insatiable, Simon a publié plusieurs récits illustrés dont un livre sur le Râjasthân (Dans les mains du soleil, Editions alternatives, 196 p., 2007). La proposition graphique de ce second ouvrage sur l’Inde est très différente puisque cette œuvre est composée de dessins très colorés, ainsi que de collages de journaux ou de tissus. 

Bienvenue en Chine de Milad Nouri & Tian-You Zheng

Bienvenue en Chine de Milad Nouri & Tian-You Zheng chez Delcourt, 192 p. (2019)

Ceux qui ont aimé Shenzhen de Guy Delisle, lirons sans doute avec le même plaisir Bienvenue en Chine de Milad Nouri & Tian-You Zheng. Le scénariste et l’illustrateur signent ici leur première publication. Les illustrations sont dominées par le bleu, la couleur favorite de Tian-You Zheng. Pour le reste, c’est l’histoire de Milad Nouri qui nous est contée. Le jeune entrepreneur est un Laowai, un étranger en Chine. Son parcours au Pays du Milieu débute en 2004 grâce à un échange universitaire de 6 mois avec la South China University of Technology. Notre étudiant en ingénierie informatique débarque d’abord à Canton. Conscient des opportunités offertes par ce pays en pleine mutation, le jeune homme décroche un premier emploi dans la filiale d’une grande entreprise française à Shangaï. Il s’installe plus tard à Hangzhou, dans la province du Zhejiang au sud-est de la Chine, et crée une société de conseil pour aider les occidentaux à s’implanter dans le pays. L’album présente, à travers son expérience en République Populaire de Chine (RPC), une série d’anecdotes humoristiques sur la vie quotidienne et le monde du travail. Autobiographie graphique et guide touristique, Bienvenue en Chine prodigue aussi d’excellents conseils aux candidats à l’expatriation, ainsi qu’à ceux qui souhaitent faire du business en RPC. Milad Nouri vit là-bas depuis plus de 15 ans maintenant et parle couramment Chinois. Il y a rencontré son épouse et construit sa vie familiale. 

Namasté. Eddy Simon & Aurélie Guarino

Namasté. Eddy Simon & Aurélie Guarino. Sarbacane, 4 vol. (2017-2019)

La petite Mina est en vacances en Inde avec ses parents. Après une étape à Mumbaï (Bombay), la famille décide de se rendre à Agra pour voir le fameux Taj Mahal. Dans le train de nuit qui les conduit vers leur destination, la petite fille est distraite par une apparition de Ganesh, le dieu éléphant et descend sur le quai. Le train repart avec ses parents mais sans elle... Que faire quand on se perd dans un pays inconnu ? Pour Mina c’est le début d’une suite d’aventures fantastiques. En chemin, elle fera la connaissance de Pintu, un jeune Indien originaire de Pondichéry et qui parle français. Il deviendra son guide et un ami fidèle. Bien entendu, Mina finira par retrouver ses parents après bien des péripéties qui lui permettront de découvrir l’Inde sous un jour différent. Cette Bande dessinée, qui comporte peu de texte, est destinée à la jeunesse.

Petite balade et Grande Muraille de Maïté Verjux

Petite balade et Grande Muraille de Maïté Verjux chez Fei, 180 p. (2018)

Après ses études à l’EPSAA (Ecole Professionnelle Supérieure d'Arts Graphiques), Maïté Verjux, l’autrice de Petite balade et Grande Muraille, ne se voyait pas travailler dans une agence de graphisme à imaginer des packagings de pots de yaourts. Elle décide donc de partir 3 mois en Chine, un pays dont elle ne connait rien et ne maîtrise pas la langue. Question : pourquoi la Chine ? Parce que l’illustratrice a fait un stage dans une maison d’édition franco-chinoise. Et puis son pote Golo habite Pékin et le coût de la vie n’y est pas très élevé. L’idée est de revenir avec suffisamment d’anecdotes et de croquis pour réaliser une bande dessinée. Maïté Verjux prévoit d’abord un financement participatif via la plateforme Ulule. L’expérience se traduit par 8000 km en avion, 46 kg de bagages, 7h de décalage horaire, 15 selfies avec des inconnu-e-s, une vingtaine de colocataires, 17 kg de nouilles chinoises végétariennes, 3 carnets de croquis, 14 stylos… et puis quelques périodes de solitude, de la pollution, des paysages incroyables… bref, après 1 an et demi de travail, Maïté Verjux nous livre un roman graphique de 184 pages en couleurs. Son œuvre, en écriture inclusive, sera finalement édité chez Fei. 

C'est décidé, je pars en Inde ! de Clara Vialletelle

C'est décidé, je pars en Inde ! de Clara Vialletelle chez Hikari, 232 p. (2018)

Avec C'est décidé, je pars en Inde ! de Clara Vialletelle, l’ambiance est plutôt à la danse, à la musique et au cinéma. En effet, l’auteur de ce carnet de voyage coloré et foisonnant se présente elle-même comme une « Bollywood addict ». C’est donc cette passion originale qui l’a conduite jusqu’en Inde, munie d’un sac à dos et d’une boîte d’aquarelle. Elle y reste 6 mois, entre 2016 et 2017, d’abord comme volontaire internationale au sein de l’école Tender Heart puis à l’aventure en solo. Clara se rend dans les plus grandes villes du pays (Faridabad, New et Old Delhi, Agra…) et traverse plusieurs Etats (l’Haryana, le Pendjab, le Rajasthan, etc). Son livre est à son image, inattendu, joyeux, pragmatique et rythmé. On y trouve toutes sortes d’informations sur les monuments, les fêtes traditionnelles, la cuisine, la langue (l’Hindi), les moyens de transport, les règles de vie à respecter… et les bases du cinéma à la sauce Bollywood évidemment ! 

Bonjour les Indes de Ben Radis, Dodo & Jano

Bonjour les Indes de Ben Radis, Dodo & Jano chez Futuropolis, 80 p. (2018)

Bonjour les Indes de Ben Radis (alias Rémi Bernardi), Dodo (Dominique Nicoli) & Jano (Jean Leguay) est un classique de la bande dessinée qui a été réédité à plusieurs reprises. Paru une première fois chez La Sirène en 1991 puis chez Les humanoïdes associés en 1999, l’album a été publié chez Futuropolis en 2018. Il se distingue par son format à l’italienne et la multiplicité des propositions graphiques et textuelles. En effet, les récits cohabitent avec des cartes, des extraits de lettres, des documents informatifs, des dessins pleine page, des Comic strip ou des historiettes composées de plusieurs planches de vignettes. Les personnages sont anthropomorphes lorsqu’il s’agit de caricatures et la police d’écriture emprunte parfois à la calligraphie indienne. De nombreuses thématiques sont abordées comme les hôtels, les transports, l’architecture, les animaux, le cinéma, la religion, etc. Les auteurs aiment à dire que Bonjour les Indes est un « un foutoir hilare ». C’est finalement assez bien résumé. 

Je suis encore là-bas de Samir Dahmani

Je suis encore là-bas de Samir Dahmani. Steinkis, 152 p. (2017)

Sujin, l’héroïne coréenne de ce roman graphique a passé 10 ans en France, avant de retourner dans son pays natal. Rentré depuis 2 ans à Séoul où elle travaille, elle a encore du mal à se réapproprier sa culture d’origine. La pression familiale, la hiérarchie sociale et les codes de la vie professionnelle, en particulier, lui pèsent beaucoup. L’arrivée d’un client français va lui offrir, pense-t-elle, une bouffée d’oxygène. Elle va devoir le chaperonner durant tout son séjour en Corée. Je suis encore là-bas n’est qu’un premier volet d’un projet commun entre l’auteur et sa partenaire YunBo (Yun Bokyoung), une manhwaga (dessinatrice de BD coréenne) expatriée en France. Le second tome de ce diptyque à quatre mains est intitulé Je ne suis pas d'Ici (Warum, 2017). Samir Dahmani et Yun Bokyoung se sont rencontrés à l’Ecole Européenne Supérieure de L'Image (EESI) d’Angoulême.

Le Visiteur du Sud de Oh Yeong Jin

Le Visiteur du Sud de Oh Yeong Jin (Intégrale) chez Flblb, 448 p. (2017)

Le Visiteur du Sud, qui compte deux tomes, existe également en version intégrale. Son auteur, originaire de Corée du Sud, nous conduit en République populaire démocratique de Corée. Son personnage principal, Monsieur Oh se rend à Shinpo pour aller travailler sur un chantier de canalisation. Ce récit s’inspire largement d’une tranche de vie de Oh Yeong Jin. En effet, entre 2000 et 2002, l’illustrateur part travailler en Corée du Nord comme chef de chantier, dans le cadre d’une coopération Nord-Sud, initiée par la Sunshine Solicy du président Kim Dae-Joong. Pour la forme, la BD oscille entre comic strip à l’américaine et manwha typiquement coréen. En ce qui concerne le fond, les sketchs entre collègues ou les tracas de la vie quotidienne alternent avec les notes et les passages dédiés à l’histoire ou la culture locale. Le premier tome de ce diptyque a été publié en Corée par les éditions GCK Books en 2004. Il a été récompensé par plusieurs prix dont le prix « Asie » de l’Association des Critiques de Bande Dessinée (ACBD) en 2008. Dans la même veine, l’auteur a publié une BD documentaire intitulée Mission Pyongyang (Flblb, 2011).

Making Friends in Bangalore

Making Friends in Bangalore de Sebastian Lörscher chez Cambourakis, 144 p. (2015)

« Que fait un illustrateur lorsqu’il voyage en Inde ? » demande Sebastian Lörscher à son lecteur. Réponse : « Il dessine évidemment ! » Et c’est ainsi sans doute que l’auteur de Making Friends in Bangalore, se fait de nombreux amis.  Chaque fois qu’il s’installe dans la rue pour dessiner, les curieux s’arrêtent, regardent par-dessus son épaule et lui posent des tas de questions. De fil en aiguille, s’instaure un dialogue entre l’illustrateur et les badauds. Les Indiens expliquent à notre baroudeur occidental où ils travaillent, lui racontent des anecdotes privées, lui font visiter la ville…  Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’auteur de Making Friends in Bangalore n’est pas anglo-saxon mais allemand. Je vous rassure néanmoins, mis à part le titre, les textes ont bien été traduits en français. Les croquis, très colorés, sont tantôt minimalistes, tantôt foisonnants. Le dessinateur n’y apparait que partiellement puisqu’on ne voit que ses mains (un point de vue somme toute réaliste). En 2014, l’album a été lauréat du Prix du Carnet de Voyage International à Clermont-Ferrand. La même année, il a été récompensé par le Prix Sondermann à la foire du livre de Francfort.

Jimjilbang de Jérôme Dubois

Jimjilbang de Jérôme Dubois chez Cornélius, 120 p. (2014)

Jérôme Dubois publie Jimjilbang (mot désignant le sauna coréen) au retour d’un voyage en Corée du Sud où il s’est rendu à la fin de ses études aux Arts décoratifs de Strasbourg. Il s’agit pour lui d’exprimer le profond malaise que ce séjour à suscité en lui. C’est en effet l’histoire un voyage raté. L’auteur, déstabilisé par la géométrie urbaine, son logement minuscule, la foule dans le métro, la saleté des marchés, les spécialités culinaires et les traditions locales, n’a pas su apprécier ce pays où il s’est rendu par défaut (il avait préalablement opté pour le Japon). Ce n’est qu’au moment du retour dans l’hexagone, alors qu’il commence à se familiariser avec son nouvel univers, qu’il commence à aimer ce pays. Les dessins évoluent en même temps que ses états d’âmes. Le noir et blanc, reflète parfaitement les sentiments de lassitude et d’isolement du personnage principal. Son visage est à peine esquissé et le lecteur ne peut en distinguer les traits. Les textes sont tout aussi minimalistes puisque le héros ne parle pas Coréen et ne communique que très peu avec les autochtones. 

Voyage en Chine de Béka & Marko

Voyage en Chine de Béka & Marko chez Bamboo, 48 p. (2013)

Voyage en Chine est le premier tome d’une série dédiée au voyage (le second volet est consacré à l’Inde). Il s’agit d’une collaboration entre deux scénaristes travaillant sous le pseudonyme de Beka (alias Bertrand Escaich et Caroline Roque) et un illustrateur, Marko (Marc Armspach, de son vrai nom). La petite équipe n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle a déjà publié quatre tomes de la collection Geo BD chez Dargaud. Dans cet album, nous faisons la connaissance d’un couple de trentenaires, Ben et Nina, qui ont décidé de partir 3 semaines en vacances en Chine. Cette BD pleine d’humour s’adresse d’abord aux enfants mais elle a tout pour séduire aussi les adultes. Le jeune couple, en dépit de la barrière de la langue, découvre les paysages, mais aussi la culture et la cuisine chinoises. Il y a beaucoup de gags et de décalages humoristiques provoqués par les préjugés (positifs ou négatifs) des voyageurs.

Voyage en Inde de Béka & Marko

Voyage en Inde de Béka & Marko chez Bamboo, 48p. (2014)

Voici le second volet des expéditions de notre binômes de trentenaires, Ben et Nina, en terre d’Asie. Cet album, qui se lit indépendamment, fait suite à celui intitulé En Chine, le premier tome de ce diptyque. La série semble s’être interrompue là depuis 2014. Elle s’adresse d’abord aux jeunes lecteurs ce qui explique l’apparence enfantine des personnages. Voyage en Inde utilise les mêmes ressorts que l’album précédent, à savoir une série de sketchs sur chaque demie planche, des gags qui se jouent des préjugés des occidentaux vis-à-vis du pays visité, les caractères opposés des personnages (Ben étant le geek immature de service tandis que Nina est plus organisée). A la fin de l’album, le lecteur découvre les véritables photos du voyage entrepris par Bertrand Escaich et Caroline Roque (les scénaristes qui se cachent sous le pseudonyme de Béka). Les dessins sont réalisés par le complice habituel du couple, Marc Armspach (alias Marko). En effet, notre trio a déjà travaillé sur la série GEO BD aux Éditions Dargaud, en collaboration avec le magazine GEO, ainsi que sur les 6 tomes de la série Le jour où... chez Bamboo. 

Incredible India de George Bess

Incredible India de George Bess chez Glénat, (2013)

La version papier d’Incredible India de George Bess est actuellement épuisée chez l’éditeur mais on peut facilement se procurer l’album en version numérique sur les sites des librairies en ligne. Ce one-shot est surtout un voyage introspectif, peuplé de rêveries solitaires et de réflexions existentielles. Le texte se présente sous forme épistolaire et les illustrations sont en noir et blanc. Les planches de vignettes, tantôt épurées tantôt foisonnantes de détails, alternent avec les dessins pleine-page.  Parmi les œuvres de Georges Bess, on peut mentionner Le lama Blanc (Les humanoïdes associés, 6 tomes) en collaboration avec Alexandro Jodorowsky. La collection intégrale est actuellement disponible en version numérique. 

Excursion coréenne de Nicoby

Excursion coréenne de Nicoby chez 6 pieds sous terre, 32 p. (2006)

Entre 1999 et 2001, Nicoby a effectué plusieurs voyages touristiques en Corée du Sud.  Sous l’égide de frère Eric, installé dans ce pays, notre auteur de bande dessinée sillonne les routes de campagne en train ou en bus, entre dans les petits restaurants de quartier, goûte alcools et spécialités culinaires locales (le Soju, le Kimchi ou le potage à la pâte de soja), teste les chambres d’hôtes…  Bref il s’imprègne de la culture coréenne et nous la fait découvrir avec simplicité. Son ouvrage, intitulé Excursion coréenne, est une sorte de carnet de voyage sous forme de bande dessinée. Les vignettes sont en noir et blanc et le trait rappelle plutôt les pastiches. On n’y trouvera donc pas de beaux paysages car l’intérêt réside plutôt dans les saynètes humoristiques.

Pyongyang de Guy Delisle

Pyongyang de Guy Delisle chez L’association, 184 p. (2003)

Pyongyang, le documentaire graphique de Guy Delisle, est sans doute la bande dessinée la plus connue parmi celles consacrées à la Corée. L’illustrateur québécois a séjourné deux mois en République populaire démocratique de Corée afin de superviser la sous-traitance de séries d'animation dans les studios de la société SEK. Il s’agit donc d’un album autobiographique, présenté sous la forme d’un récit de voyage et composé d’une succession d’anecdotes humoristiques ainsi que de réflexions diverses. L’auteur averti d’emblée son lecteur que la Corée du Nord est le pays le plus fermé du monde, les étrangers y sont peu nombreux, il n’y a pas Internet et il est très difficile de sortir de l’hôtel. Son regard est donc nécessairement biaisé dans le sens où il est partiel. Les vignettes sont en noir & blanc comme dans les précédents albums de Guy Delisle. Dans la même veine que Pyongyang, il a publié Shenzhen (L'Association, 2000) et Chroniques birmanes (Delcourt, 2007)

Shenzhen de Guy Delisle

Shenzhen de Guy Delisle chez L’association, 152 p. (2000)

Avant Pyongyang, il y a eu Shenzhen. Cette bande dessinée autobiographique est aujourd’hui considérée comme un classique du genre. Guy Delisle y raconte son voyage en Chine dans le cadre de son travail comme directeur d'animation de la série Papyrus. Dans les années 1990, en effet, le Canadien séjourne 3 mois à Shenzhen, mégalopole de plus de 13 millions d'habitants dans la province méridionale du Guangdong. Sachant qu’il ne maîtrise pas du tout la langue et que peu de Chinois parlent anglais à cette date, l’auteur est plutôt isolé et doit s’en tenir à ce qu’il peut observer. Il doit donc se débrouiller au travail comme dans la vie quotidienne. Cette situation engendre de nombreuses anecdotes qu’il s’efforce de retranscrire avec honnêteté.  Ce premier volet des pérégrinations de Guy Delisle en Asie est peut-être moins abouti que Pyongyang mais le plaisir de lecture est identique. On y retrouve la simplicité du trait et l’humour de l’auteur. Dans la même veine que les précédents, la BD intitulée Chroniques birmanes est parue en 2007 chez Delcourt. 

Tribulations coréennes de Frédéric Albert, Editions Roule Ma Poule (2021)

En guise de conclusion

Pour cette thématique, j’ai choisi de restreindre la sélection aux trois pays que sont l’Inde, la Chine et la Corée. J’aurais pu l’élargir à d’autres pays et en particulier au Japon. En réalité, les publications consacrées au Pays du Soleil Levant auraient nécessité une bibliographie unique tant la liste est exhaustive.  Parmi les œuvres que l’on peut mentionner, il y a J’aime le Nattô de Julie Blanchin Fujita (Hikari Édition, 232 p., 2017), Japon à pied sous les volcans de Nicolas Jolivot (Hongfei, 88p., 2018), ainsi que les œuvres de Florent Chavouet dont Tokyo Sanpo: Promenades à Tokyo (Picquier, 206p, 2009) et Manabé Shima (Picquier, 142 p., 2010). Le Voyage au Japon de Sandrine Garcia et Rémi Maynègre (Ankama éditions, 2 volumes, 2012/2013) est malheureusement épuisé chez l’éditeur. Enfin, on peut citer Les cahiers Japonais d’Igort en 3 volumes et en particuliers le second tome intitulé Le Vagabond du manga. Enfin, j’aimerais citer plusieurs bandes dessinées sortant des frontières que je me suis imposées : Big Bang Saigon de Hugues Barthe et Maxime Péroz (Vietnam), Un automne à Hànôi de Clément Baloup (Vietnam), Un million d’éléphants de Jean-Luc Cornette et Vanyda (Laos), Chroniques birmanes de Guy Delisle (Birmanie) et Formose de Li-Chin (Taïwan).




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