Mon très cher cueilleur de roses. Christian Chavassieux

Mon très cher cueilleur de roses. Christian Chavassieux (Photo by Nikita Tikhomirov on Unsplash)


Le livre de Christian Chavassieux est une mise en abyme : un roman sur une femme qui écrit un roman. Evidemment ce n’est pas aussi simple. D’une part, la narratrice s’interroge sur le processus de création ; d’autre part, son récit lui est plus ou moins dicté par un personnage inattendu : un certain Antoine Cervin, son jardinier. Enfin, Floriane (qui écrit sous un nom de plume) se voit bien malgré elle endosser le rôle de juge, à travers une histoire qui la projette dans son propre passé. Quelques personnages secondaires, comme Claire (ancienne locataire de l’atelier de peintre de la Malvoisie) interviennent ponctuellement dans ce huis clos. 

C’est le mois de juillet. Flo vient de quitter son loft parisien pour s’installer dans une propriété en Bourgogne dont elle a hérité. La Malvoisie, « ancienne exploitation agricole qui connut les riches heures de la viticulture et de l’élevage », était la résidence d’été familiale de Jacques Royan. A sa mort, il l’a transmise à son ancienne maîtresse plutôt qu’à ses enfants. Pour la narratrice c’est l’occasion propice de s’éloigner de son éditeur et des contraintes de la capitale. Ici, au calme, elle espère trouver l’inspiration pour ses prochains romans. Michèle, sa voisine, lui apprend que le jardin est entretenu par Antoine, un retraité. Flo, victime de ses préjugés, craint que son jardinier n’envahisse son espace vital avant de s’apercevoir que le septuagénaire est la discrétion et la délicatesse incarnées. Parce que l’isolement du lieu favorise les confidences, une sorte de pacte est bientôt scellé. La romancière a besoin de la matière fictionnelle que peut lui fournir le drame vécu par Antoine, tandis que le jardinier espère y trouver un sens grâce au filtre de l’artiste. Né à Apt en Provence en 1944, Antoine délivre une confession qui est aussi l’histoire d’une région et de sa population paysanne avec ses destins tracés à l’avance… en théorie. 

Christian Chavassieux signe beau roman, plein d’humanité et de délicatesse en dépit des thèmes abordés. Les personnages inspirent facilement l’empathie. Le lecteur se surprend même à comparer les différents points de vue et tente d’imaginer ses propres réactions face aux évènements évoqués... Il y a aussi de nombreux passages sur la nature, l’art et le sens de la vie.  C’est un livre sans prétention, ainsi que l’auteur le dit lui-même par l’intermédiaire de son héroïne au sujet de la globalité de son œuvre. Certes Mon très cher cueilleur de roses n’a pas vocation à révolutionner la littérature contemporaine mais c’est une jolie pierre apportée à l’édifice. 


Extrait :

 « Antoine, garant de cette perpétuation, prenait un soin spécial des fleurs que j’avais dit préférer. Ses mains plongeaient dans l’écume tremblante des masses roses, grises, violettes, blanches et rouges, à coups de sécateur y ouvraient des clartés, élevaient au ciel des bouquets et versaient sur mon seuil des éboulements de couleurs. Les fleurs embaumaient la cuisine pendant une semaine. Laissées dans le jardin, elles auraient succombé au caillassage du soleil; dans la maison, leur chant persistait et avec lui, les mots inlassables des mères pour dire à leur fils ne m’oublie pas, ne perds rien de moi. Quel fils avait été mon cueilleur de roses? »


Mon très cher cueilleur de roses. Christian Chavassieux. Phébus, 272 p. (2022)


Commentaires

  1. Le paragraphe de conclusion est charmant, efficace et donne bien envie.

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  2. Si j'ai réussi à transmettre l'envie de lire ce livre, c'est un très beau compliment que tu me fais.

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  3. Les livres sans prétention sont sans doute les meilleurs quand il s'agit de littérature

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    1. oui, c'est un beau moment de lecture et c'est beaucoup

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