Glen Affric. Karine Giebel

Glen Affric. Karine Giebel (Photo by Murilo Gomes on Unsplash)

Pour les personnages principaux de ce polar, la vallée de l’Affric en Ecosse représente en quelque sorte la terre promise, un eldorado où ils pourront se réfugier. Ce voyage vers le Loch Ness et les Highlands, ils l’appellent sans cesse de leurs vœux comme une litanie. Ils se nomment Jorge et Léonard comme George et Lennie dans Des souris et des hommes, un clin d’œil appuyé de Karine Giebel à l’œuvre mémorable de John Steinbeck. Il y en a d’autres.

Les frères Mathieu ne sont pas du même sang. D’ailleurs, au début du récit, ils ne se connaissent même pas. Leonard a été adopté par Mona, un jeudi 6 novembre, jour de la Saint-Léonard. Elle l’a trouvé allongé dans un fossé, recroquevillé comme un animal blessé. L’enfant avait visiblement subi des maltraitances qui lui ont laissées des séquelles neuronales. Dix ans plus tard, Léonard est toujours un enfant mais dans le corps d’un colosse. Ici, on pense un peu au héros de William Faulkner dans Le bruit et la fureur. La mère de Leonard lui répète sans cesse qu’il ne doit pas utiliser la force même en cas de provocation. Or, l’adolescent, victime de son handicap et de son histoire familiale, est l’objet de violences quotidiennes au collège. 

Parallèlement au drame latent qui se joue au village, un autre semble arriver à sa conclusion. En effet, l’aîné des frères Mathieu sort de prison après 16 ans d’incarcération, soit autant d’années passées en enfer pour un double meurtre qu’il n’a pas commis. Malheureusement, rien ne lui sera épargné à son retour. Les villageois, persuadés de sa culpabilité, lui en font baver chaque jour un peu plus, avec la complicité de la police locale.  Or, le jeune homme ne peut pas se permettre de déraper s’il ne veut pas retourner en prison.

Vous l’aurez compris, Karine Giebel n’embarque pas son lecteur pour un voyage d’agrément. Bien au contraire ! Les injustices et les tragédies s’enchaînent jusqu’à l’écœurement. Léonard pète les plombs, se répète des dialogues et des histoires en boucle pour se calmer. Jorge, son frère d’adoption, gère les évènements comme il peut mais on sait bien que la situation ne peut que dérailler. Elle s’achèvera après une traque digne d’un road movie, sans doute l’ultime hommage de l’auteur à la littérature américaine.

Glen Affric est un roman noir qui compte plus de 750 pages mais tient son lecteur en haleine jusqu’à la fin. On s’agace de l’acharnement des uns et de la propension des autres à attirer les ennuis. Surtout, on veut savoir si les deux héros vont sortir de leur spirale infernale et finir par couler des jours heureux à Glen Affric… Pour autant, il ne faut pas oublier qu’il y a des crimes et qu’ils doivent être punis ! 

Glen Affric. Karine Giebel. Plon, 768 p. (2021)


Commentaires

  1. Jamais lu l'auteure, mais comme il me faut un pavé, on ne sait jamais...

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  2. J peux me tromper mais je ne suis pas certaine que cela te plaise

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  3. Bah de toute façon ce serait un emprunt bibli, sans risque. Mais je viens de démarrer un réjouissant pavé, ça va.

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  4. Damned, je pensais avoir commenté mais j'ai oublié (je te lis sur ma tablette ... où je n'arrive pas à laisser un commentaire, du coup il faut que j'aille allumer l'ordinateur, bref, ceci pour essayer d'excuser mon manque de réactivité). Bref ! Jusqu'à présent, j'ai évité Karine Giebel, l'impression que je n'ai pas le coeur assez bien accroché pour endurer tout ce qu'elle fait subir à ses protagonistes et, un peu par voie de conséquence, à ses lecteurs. Pas sûr, donc, que ce pavé soit pour moi ...

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  5. Avant de lire ce roman, je ne connaissais Karine Giebel que de nom. Il faut reconnaître que c'est vraiment très noir !

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