Les Incorrigibles. Patrice Quélard

Les Incorrigibles. Patrice Quélard (Fabienne CHEMIN CC BY-SA 4-0  via Wikimedia Commons)

Forêt guyanaise, octobre 2018. Lors d’une opération de contrôle visant un campement de Garimpeiros (orpailleurs clandestins), l’officier de gendarmerie Christophe Cervin, accompagné par le commando de recherche et d’action en jungle du 9ème régiment d’infanterie de marine, fait une macabre découverte : deux squelettes humains dont un seul est identifiable grâce à une plaque de l’armée française. Elle les conduit, plusieurs décennies en arrière, sur les traces de Léon Cognard, appelé au service militaire en 1893. Ce personnage n’est pas tout à fait un inconnu puisqu’il était déjà le principal protagoniste de Place aux immortels (Plon, 2021), le précédent roman de Patrice Quélard (les deux volets de ce diptyque peuvent néanmoins être lus séparément). 

Léon Cognard est un idéaliste bourré d’humour, qui aime se comparer à don Quichotte. Son fidèle cheval, une rosse qui refuse d’être montée, s’appelle d’ailleurs Rossinante. Comment cet ancien lieutenant de gendarmerie d’origine bretonne a-t-il atterri au milieu de la jungle après la première guerre mondiale ? C’est l’objet des 400 pages qui suivent. La première partie du livre est consacrée à la présence américaine en Bretagne jusqu’en 1919. L’auteur s’étend longuement sur les conséquences de la cohabitation puis le départ des Alliés, les magasins militaires de Montoire en Bretagne et les péripéties de la revente de ses stocks américains à la France. Le récit nous conduit ensuite dans l’enfer des bagnes français, dénoncés par Albert Londres en son temps (dans Au bagne en 1923 et Dante n’avait rien vu en 1924) et Georges Darien avant lui (Biribi, discipline militaire en 1890). Les "incorrigibles", auxquels le titre du roman fait référence, se sont les "transportés", c’est-à-dire les hommes déportés dans les tristement célèbres établissements pénitentiaires de Guyane française et d’Afrique du Nord. 

A l’instar de la fameuse autobiographie romancée d’Henri Charrière (Papillon, 1969), le roman de Patrice Quélard emprunte beaucoup aux parcours de condamnés parfaitement identifiés. Le minutieux travail d’archive du romancier dépasse largement le champ de l’administration pénitentiaire puisqu’il pousse le détail jusqu’à restituer le vocable de l’époque. Pour autant, le roman ne pâtit pas de ses reconstitutions précises, bien au contraire. L’auteur les a parfaitement intégrées dans l’intrigue. Il en résulte un récit vivant et passionnant dont le lecteur a du mal à s’extraire. Patrice Quélard m’a si bien convaincue que j’attend son prochain roman avec impatience.

Les Incorrigibles. Patrice Quélard. Plon, 432 p. (2022)


Commentaires

  1. J'ai découvert cet auteur avec "Oppressions", un recueil de nouvelles qui m'avait bien plu. J'ignorais qu'il avait aussi écrit des romans, et il a l'air de s'en sortir également très bien dans une forme plus longue.

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  2. Ah oui, pour moi, c'est une des très bonnes découvertes de l'année

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