Myanmar : écrivains et poètes de la résistance
Mya Than Tint, le lauréat
Mya Than Tint fait partie de l’ancienne génération. Il est aussi l’un des rares auteurs birmans traduits en Français. En effet, il s’est fait connaître dans notre pays grâce à son livre intitulé Images des gens ordinaires, paru en France sous le titre Sur la route de Mandalay, une allusion au célèbre vers de Rudyard Kipling. Néanmoins c’est son livre Par la montagne de sabres, à travers la mer de feu, publié en 1973, qui est considéré comme son chef d’œuvre. Cet ouvrage s’inspire de faits réels, à savoir la tentative d’évasion en barque de trois codétenus de Mya Than Tint aux îles Coco dans une mer infestée de requins. Mya Than Tint est également l’auteur de Brise sur le lac Taungthaman, un documentaire historique. Il publie ses textes et traductions sous divers pseudonymes dont Htet Aung et Saw Yun. Au cours de sa longue carrière d’écrivain, Mya Than Tint a été cinq fois lauréat du Myanmar National Literature Award (en 1972, 1978, 1988, 1992 et 1995). Ces prix récompensent ses travaux de traduction: Guerre et paix, Autant en emporte le vent, Le Rêve dans le pavillon rouge, La cité de la joie et Plus grands que l'amour. Il ne faut pas croire néanmoins que la vie du grand écrivain birman a été un long fleuve tranquille. Mya Than (qui deviendra plus tard Mya Than Tint) est né le 23 mai 1929 à Myaing, une ville de Haute-Birmanie, située dans la région de Magway dans le centre du pays. Il est l’aîné de 8 enfants. Son père, qui occupe la profession d’avocat, l’envoie dans une école bilingue vers l’âge de 7-8 ans où il est l’un des premiers élèves à apprendre l’Anglais. Le coup d’état militaire de 1942, l’oblige à interrompre ce cursus éducatif privilégié. Il fait ses études secondaires à Pakokku et suit l’enseignement d’un monastère où il baigne dans la tradition bouddhiste et la littérature birmane traditionnelle. Durant la seconde guerre mondiale, alors qu’il n’a que 15 ans, il s’engage dans le mouvement de résistance antijaponais. Recherché par la Kenpeitai (police japonaise de contrôle de la pensée), il se réfugie à Mandalay. C’est dans ce cadre qu’il entre en relation avec les communistes. Après la guerre et l’indépendance proclamée en 1948, le futur écrivain entre à l’Université de Rangoun. C’est durant cette période qu’il commence à écrire et à lire intensivement les publications en anglais. En 1949, ses premières nouvelles (dont Refugee) sont publiées par le poète Dagon Taya (1919-2013) dans sa revue, Taya (Star) Magazine. Mya Than Tint quitte l’Université en 1954, avec un diplôme de Philosophie, science-politique et littérature anglaise en poche. Jusqu’en 1960, il partage son temps entre militantisme et écriture (essentiellement des fictions), gagnant sa vie en travaillant comme journaliste. Mya Than Tint se marie en 1957 et son premier enfant (il en aura quatre) nait deux ans après. Comme beaucoup d’écrivains-militants, Mya Than Tint passe plusieurs années en prison. Il est arrêté une première fois en 1958 alors qu’il est secrétaire général du mouvement pour la paix. Connu pour ses sympathies communistes, il est accusé de trouble à l’ordre public. Il est emprisonné dans la prison d’Insein à Rangoun puis sur les îles Coco avant d’être relâché en 1960. A cette époque, dit-il, les prisonniers étaient encore relativement bien traités et pouvaient écouter la radio, écrire des articles, se rencontrer et se fréquenter. L’écrivain est arrêté une seconde fois en 1963. Malheureusement pour lui, les conditions de détention ont bien changé et il passe trois années en isolement avant d’être transféré de nouveau aux îles Coco. Il est finalement libéré en 1972. A cette période, le renforcement de la censure oblige l’écrivain à abandonner la fiction au profit des traductions. Néanmoins, l’auteur continue d’être frappé d’interdiction de publier. C’est le cas, par exemple, de sa traduction de She Was a Queen du romancier irlandais Maurice Collis (1889-1973). Au cours des années 1980, s’inspirant des travaux du journaliste américain Studs Terkel (1912-2008) sur l’histoire orale et des travaux du chroniqueur birman Ludu U Hla (1910-1982) sur les récits de prisonniers, Mya Than Tint commence à interviewer des « gens ordinaires » (bouilleuse de crue, cordonnier des rues, diseur de bonne aventure, dresseur de singes, pickpocket, machiniste dans un théâtre, etc.). Il se rend jusque dans les villages les plus reculés dans État de Kachin ou dans les régions de Sagaing et d'Ayeyarwady. Ces chroniques paraissent d’abord dans un magazine mensuel, la revue Kalya, avant d’être réunis dans une anthologie que nous connaissons sous le titre français de Sur la route de Mandalay. Mya Than Tint meurt le 18 février 1998 à son domicile de Yangon (ex Rangoun), d’une hémorragie cérébrale consécutive à une chute accidentelle. Sa disparition prive les Birmans d’un grand écrivain de fiction et, au travers de ses traductions, d’une fenêtre ouverte sur le reste du monde.
Zarganar (de son vrai nom Maung Thura) est sans doute l’un des dissidents birmans les plus connus en France et des plus populaires au Myanmar. Son pseudonyme, qui signifie « pince à épiler », vient d'un proverbe birman : « Si tu as un poil de peur, il faut le retirer avec la pince depuis la racine. » Né en le 27 janvier 1961 à Rangoun (actuel Yangon), il commence sa carrière d’activiste alors qu’il est étudiant en premier cycle de médecine dentaire. Son statut de comédien lui offre une audience importante et il devient l’un des premiers opposants politiques en Birmanie. Ses vers sont publiés dans une anthologie intitulée This Prison Where I Live et éditée par l’association PEN Internationale. Zarganar est arrêté pour la première fois en octobre 1988 pour s’être moqué du gouvernement lors des soulèvements étudiants. Conduit dans un camp militaire d’interrogatoire, il subit de nombreuses tortures et humiliations (une expérience qu’il tournera plus tard en dérision dans ses sketchs). Il est libéré au bout de 6 mois. Le 19 mai 1990, l’humoriste divertit une foule de spectateurs au Yankin Teacher’s Training College Stadium en singeant le général Saw Maung. Il écope d’une peine de 4 ans de prison pour cet affront. Ecroué à la tristement célèbre prison d’Insein, il commence à écrire ses premiers vers. Après sa libération, le satiriste a interdiction de se produire en public. Il réalise donc des vidéos qui sont régulièrement censurées. Zarganar est de nouveau inquiété en 1996 pour s’être plein de la censure auprès d’un journaliste étranger. Il est interdit de scène et de publications. A partir d’août 2007, l’activiste birman commence à publier ses sketchs et ses articles sur un blog. Le 25 septembre de la même année, pendant la révolution de Safran, il est accusé d’avoir soutenu une manifestation de moines bouddhistes à Yangon et incarcéré pendant une vingtaine de jours dans une "war dog cell" (une cellule gardée par des chiens de guerre). Il est encore arrêté, quelques mois plus tard, suite à son intervention en faveur des sinistrés après le passage du cyclone Nargis (2 mai 2008). Il a répondu à plusieurs interviews radiophoniques pour alerter l’opinion publique internationale sur le sort des victimes (140 000 morts selon les estimations), ridiculisant au passage les médias officiels birmans. La même année, le satiriste est récompensé par le 17e prix Reporters sans frontières dans la catégorie “Cyberdissidents”, ex-aequo avec le célèbre bloggeur birman Nay Phone Latt. Le prix lui sera remis en mains propres en 2012 lors d’un voyage en France. Le 21 novembre 2011, le comédien dissident est condamné à 45 ans de prison pour avoir enfreint la loi sur les communications électroniques. Six jours plus tard, il écope d’une peine supplémentaire de 14 années de captivité en vertu du code de criminalité. La peine est finalement commuée par le tribunal de Yangon en 35 ans d’emprisonnement. Le 12 octobre 2011, Zarganar est finalement libéré de sa prison de Myitkyina, dans la région de Kachin au nord du pays, dans le cadre d’une amnistie générale. Il est de nouveau arrêté en avril 2021, au cours d’une campagne de purge contre les intellectuels après le coup d’état militaire du 1er février. En effet, la Junte a émis une centaine de mandats d’arrêt contre des personnalités du monde littéraire, artistique et journalistique. Elles sont accusées de diffuser des informations compromettant l’ordre public. Zarganar, quant à lui, est libéré 6 mois plus tard. Le satiriste vit toujours à Yangon, tandis que sa femme et sa fille sont exilées depuis 2006 aux Etats-Unis. Il vit de ses textes, films et productions vidéos.
K Zar Win (1982-2021), poète
Le poète K Zar Win est l’un de ses poètes martyrs, assassiné par les militaires après le coup d’état de 2021. Il est né en 1982 dans une famille de paysans de Letpadaung, une ville située près de Monywa, au centre du pays. Cette région est connue pour les violentes répressions policières menées contre ses villageois entre 2011 et 2014. Ceux-ci s’opposaient à la confiscation de leurs terres au profit de la Wanbao Copper Mining Ltd., une firme chinoise exploitant les mines de cuivre de la région en collaboration avec le conglomérat militaire birman (U Paing). En 2015, K Zar Win participe à la longue marche pour la réforme de l’éducation (la loi votée en septembre 2014 étant jugée inefficace et antidémocratique) qui devait rallier Mandalay à Yangon. A 130 km de son objectif, et après plusieurs semaines de marche pacifique, le cortège est réprimé dans la violence. Le ministère de l'Information fait état dans la soirée de 127 arrestations. K Zar Win, lui, sera incarcéré pendant 13 mois, période durant laquelle il rédige My Reply to Ramond, un recueil de poèmes. On y trouve, en particulier, des vers adressés à son père, intitulé A letter from a jail cell. K Zar Win a commencé à publier ses textes à l’âge de 16 ans dans le journal de son école. A partir de 2004, le poète publie ses poèmes dans différents magazines birmans et devient membre de l’Union des poètes de Monywa. Il est tué le 3 mars 2021, lors d’une manifestation à Monywa en même temps que la poétesse Myint Myint Zin (connue aussi sous le pseudonyme de Kyi Lin Aye). Depuis peu, on peut lire les vers de K Zar Win en français grâce à la publication d’une anthologie de poésie birmane intitulée Printemps birman (Héliotropisme, 2022).
Ko Ko Thett (Né en 1972), poète, traducteur et éditeur
Ko Ko Thett est né en 1972 à Rangoun (aujourd’hui appelée Yangon), l’ancienne capitale birmane (remplacée par Naypyidaw en 2005). En 1995, alors qu’il est étudiant à l’Institut de technologie (YIT), il commence à diffuser sur le campus un samizdat intitulé Old Gold. Le second volet, Funeral of Old Gold, parait un peu plus tard. En décembre 1996, Ko Ko Thett est arrêté et emprisonné suite à sa participation à un soulèvement étudiant. Après sa libération, en avril 1997, il quitte le pays et se rend à Singapour puis à Bangkok. Il reste trois ans en Thaïlande où il travaille comme volontaire dans un centre jésuite de réfugiés de la zone Asie-Pacifique. En 2000, il débute un cursus universitaire en Finlande puis se rend à Vienne en Autriche pour étudier les sciences politiques. Ko Ko Thett séjourne dans plusieurs pays. Il effectue notamment des allers-retours entre Louvain en Belgique et Galati en Roumanie pour le compte d’une ONG occidentale venant en aide aux Kachins (ethnie originaire du nord du Myanmar). En 2015, Ko Ko Thett retourne dans son pays natal pour un bref séjour, avant de repartir à l’étranger. A l’automne 2016, en effet, il est en une résidence à l’Université de l’Iowa aux Etats-Unis où il suit le programme international d’écriture. L’écrivain reste encore quelques mois aux Etats-Unis pour la tournée de promotion de son livre, The Burden of Being Burmese (Zephyr Press, 2015). Cet ouvrage, en version anglaise, réuni des textes publiés dans divers revues littéraires internationales, ainsi que des poèmes publiés en 1996 alors qu’il était étudiant au YIT et ceux rédigés à l’automne 2014 lorsqu’il était en Belgique. Ko Ko Thett rentre au Myanmar en 2017 et s’installe à Sagaing, une ville située dans le centre du pays, à une vingtaine de km au sud-ouest de Mandalay. Depuis le coup d'Etat, il se consacre encore davantage à sa mission de traduction, se focalisant sur les poètes birmans tombés sous les balles ou menacés dans leur pays. Il a déjà traduit, en collaboration avec le poète britannique James Byrne, une anthologie de poésie birmane intitulée Bones Will Crow : 15 Contemporary Burmese Poets (ARC, 2012 et Northern Illinois University Press 2013). Ce travail de traduction a été récompensé par l’English PEN Writers in Translation Programme Award en 2012. Le recueil apparait également dans la liste du Guardian des 10 meilleurs ouvrages dédiés à la Birmanie. Le dernier livre de Ko Ko Thett, Bamboophobia, est paru en janvier 2022 chez Zephyr Press. A cela s’ajoute un ouvrage en collaboration avec Brian Haman : Picking off new shoots will not stop the spring (Ethos Books, 2022). Le poète birman vit désormais à Norwich au Royaume-Uni. On peut le suivre sur son blog.
Zeyar Lynn (né en 1958), poète et traducteur
Né en 1958, Zeyar Lynn vit actuellement à Yangon/Rangoon. Il est sans doute l’un des poètes les plus controversés mais aussi les plus influents du Myanmar/Birmanie. Il publie son premier recueil de poèmes, Smoke of Depression, en 1982. Constatant qu’il ne se distingue guère de ses pairs, Zeyar Lynn décide de chercher un nouveau mode d’expression poétique et s’inscrit dans le mouvement L-A-N-G-U-A-G-E, une poésie orale non versifiée. Le poète se lance parallèlement dans la traduction d’auteurs occidentaux comme les Américains John Ashbery, Charles Bernstein et Sylvia Plath ou encore la Polonaise Wisława Szymborska et le Suédois Tomas Tranströmer. En 1994, suite à des remontrances de sa hiérarchie au sujet de ses opinions et de son mode de vie, Zeyar Lynn décide de quitter son poste à la tête du département d’Anglais d’une Université d’Etat de la région du delta d’Irrawaddy (au sud du pays). Il continue néanmoins d’enseigner la langue de Shakespeare dans une école spécialisée. Son second recueil de poèmes, Distinguishing Features, parait en 2006, suivi par Real/Life: Prose Poems en 2009 et Kilimanjaro en 2010 (bibliographie complète ici). Trois ans plus tard, il se rend aux Etats-Unis, où il suit un programme international d’écriture à l’Université de l’Iowa. Par ailleurs, Zeyar Lynn organise depuis 2005 la journée mondiale de la poésie de l’Unesco à Yangon et édite un magazine trimestriel, le Poetry World. On peut lire un extrait en Français du poème Une croyance qui vaut 45 millions dans le numéro 3 de la revue Jentayu. Zeyar Lynn a également contribué à la prestigieuse revue littéraire britannique Granta où on peut lire son poème intitulé Nobody Represents Me. Enfin, des textes, rédigés après le coup d’état du 1er février 2021, sont parus dans Jackets 2.
Ma Thida (1966-), médecin et romancière
Ma Thida a plusieurs cordes à son arc. Né à Rangoun (actuel Yangon) en 1966, elle étudie la médecine et se spécialise en chirurgie avant de s’engager comme volontaire dans un hospice de charité et d’aider les familles des prisonniers politique. Elle commence à écrire dans les années 1980 et publie des nouvelles dans différents journaux. Engagée dans la campagne électorale d’Aung San Suu Kyi en 1990, elle raconte cette expérience dans un premier ouvrage intitulé Sunflower. Dans les livres suivants (elle a publié 9 livres en Birman et en Anglais), Ma Thida s’est attaché à dénoncer la dictature militaire au Myanmar. En juillet 1993, l’écrivaine-militante est arrêtée en compagnie d'autres membres de la Ligue nationale pour la démocratie. Le 15 octobre, à l’issue de son procès, elle est condamnée à 20 ans de prison pour mise en danger de la paix publique, contacts avec des organisations illégales et distribution de littérature subversive. Elle survit à la prison en dépit de six années de détention dans des conditions insalubres. Elle est libérée pour raison humanitaire grâce à l’intervention d’Amnesty International et du réseau PEN (l’organisation internationale des écrivains). Durant sa captivité, ses textes ont été régulièrement diffusés dans les médias anglo-saxons, en particuliers dans le PEN International Magazine et via la BBC. Depuis 2009, Ma Thida est membre du Radcliffe Institute for Advanced Studies de l’Université d’Harvard. Par ailleurs, elle a été présidente de la section birmane du PEN jusqu’en 2016, date à laquelle Ma Thida a été élue au conseil d'administration de PEN International. Elle publie son roman intitulé The Roadmap sous le pseudonyme de Suragamika (littéralement brave voyageur) en 2012 et édite un magazine pour la jeunesse à Yangon. Entre 2015 et 2016, la journaliste birmane contribue régulièrement à la revue en ligne Sampsonia Way. Ma Thida est la récipiendaire de plusieurs prix parmi lesquels le Prix Reebok des droits de l'homme (1996), le Prix PEN/Barbara Goldsmith pour la liberté d'écrire (1996) et le prix des écrivains de l'Asie du Sud-Est (2018).
San San Nweh (1945-), journaliste et écrivaine
San San Nweh est née le 28 août 1945 à Thayawady dans la région de Bago, à une centaine de kilomètres au Nord de Yangon/Rangoun. Elle a commencé sa carrière littéraire dès l’adolescence en publiant des histoires et des poèmes dans une revue pour enfants. En 1966, San San Nweh épouse un journaliste et s'installe à Yangon. Elle est l’une des premières femmes birmanes à avoir travaillé comme correspondante de presse et a contribué à deux journaux : Gita Ppade-tha et Einmet-hpu. San San Nweh publie son premier roman en 1974 mais se fait surtout connaître grâce à son troisième ouvrage, Prison of Darkness (La prison des ténèbres). A ce jour, l’écrivaine a publié une douzaine de romans, ainsi que des recueils de nouvelles et de poèmes. Parmi ses œuvres, on peut mentionner Alone in the Wind and the Rain ou Only a Folding Umbrella. Cataloguée comme dissidente par la junte, San San Nweh a été arrêtée à plusieurs reprises. Elle a été emprisonnée une première fois en 1989, pendant 10 mois, période durant laquelle son mari est décédé. Bien que les publications soient soumises à une importante censure et les médias placés sous le contrôle du gouvernement, l'une des nouvelles de San San Nweh, interdite au Myanmar, est publiée dans un ouvrage intitulé Inked Over, Ripped Out, Burmese Storytellers and the Censors (Les conteurs birmans et la censure). Cet ouvrage est publié par le PEN American Center en 1993. Veuve et mère de quatre enfants, San San Nweh est de nouveau arrêtée en août 1994 avec sa fille aînée Ma Myat Mo Mo Tun et deux autres dirigeants politiques. San San Nweh est accusée par le Conseil national pour le rétablissement de l'ordre public d’avoir « communiqué à des journalistes et des diplomates étrangers des informations hostiles et critiques à l'égard du gouvernement ». On lui reproche également « d'avoir transmis des informations au rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme au Myanmar ». La sentence tombe en octobre de la même année : San San Nwe est condamnée à sept ans d'emprisonnement pour diffusion d'informations mensongères et appartenance à une organisation illégale ou contacts avec elle. San San Nwe reçoit plusieurs prix durant sa captivité dont Prix PEN/Barbara Goldsmith pour la liberté d'écrire en 1995. En 1999, San San Nweh s’est vue attribuer le trophée Reporters sans frontières -Fondation de France mais le prix ne lui a été remis qu'en 2002 par l'intermédiaire de Aung San Suu Kyi, car elle n'a pas été autorisée à sortir du pays pour le recevoir. En 2001, enfin, la journaliste birmane est décorée de la plume d'or de la liberté par l'AMJ (Association Mondiale des Journaux).
Khet Mar (Née en 1969), journaliste et écrivaine
Khet Mar est née en 1969 et publie sous le nom de plume de Khin Moh Moh. Depuis plus de 30 ans, elle subit les persécutions des gouvernements successifs. A l’âge de 22 ans, alors qu’elle étudie à l’université, elle est arrêtée, torturée et condamnée à une peine de 10 années d’emprisonnement. Elle est finalement libérée au bout d’an de captivité mais ses écrits sont censurés. Sa Novella Night Birds est interdite en 1993 et son essai Life Row est blacklisté en 2007. En 2007 justement, l’écrivaine se rend aux Etats-Unis où elle suit le programme international d’écriture de l’Université de l’Iowa aux Etats-Unis. L’année suivante, elle est de nouveau inquiétée à cause de son implication humanitaire après le passage du cyclone Nargis (2 mai 2008). Elle quitte finalement le Myanmar en 2009, avec sa famille, grâce au programme City of Asylum/Pittsburgh qui offre aux artistes du monde entier un asile aux Etats-Unis. En 2014, elle participe à l’atelier des écrivains internationaux de l’Université baptiste de Hong Kong. Khet Mar a publié plusieurs ouvrages, parmi lesquels des romans, Wild Snowy Night (1995) et Leaves Those are Not Green Coloured (2007). Elle écrit également des essais comme Learning from My Son (2001). Enfin, ses nouvelles sont parues dans une anthologies intitulée The Pink Before Dark (1996) et un recueil personnel Duel of the Wild River (2007). Depuis 2019, Khet Mar vit dans le Maryland. Elle contribue à de nombreux journaux dont le Sampsonia Way Magazine (2012-2013), et participe à des émissions pour une radio basée à Washington DC.
Nu Nu Yi (Inwa) (1957-), romancière et nouvelliste
Nu Nu Yi s’est donné pour nom de plume celui du village où elle est née en 1957, Inwa près de Mandalay, au nord du Myanmar. Titulaire d’un diplôme de bibliothécaire de l’Université de Yangon, elle débute sa carrière littéraire en 1984 avec une nouvelle intitulée A Little Sarong (un petit longyi). Depuis, Nu Nu Yi Inwa a écrit une quinzaine de romans et plusieurs recueils de nouvelles dont certains ont été traduits en Anglais et en Japonais. Son premier roman A Timid "What Can I Do for You" s’intéresse aux camelots de Haute Birmanie, tandis que les ouvrages suivants évoquent tour à tour la condition des femmes, des enfants, des indigents ainsi que des travailleurs urbains et des ouvriers. Parmi tous ses ouvrages, on peut mentionner Les Enfants qui jouent dans la rue sombre (1989) ou Ce n'est pas mon père (1992). Emerald Green Blue Kamayut, son roman paru en 1993, a été récompensé par le Prix littéraire national du Myanmar. En 2007, Nu Nu Yi Inwa était en lice du Man Asian Literary Prize pour son roman intitulé Smile As They Bow (Souris quand ils se prosternent). Cet ouvrage, écrit en 1994, a été censuré par le « Conseil d'État pour la paix et le développement » du gouvernement militaire pendant plus d’une décennie. Dans cette histoire, qui prend pour cadre la fête de Taungbyon près de Mandalay, les principaux protagonistes sont un homosexuel de soixante ans, son assistant (un jeune travesti) et une chanteuse de rue. La version anglaise est parue chez Hyperion en 2008. Nu Nu Yi Inwa a également participé au programme international d’écriture de l’Université de l’Iowa aux Etats-Unis grâce à une bourse de l’Open Society Foundations.
Maung Day (né en 1979), poète, traducteur et artiste
Maung Day est né en Birmanie en 1979. Ce militant vit actuellement à Bangkok en Thaïlande où il travaille pour le compte d’une ONG sur la construction d’un écovillage. Il a publié des recueils de poésie en Birman : Pleasure Sea (Kyaw Mhway 2006), Surplus Biology (The Eras 2011), Alluvial Plain of Ogres (The Eras 2012) et Poems (The Eras 2014). Maung Day a aussi contribué à de nombreux magazines littéraires et revues internationales (The Wolf, The Awl, Guernica, International Poetry Review, Bengal Lights, …). Il a traduit plusieurs auteurs anglophones comme les poètes américains Robert Kelly et Russell Edson, ainsi que des œuvres pour la jeunesse aussi fameuses que Le Magicien d'Oz ou Charlie et la chocolaterie. Réciproquement, Maung Day a traduit des auteurs birmans en anglais, notamment des textes de Aung Cheint (1948-2021), Khin Aung Aye (né en 1956) et Moe Way (né en 1969). Ses travaux artistiques ont été présentés lors de l’exposition itinérante A Beast, A God, and A Line qui a voyagé de Dacca à Yangon, en passant par Hong Kong et Varsovie. Enfin, il est le co-fondateur du Beyond Pressure, un festival d’art contemporain qui se tient à Yangon (ex-Rangoon). On peut voir une partie de ses tableaux sur le site Internet de la galerie Myanmart et lire un extrait de Nouvelles de l’embarquement, un texte traduit en Français par Sann Thida et Stéphane Dovert pour la revue Jentayu. On peut aussi voir ses contributions sur le site de la Cordite Poetry Review.
Mae Yway (née en 1991), poétesse et éditrice
Cette jeune poétesse participe activement à la diffusion de la poésie birmane. Mae Yway (de son vrai nom de son vrai nom Yi Ywel Yway) est originaire de Mergui / Myeik, une ville de la Région de Tanintharyi, dans le sud de la Birmanie mais elle a vécu à Yangon jusqu’à l’âge de 10 ans. Elle a commencé à publier ses poèmes dès 2010, essentiellement dans des revues et anthologies. Elle a été membre de PEMSKOOL, un collectif de poètes birmans et d’Asie du sud-Est. En 2012, certaines de ses œuvres a été publiée dans une anthologie intitulée Tuning : an Anthology of Burmese Women et publiée chez Pandora Press. Son premier recueil de poésie, Courier (2013), a été suivie d’une collaboration avec la poétesse Cho Pain Naung intitulée You & I (2016). En 2017, Mae Yway et son amie poète Nay A D fondent leur propre maison d’édition, appelée 90/91, en référence à la génération à laquelle elles appartiennent toutes les deux. A l’automne 2021, Mae Yway part en résidence d’écrivains à l’Université de l’Iowa aux Etats-Unis où elle suit un programme international d’écriture. On peut découvrir quelques vers en Français de Mae Yway dans la revue Jentayu (numéro 6).
Ressources:
La revue française Jentayu
Hidden Words Hidden Worlds : A free anthology of short stories from Myanmar (e-book gratuit édité par le British Council)
NB : Les sources en français étant rares, je me suis appuyée sur de nombreux documents et sites anglophones pour rédiger les notes biographiques des écrivains. Aussi, pour la bibliographie des auteurs, j’ai souvent conservé les titres en Anglais plutôt que de les traduire en Français.
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