Marathon littéraire et gastronomique au Japon

« Sous les fleurs d’un monde flottant
avec mon riz blanc
et mon saké blanc » (Bashô)

 L’importance culturelle et sociale de la gastronomie ne saurait être remise en cause que ce soit en France, en Asie ou ailleurs. Pour preuve, certains plats ou traditions culinaires ont été inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. C’est le cas, par exemple, du washoku au Japon (2013). Par ailleurs, les saveurs asiatiques ont su conquérir les palais européens et sublimer les menus des grands chefs. Notre bibliothèque gourmande rend hommage à ce patrimoine culinaire car les écrivains japonais ont souvent chanté les louanges de la gastronomie et des spiritueux. Si la cuisine est l’héroïne de nombreux romanciers (Ito Ogawa, Ryoko Sekiguchi, Haruki Murakami, Durian Sukegawa…) les auteurs de BD et de mangas aiment aussi la convier sur leurs planches (Yarô Abe, Franckie Alarcon, Masayuki Kusumi et Jirô Taniguchi...).

Kitchen de Banana Yoshimoto

Kitchen de Banana Yoshimoto chez Folio (1996, 192 p)

Au Japon, comme ailleurs, la gastronomie possède moulte vertus dont celle de soigner les blessures sentimentales et spirituelles. Kitchen, le roman, de Banana Yoshimoto est emblématique d’une génération… non à cause de la cuisine (le lieu) mais plutôt des individus qui s’y croisent : une Hikikomori et une personnalité transgenre… Le livre de Banana Yoshimoto chez Folio comprend en réalité deux récits distincts : Kitchen et Monnlight Shadow mais nous ne parlerons que du premier.  Mikage, l'héroïne de Kitchen, est orpheline et vient de perdre sa grand-mère. Depuis, elle vit recluse chez elle (et non confinée puisque c’est volontaire), comme tant d’autres jeunes adultes de sa génération… à un détail près : elle ne s’enferme pas dans sa chambre, avec sa console de jeu et son ordinateur, comme n’importe quel hikikomori, mais dans sa cuisine ! Cette crise existentielle s’épanouie gentiment aux côtés de son réfrigérateur jusqu’à l’arrivé de Yûichi Tanabe. Après avoir fait la connaissance de sa  "mère" transsexuel et visité sa cuisine, Mikage conquise vient s’installer chez le jeune homme. Si la cuisine, en tant que lieu est importante, la gastronomie l’est aussi. L’héroïne aime mijoter des petits plats et les partager avec autrui. Mais Kitchen c’est aussi une histoire d’amour entre humains. Paru en 1988 au Japon, Kitchen a rencontré un grand succès puis a été publié aux Etats-Unis, en France et en Italie. Le style d’écriture de Banana Yoshimoto en a fait la représentante d’une nouvelle génération d’écrivains à l’instar de Yōko Ogawa. 

Le restaurant de l'amour retrouvé de Ito Ogawa

Le restaurant de l'amour retrouvé de Ito Ogawa chez Picquier (2020, 256 p)

Le restaurant de l'amour retrouvé traite des thèmes assez similaires au Kitchen de Banana Yoshimoto et montre une nouvelle fois, s’il était encore nécessaire, que la cuisine adoucit les mœurs… je dirais même mieux : la pratique des arts culinaire est une excellente méthode thérapeutique pour soigner les maux d’amour. (sans oublier de manger équilibré, boire et faire du sport, bien-sûr). Vingt après Kitchen de Banana Yoshimoto, l’histoire se répète. En effet, l’héroïne du restaurant de l'amour retrouvé est une jeune femme d’une vingtaine d’année, rongée par le chagrin et qui devra son salut à sa passion pour l’art culinaire. Rinco donc, de son prénom, retourne chez sa mère (avec laquelle elle a coupé les ponts depuis une dizaine d’années) après une rupture sentimentale (en fait son petit ami filé à l’anglaise avec tout leur argent) qui l’a rendu muette. Faute de moyens, elle décide de monter le restaurant dont elle rêvait dans une remise que lui prête maman. Et c’est de là que naît la magie, ou plutôt l’alchimie, de la gastronomie et des sentiments.

La cantine de minuit de Yarô Abe

La cantine de minuit de Yarô Abe au Lézard Noir (11 tomes, 2017-2022)

La cuisine réconforte et crée du lien social. Les gens se croisent dans les restaurants, le temps d’un repas. Et il arrive que des destinées se jouent ainsi entre la poire et le fromage. Certains lieux font plutôt figure de refuges, véritables asiles où trouver des oreilles bienveillantes. Le manga de Yarô Abe nous conduit dans un restaurant très particulier. Celui-ci est situé dans une petite rue au cœur de Tôkyô, dans le quartier de Shinjuku, l’un des plus animés de la capitale. Les habitués l’ont surnommé La cantine de minuit, puisque c’est l’heure à laquelle la gargote ouvre ses portes. Ici, jusqu’aux petites heures du matin, se croisent une galerie de personnages noctambules et hauts en couleurs (yakuzas, agent de police, catcheuse, rock star, acteurs porno, etc) … qui ont chacun leur histoire. Le patron leur prête une oreille discrète et leur sert leurs mets préférés, même s’ils ne sont pas sur la carte. Ainsi, chaque saynète, correspond à un chapitre et porte le nom d’un plat typique. La série compte 24 volumes en V.O. dont 11 parus en français à ce jour. Elle a reçu plusieurs prix au Japon (dont le prix Shôgakukan en 2009) et a été récompensé par le Prix Asie de la Critique ACBD en 2017. Par ailleurs, le manga a été adaptée à l'écran, notamment par Netflix (Midnight Diner : Tokyo Stories). Les éditions Lézard Noir ont également publié un livre de recettes intitulé La cuisine japonaise à la maison: La cantine de minuit (136 p., 2021).

Un sandwich à Ginza de Yoko Hiramatsu & Jirô Taniguchi

Un sandwich à Ginza de Yoko Hiramatsu & Jirô Taniguchi chez Picquier (2019, 256 p.)

Pourquoi se contenter d’un seul restaurant quand on peut s’offrir la tournée des grands ducs à travers tout le Japon ? La gastronomie est un voyage culturel aux mille saveurs. Ginza est un quartier chic de Tokyo, réputé pour ses boutiques de luxe, ses théâtres et galeries d’art. Dans un sandwich à Ginza, la reporter culinaire Yoko Hiramatsu nous offre une véritable odyssée gastronomique, illustrée par son ami, le célèbre magaka Jirô Taniguchi. La première partie de cette œuvre (les douze premiers épisodes intitulés Saveurs d’aujourd’hui) est d’abord paru dans la revue japonaise All Yomimono. Il s’agit donc d’une série de chroniques. Le lecteur accompagne ainsi l’auteur, à travers tout l’archipel, pour y déguster les meilleurs plats : pot-au-feu d'ours dans les montagnes de Shiga ou fritures de vers à soie en cocons dans le Dongbei, par exemple. Cette quête des saveurs nous conduit dans les brasseries du quartier de Yaesu à Tokyo, les restaurants chinois du quartier d’Ikebukuro, les temples bouddhiques, les échoppes populaires et même les cantines d’entreprises. Le rapport aux saisons est aussi important : tempura au printemps, anguille en été…  Bref, le livre Yoko Hiramatsu & Jirô Taniguchi est un hybride entre la bande dessinée, le livre de recettes, le récit de voyage et le guide gastronomique, traité de sociologie, essai ethnographique... Il y a décidément de nombreux ingrédients dans ce sandwich à Ginza. Jirô Taniguchi, lui-même fin gourmet, n’a pas fait que prêter ses crayons et pinceaux à Yoko Hiramatsu. Il est également l’auteur d’un « manga culinaire », composé à quatre mains avec le scénariste Masayuki Kusumi.

Le Gourmet solitaire suivi de Les Rêveries d'un gourmet solitaire de Masayuki Kusumi et Jirô Taniguchi

Le Gourmet solitaire suivi de Les Rêveries d'un gourmet solitaire de Masayuki Kusumi et Jirô Taniguchi chez Casterman (2018, 352 p.)

Il s’agit ici d’une réédition de deux tomes chez Casterman (Le Gourmet solitaire et Les Rêveries d'un gourmet solitaire), réunis en une intégrale. Cette suite de 32 saynètes au total est d’abord parue dans divers revues (dont Pandora en France ou le magazine Weekly Spa! Au Japon). Le gourmet solitaire met en scène Gorô Inokashira, un homme entre-deux âges dont on ne sait finalement pas grand-chose, si ce n’est qu’il travaille dans le commerce et se rend dans divers restaurants lors de ses voyages professionnels. Notre gourmet travaille beaucoup, et on lui connait peu de collègues ou amis, si bien que la gastronomie occupe une part importante de sa vie. Il s’agit ici, non seulement de découvrir la cuisine japonaise traditionnelle mais aussi les lieux, leur ambiance… avec une prédilection pour les établissements modestes des quartiers populaires.

Le Club des Gourmets et autres cuisines japonaises de Ryoko Sekiguchi

Le Club des Gourmets et autres cuisines japonaises de Ryoko Sekiguchi chez P.O.L (2019, 224p)

Contrairement à ce qu’inspire son titre, Le club des gourmets n’est pas le pendant convivial et festif du gourmand solitaire. Il ne s’agit pas d’un groupe de joyeux drilles écumant les restaurants de l’archipel. Non, le livre de Ryoko Sekiguchi est en fait un recueil de textes empruntés aux grands écrivains japonais. Mais il ne s’agit pas non plus d’une anthologie de la littérature culinaire. Dans Le club des gourmets, Ryoko Sekiguchi part d’un constat : la cuisine, la nourriture, la bouffe même (c’est le mot qu’elle emploi) occupent une place privilégiée dans la fiction japonaise classique et contemporaine. Dans son pays, parler de cuisine n’est pas réservé aux écrivains grands publics ou considéré comme un simple passe-temps entre deux œuvres plus sérieuses. Pourtant, Ryoko Sekiguchi n’a pas voulu répertorier l’ensemble de la production littéraire consacrés à la gastronomie, mais plutôt quelques poèmes, récits ou « curiosités » qu’elle a traduit en français. Ces curiosités donc son autant de témoins de ses dix mois de résidence à la librairie La Cocotte à Paris (entre septembre 2011 et juin 2012). Ryoko Sekiguchi convoque donc tour à tour dix grands noms de la littérature comme Osamu Dazai (1909-1948) pour évoquer ses « souvenirs de Saké », Kanoko Okamoto (1889-1939) pour parler de la confection des sushis ou Rosanjin Kitaôji (1883-1959) pour raconter son expérience à la Tour d’argent à Paris. Dans ce recueil, on trouvera aussi des textes de Kenji Miyazawa (1896-1933) ou Kafû Nagai (1879-1959), ainsi qu’une liste anonyme de Cent curiosités au tôfu, datant de la fin du 18e siècle. Enfin, c’est une nouvelle de Jun’ichirô Tanizaki (1886-1965) qui donne son titre à l’ouvrage. Dans ce texte, l’écrivain raconte l’intronisation d’un fin gourmet dans un club de gastronomes. 

Nagori: La nostalgie de la saison qui vient de nous quitter de Ryoko Sekiguchi

Nagori: La nostalgie de la saison qui vient de nous quitter de Ryoko Sekiguchi  chez Folio (2020, 144p)

Ryoko Sekiguchi, très inspirée par les arts culinaires, est l’auteur de plusieurs autres ouvrages consacrés à l’alimentation dont la plupart ont été publiés chez Argol : L'Astringent (2012), Manger fantôme (2012) ou Fade (2016). On peut aussi citer Le Voyageur affamé chez Menu Fretin (2019) ou encore Le curry japonais. Dix façons de le préparer aux Éditions de l'Épure (2020) et Le nuage, dix façons de le préparer (2019) dont on peut entendre une version sur France Culture. Enfin, chez Folio, on trouve Nagori: La nostalgie de la saison qui vient de nous quitter, paru en 2020. "Nagori" est une notion très complexe, liée aux temps qui passe, aux saisons et à la séparation. La saisonnalité, justement, est un élément très important dans la gastronomie japonaise. C’est de cela qu’il est question dans ce livre de Ryoko Sekiguchi. L’idée d’écrire sur les saisons lui est venu lors d’un séjour dans son pays natal. Alors qu’elle était attablée au comptoir de son bistrot favori à Tokyo, le chef lui sert un plat de légumes qui ne parait déjà plus de saison. Lorsqu’elle interroge le cuisinier, celui-ci lui répond : « Mademoiselle, je suis beaucoup plus âgé que vous, je ne sais pas si je pourrai encore goûter ce légume l’année prochaine ». 

Tristes revanches de Yôko Ogawa

Tristes revanches de Yôko Ogawa (2008, 256 p)

Yôko Ogawa (à ne pas confondre avec Ito Ogawa sa contemporaine) est un écrivain très prolixe et la plupart de ses romans et nouvelles ont été traduits en français. Elle a été récompensée par de nombreux prix, dont le prestigieux prix Akutagawa pour La Grossesse en 1991. Les éditions Actes Sud ont réédité une bonne partie de ses œuvres en intégrales (2 tomes) dans la collection Thésaurus. Le premier volume regroupe en particuliers le recueil de onze nouvelles intitulés Tristes revanches (dont sont extraits les textes qui nous intéressent) et La grossesse, un opus qui colle indirectement à notre sujet. Si les thèmes récurrents de Yôko Ogawa sont la folie, le deuil ou l’enfermement, plusieurs de ses écrits évoquent la nourriture : les gâteaux (Un après-midi à la pâtisserie), le kiwi (Jus de fruits), la carotte (La vieille femme J. et L’esprit du sommeil), la tomate (Les Tomates et la pleine lune), le pamplemousse (La grossesse). D’une manière ou d’une autre, l’alimentation est liée à une situation de crise. Yôko Ogawa est parfois comparé à son compatriote Haruki Murakami.

Les attaques de la boulangerie d’Haruki Murakami

Les attaques de la boulangerie d’Haruki Murakami chez Belfond (2012, 64p)

C’est dans la cuisine de son club de jazz que le célèbre écrivain japonais a écrit son premier livre Écoute le chant du vent. Beaucoup d’encre a coulé depuis sa parution en 1979 et Haruki Murakami nous a concocté de nombreux bestsellers (Après le tremblement de terre, Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, Kafka sur le rivage, 1Q84…). Ce qui nous intéresse ici, ce sont ses nouvelles consacrées à l’art culinaire : Les attaques de la boulangerie (La seconde attaque de la boulangerie est également parue dans le recueil L'éléphant s'évapore), ainsi que L’année des spaghettis, Les vicissitudes des piqu’crocks, et Les crabes (dans le recueil Saules aveugles, femme endormie). Dans le premier ouvrage, il y a effectivement deux raids alimentaires et donc deux nouvelles avec un personnage récurrent. Acte un. Deux jeunes activistes tenaillés par la faim décident d’attaquer une boulangerie pour se rassasier. Leur complot tombe finalement à l’eau à cause d’une petite mémé qui n’en finit pas de choisir sa marchandise. Nos deux sbires vont passer un pacte avec le boulanger qui est un mélomane : de la nourriture contre de la musique classique. Acte deux. Nous retrouvons l’un de nos terroristes du pain quelques années plus tard, menant une vie rangée auprès de son épouse. Lors d’une discussion, il lui a raconté l’anecdote de sa débâcle boulangère. Aussi lorsque le réfrigérateur est vide et que la fringale se fait sentir, sa belle lui propose de récidiver. Nouvelle échec ! Le couple finit sa course d’affamés dans un fast-food. Cette nouvelle apparait également dans une adaptation en BD de l'oeuvre de Murakami par Deveney & Pmgl : Le septième homme et autres récits (Delcourt, 2021, 224p.)

Saules aveugles, femme endormie d’Haruki Murakami

Saules aveugles, femme endormie d’Haruki Murakami chez 10/18 (2010, 512 p)

Saules aveugles, femme endormie, trois nouvelles traitent de nourriture. L’année des spaghettis, c’est l’année 1971. Le narrateur mange chaque jour des pâtes en solitaire… jusqu’à l’évènement inattendu : le téléphone sonne et, au bout du fil, c’est une ancienne connaissance !  Dans Les vicissitudes des piqu’crocks, un jeune homme s’inscrit à un concours de pâtisserie, attiré par une forte récompense… mais le jury est pour le moins surprenant. Les Crabes, la troisième nouvelle qui nous intéresse, est une histoire de couple et d’indigestion à Singapour. Bien évidemment, tous ses récits vont au-delà d’une simple affaire de cuisine.

Les Délices de Tokyo de Durian Sukegawa

Les Délices de Tokyo de Durian Sukegawa chez Le Livre de Poche (2017, 224p)

Notre marathon de la littérature culinaire japonaise se poursuit en compagnie d’un autre écrivain un succès : Durian Sukegawa, auteur des Délices de Tokyo et du Rêve de Ryôsuke. C’est un univers complètement différent de l’œuvre Haruki Murakami. Ici, en effet, pas de tentative de vole de petits pains ni de créatures bizarres évaluant la cuisson des pâtisseries. Il s’agit d’histoires ordinaires et de gens simples avec de beaux projets et de grands rêves… bien-sûr, ils ont un rapport avec la nourriture. Sentarô, le héros des Délices de Tokyo, travaille dans une petite échoppe qui vend des pâtisseries traditionnelles à base de haricots rouges. Il n’aime ni son travail ni les dorayaki qu’il prépare mais il n’a pas vraiment le choix. Très endetté, il est dépendant d son patron, le propriétaire de la boutique. Malheureusement, les collégiennes sont pratiquement les seules clientes de Sentarô. Or, non seulement, elles l’exaspèrent mais leurs maigres achats ne suffisent pas à faire tourner correctement le fonds de commerce. La vie poursuit ainsi son cours laborieux jusqu’à la saison des cerisiers en fleurs. Sentarô a décidé d’embaucher. Malheureusement, la seule personne à répondre à son annonce est une mémé aux doigts tout tordus. Le jeune pâtissier n’est guère emballé mais fini par céder devant l’instance de la vieille qui accepte même de travailler pour un salaire de misère. Sentarô ignore à quel point cette décision va bouleverser sa cuisine et sa vie. En 2015, le roman de Durian Sukegawa a fait l'objet d'une adaptation au cinéma par la réalisatrice Naomi Kawase.

Le rêve de Ryôsuke de Durian Sukegawa

Le rêve de Ryôsuke de Durian Sukegawa chez Le livre de Poche (2018, 336p)

Autre roman de Durian Sukegawa, autre univers. A la suite du jeune Ryôsuke, nous quittons le tumulte de la capitale japonaise pour nous rendre sur l’île imaginaire d’Aburi où les habitants chassent les chèvres sauvages pour manger leur viande. Il s’agit ici d’une quête familiale et initiatique. Notre héros, orphelin et suicidaire, profite d’une offre d’emploi pour débarquer dans ce lieu hostile, accompagné de ses amis, Kaoru et Tachikawa. Le père de Ryôsuke a vécu ici autrefois et le jeune homme souhaite réaliser son grand rêve : devenir fermier et fabriquer son fromage de chèvre. Les insulaires, quant à eux, n’apprécient guère les étrangers qui viennent bouleverser leurs habitudes. 

Touiller le miso de Florent Chavouet

Touiller le miso de Florent Chavouet chez Picquier (2020, 192 p.)

Du fromage de chèvre au miso, il n’y a qu’un pas. Sauf que la bande dessinée de Florent Chavouet n’est pas vraiment dédiée à ce condiment traditionnel japonais…c’est un produit fermenté, mais plus liquide et plus alcoolisé, le véritable héros de son dernier ouvrage… Comme le titre ne l’indique pas, Touiller le miso, est plutôt une escapade dans les Kaku-Uchis (un peu l’équivalent de nos bistrots) pour y découvrir la culture du Saké. Non content de nous livrer de magnifiques planches de dessins, Florent Chavouet s’essaie aux haïkus humoristiques. Une soupe qui finalement se déguste avec plaisir et avidité! A compléter avec la « gloutisphère, une carte des cuisines du monde publiée sur le blog de l’auteur. Avant de nous offrir ce superbe carnet de voyage, le dessinateur a publié plusieurs ouvrages inspirés du Japon : un polar intitulé Petites coupures à Shioguni (Prix du polar SNCF au festival d’Angoulême, en 2015), un guide dessiné dédié à la capital japonaise et intitulé Tokyo Sanpo (2009) ainsi qu’ un récit de voyage sur l’île de Manabé Shima (2010)

L'Art du sushi de Franckie Alarcon

L'Art du sushi de Franckie Alarcon chez Delcourt (2019, 160 p.)

Les mangas ont investi le rayon culinaire depuis longtemps. Dans ce domaine, on peut citer plusieurs séries comme Mes petits plats faciles by Hana de Masayuki Kusumi et Etsuko Mizusawa, Yakitate !! Ja-pan, Un pain c'est tout de Takashi Hashiguchi ou encore J’aime les sushis de Ayumi Komura. Le sushi justement est l’un des plats emblématiques du Japon et les français l’ont largement adopté. Pour autant, il n’est pas sûr que nous respections toutes les règles de préparation à la lettre. Le dessinateur Franckie Alarcon a mené sa petite enquête sur l’art de préparer les sushis. Pour la plupart d’entre nous, le sushi est un plat de « fast-food à la japonaise », (Les kaitens, bars à sushis, au Japon servent ce plat sur un tapis roulant) composé de riz et de poisson cru. Franckie Alarcon, lui, a voulu en savoir bien davantage sur ce plat emblématique du Japon. Il s’est donc rendu dans l’archipel pour tout comprendre de la confection des sushis. Là-bas, il a tout passé à la loupe. Il a observé les sushiyas Hachiro Mizutani (un chef étoilé) et Daisuke Okada, visité l’ancien marché de Tsukiji, et rencontré de nombreux pêcheurs ou producteurs (de riz, d’algues, de Saké, de Shoyu ou sauce-soja, etc). Il s’est même intéressé à la fabrication de céramique pour la vaisselle, l’art de la coutellerie pour le travail des produits, la technique de l’ikéjimé pour rendre la chair du poisson plus savoureuse. Il nous livre ainsi un guide de voyage culinaire encyclopédique pour ne plus rien ignorer du sushi. Il est complété par un livret avec quelques recettes et de bonnes adresses de restaurants spécialisés en France. 

L'ode au chou sauté d’Areno Inoue

L'ode au chou sauté d’Areno Inoue chez Picquier (2021, 240p.)

Le roman d’Areno Inoue inaugure la nouvelle collection de Picquier, Le banquet, dirigée par Ryoko Sekiguchi et dédiée à la gastronomie. Les héroïnes de L’ode au chou sauté, une fois n’est pas coutume, sont trois sexagénaires ordinaires. En effet, Kôko, Matsuko et Ikuko tiennent un sozaiya (restaurant de quartier) à Tokyo, appelé La Maison de Coco. On y sert de savoureux plats traditionnels et familiaux. De notre point vu occidental, se sont plutôt des mets exotiques (tôfu aux bulbes de lis, Somen aux pêches ou Ganmodoki, par exemple). Et dans les effluves de cuisine, les langues se délient car le lieu est propice aux confidences. Areno Inoue est l’auteure de nombreux romans et livres pour enfants qui n’ont pas été traduits en français. Elle a reçu le prestigieux prix Naoki en 2008 pour Kiriha e.

Haïkus, l’art de boire et de manger

En guise de conclusion

Cette liste n’a pas vocation à l’exhaustivité. Il s’agit juste de pistes pour découvrir les merveilles littéraires et culinaires du Japon, de quoi réjouir nos papilles et caresser nos neurones ! La collection Le banquet chez Picquier, par exemple, édite plusieurs ouvrages sur la thématique comme Les herbes sauvages : Récits d'un cuisinier de Hisao Nakahigashi (208p., 2022) ou le recueil collectif intitulé Je mange bien, ne t'en fais pas : Quatre récits de cœur et de cuisine (184p., 2021). On pourrait encore mentionner l’anthologie de poèmes Haïkus, l’art de boire et de manger, proposée par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku (Seuil, 128p. 2020). Bref, les références en la matière ne manquent pas !


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Veiller sur elle. Jean-Baptiste Andrea

Trust. Hernan Diaz

Sauvage. Jamey Bradbury

A la ligne. Joseph Ponthus

La maison allemande. Annette Hess