Carpates. Liliana Lazar

Carpates. Liliana Lazar


Je ne connaissais pas Liliana Lazar avant de commencer ce roman et pourtant l’autrice a déjà publié deux livres avant celui-ci : Terre des affranchis en 2009, qui a été récompensé par plusieurs prix littéraires, et Enfants du diable en 2016. Carpates est paru en 2024 et trônait dans ma pile à lire depuis cette date. Il est désormais disponible en format de poche. Je me rends compte maintenant que j’ai eu tort de repousser cette lecture si longtemps, d’autant que le roman se lit pratiquement d’une traite. 

Comme les précédents romans de Liliana Lazar, l’intrigue de Carpates nous conduit en Roumanie, terre d’origine de la romancière. Les évènements se déroulent cette fois après l’ère Ceaușescu durant l’hiver 1992. Un couple de jeunes Français, Jeanne et Boris, se rend à Rodna, en Transylvanie. La route qui y mène traverse les Carpates orientales en direction de la Moldavie. Elle est quasi déserte en cette période de l’année. Jeanne insiste car elle prépare une thèse d’anthropologie dédiée aux communautés orthodoxes de vieux-croyants. Après sa soutenance, elle espère accéder à un poste de maître(sse) de conférences à l’Université d’Aix en Provence pour lequel elle a postulé. Ce voyage à Rodna a pour but de trouver et d’interviewer une femme prétendument ressuscitée. Boris sait déjà que son amoureuse n’a pas été retenue pour le poste d’enseignante (victime du mandarinat patriarcal du milieu universitaire) mais il a préféré la ménager et cacher la lettre de refus. Il était déjà loin d’être emballé par ce voyage. Cet ancien boxeur, devenu animateur sportif, ne comprends pas les ambitions de Jeanne. La jeune chercheuse,  quant à elle, consciente des réticences de son conjoint, lui a caché qu’elle est enceinte. Bref, avant même d’arriver sur cette terre roumaine chargée de mystères ésotériques, notre jeune couple portent de lourds secrets dans ses bagages. Or, à l’instar des meilleurs films d’horreur, ils vont débarquer dans une auberge au milieu de nulle part puis bifurquer sur la mauvaise route. C’est bien sûr le début d’une descente aux enfers.

Contrairement à ce que suggère mon résumé, Carpates n’est pas vraiment un roman horrifique ni même un simple thriller. Il y a bien un huis clos effrayant et des histoires fantastiques jouant avec nos peurs collectives mais le propos est plus profond que cela. Liliana Lazar nous invite au sein d’une secte matriarcale isolée qui vit selon des règles proches des vieux-croyants non presbytériens. L’hégémonie féminine  est poussée jusqu’à son paroxysme mortifère. J’en ai déjà dit beaucoup mais il m’a semblé nécessaire d’insister sur la richesse de ce roman. Sans aller jusqu’au coup de cœur absolu, je peux dire que Carpates a été une très bonne surprise et m’a donné envie de lire les autres romans de Liliana Lazar. 

📚D’autres avis que le mien chez HCh Dahlem, Cannetille, Jostein et Eva

📌Carpates. Liliana Lazar. Plon, 316 pages (2024) / Pocket, 336 pages (2025)


Un Noël au manoir. Anne Perry

Un Noël au manoir. Anne Perry


Les amateurs de romans policiers historiques connaissent tous Anne Perry et ses personnages récurrents parmi lesquels William Monk, Charlotte Ellison et Thomas Pitt. La romancière est également l’autrice d’une série de nouvelles policières de Noël. La plupart sont des "spin-off". Ces épisodes dérivés mettent en scène des personnages secondaires apparus dans les autres séries se déroulant à l’ère victorienne. 

Les héros d’Un Noël au manoir sont Lady Vespasia Cumming-Gould, la tante de Charlotte Ellison-Pitt. Elle est accompagnée de son second époux, Victor Narraway, ancien chef des services de renseignements généraux de Londres. Le couple a été convié au manoir des Cavendish où ils arrivent quelques jours avant le Réveillon. Lady Vespasia sait que son mari a accepté l’invitation à contre cœur et qu’il ne lui a pas divulgué la véritable raison de ce séjour impromptu. Les autres invités des Cavendish leurs sont presque tous inconnus et l’ambiance s’avère rapidement délétère, d’autant que Lady Vespasia doit sans cesse contrer les commentaires désobligeants de son hôtesse. Néanmoins, il y a parmi les convives, un jeune couple fascinant qui attire l’attention de notre héroïne. Ils s’agit de James et Iris Watson-Watt. Victor, lui, semble ailleurs, comme déconnecté de son épouse adorée et de la réalité du moment. Lady Vespasia connait assez son époux pour remettre les explications à plus tard. Mais un drame va obliger nos deux héros à communiquer et à échanger leurs informations au risque de se mettre mutuellement en danger.

Je  me suis demandée pourquoi cet opus, publié en Angleterre en 2019, était resté inédit en France jusqu’à ce jour sachant que les 20 autres tomes de la série avaient tous été traduits (y compris les derniers : Le Corbeau de Noël, Un Noël à Eaton Square, La Fiancée de Noël et Un Noël à la campagne). Je n’ai pas lu les autres volets mais celui-ci ne m’a pas entièrement convaincue. C’est une lecture certes agréable mais je lui trouve plusieurs petits défauts. D’abord, le personnage de Lady Vespasia est tellement parfait que cela en devient agaçant. C’est une aristocrate d’âge mûr dotée de toutes les qualités intellectuelles et physiques dont une lectrice contemporaine puisse rêver. Malgré cela, ses joutes verbales avec lady Cavendish sont loin d’être aussi subtiles que l’autrice ne le prétend. Ensuite, l’enquête m’a semblée assez vite expédiée et sans véritable suspense. Ces bémols ne sont pas rédhibitoires mais je ne garderai pas un souvenir impérissable de cette novella de Noël. Il faut peut-être avoir lu d’autres séries d’Anne Perry, comme Kimberly du blog Caffeinated Reviewer, pour apprécier cet opus à sa juste valeur

💪J’ai lu ce livre dans le cadre du challenge Il était treize fois Noël, organisé par Chicky Poo & Samarian

📌Un Noël au manoir. Anne Perry, traduite par Pascale Haas. Editions 10/18, 183 pages (2025)

Il était treize fois Noël


Everyone On This Train Is A Suspect. Benjamin Stevenson



Ernest Cunningham, le narrateur de ce roman, est un écrivain australien de polars. Il a survécu à un huis clos familial sanglant (Everyone In My Family Has Killed Someone /Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu’un, premier volet de cette série) dont il a tiré un livre qui ne s’est pas très bien vendu. A sa grande surprise, il est invité à un prestigieux festival d’auteurs de polars auquel il se rend avec Juliette sa compagne, également rescapée du premier tome. 

Le festival se déroule dans un train, le fameux Ghan qui traverse l’Australie du Nord en sud, en partant de Darwin. La destination finale est Adelaïde avec quelques arrêts touristiques pour les passagers lambdas tandis que les auteurs participeront à des conférences et des interviews. Ernest, lui, espère bien boucler son second roman en inspirant du voyage. Il a déjà prévenu les lecteurs que nous sommes : sur six écrivains montés dans le train, cinq en sortiront vivants et un menotté. Nous savons déjà que la victime de l’assassinat n’est pas Ernest puisqu’il a écrit ce roman. 

Après le meurtre de son homologue, Ernest va trouver l’occasion de se débarrasser du syndrome de l’imposteur qui le hante au milieu de cette brochette de célébrités. Fort de son expérience acquise dans le premier tome de la série, il décide de mener l’enquête. Certains de ses collègues, persuadés d’être aussi compétents du fait de leur métier, prétendent l’aider. L’écrivain de polars médicaux propose de réaliser une autopsie de surface tandis qu’une autrice de thrillers psychologiques s’improvise comme profileuse. Chacun faisant de la rétention d’informations, cachant de viles secrets et se tirant dans les pattes à la moindre occasion.  

Ernest nous assure qu’il respectera les règles d’or du polar et que nous aurons tous les indices en main pour démêler l’énigme. Par exemple, il nous informe qu’il prononcera 106 fois le nom du meurtrier au cours de son récit. Certains suspects peuvent mentir mais il nous préviendra lorsqu’il y aura anguille sous roche. Je vous recommande néanmoins de vous méfier de cet ingénu héro car il finira sans doute par vous roulez dans la farine, à l’instar de ses collègues. 

Personnellement, j’ai été surprise par le dénouement final (je n’ai pas réussi à démasquer l’assassin avant les dernières pages de l’intrigue) mais j’ai passé un bon moment en compagnie d’Ernest. Je dois reconnaître que je m’y suis attachée et je n’arrive pas à lui tenir rigueur d’avoir réussi à me berner malgré sa franchise affichée. L’humour de l’auteur y est sans doute pour beaucoup car, vous l’aurez compris, il s’agit davantage d’un pastiche que d’une véritable intrigue policière. Le prochain tome nous promet un Noël très singulier et je ne compte pas le rater.

Les titres de la série:

  1. Everyone In My Family Has Killed Someone (Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu’un)
  2. Everyone On This Train Is A Suspect (Tout le monde dans ce train est suspect)
  3. Everyone This Christmas Has A Secret (Toutes les fêtes de Noël commencent par un meurtre)
  4. Everyone In This Bank Is A Thief (à paraître en V.O. en 2026)

📚D’autres avis que le mien via Babelio et Bibliosurf

📌Everyone On This Train Is A Suspect. Benjamin Stevenson. Penguin, 384 pages (2024)