Tous les invisibles. Mateo Askaripour
Ce roman de science-fiction est né d’un évènement perturbant vécu par l’auteur dans le métro newyorkais : celui de se sentir invisible à cause du dédain d’autrui. Une fois rentré chez lui, il a eu l’idée de transposer l’expérience dans un univers futuriste en créant des personnages qui seraient invisibles au sens littéral du terme. Cette allégorie est sans aucun doute un hommage à Homme invisible, pour qui chantes-tu ?, le chef d’œuvre de l’écrivain afro-américain, Ralph Ellison, que Mateo Askaripour cite en exergue.
En 2529, les pays sont divisés en 4 "Hémisphères" mais, à l’exception d’une élite dominante, les citoyens du Nordouest ne sont pas autorisés à quitter le territoire. Non seulement ils ne savent pratiquement rien de leurs voisins des autres Hémisphères mais ils n’ont pas accès non plus à leur propre histoire. Le lecteur, lui, a appris au début du roman que le premier humain invisible est né en 2028 à New-York. On ignore en revanche comment la société s’est transformée en un monde encore plus inégalitaire où les "Invisibles" appartiennent à une catégorie de citoyens de seconde zone. Le gouvernement les regroupe dans des zones forestières de confinement, éloignées du centre urbain dont l’accès est soumis à des laisser-passer. Tous les aspects de la vie de ces "Forestains" sont soumis au Pouvoir des Dominants (les "PoDo") depuis l’habitat, en passant par l’alimentation, l’activité professionnelle (réduite aux métiers manuels et à la domesticité) et même le contrôle des naissances. Tout ceci ne vous rappellerait -il pas les pires heures de l'esclavage aux États-Unis ?
Le personnage principal de Tous les invisible est une jeune femme talentueuse, Candace, dite de Sweetmint. Elle vient d’obtenir le statut d’apprentie chez le plus grand inventeur du territoire du Nordouest et ancien Directeur du Progrès. C’est un privilège sans précédent pour une orpheline invisible comme elle. Peu de choses la retiennent dans la zone de confinement de la Forêt Vingt-six puisque son frère aîné, Shanu dit Sweetsmoke, a choisi de disparaître pour de bon, quelques années plus tôt. Or, au moment où Candace / Sweetmint pense avoir trouvé sa place au sein de la société clivante du Nordouest, le chef du pouvoir exécutif vient d’être assassiné. Une campagne électorale est organisée pour désigner son successeur mais, dans ce monde, seuls les membres de la Galerie de la Règle peuvent voter. Parallèlement au combat féroce que se livrent les deux candidats au pouvoir, Shanu / Sweetsmoke est accusé du meurtre de l’ancien dirigeant. Sweetmint / Candace, jugée hors de cause, est néanmoins manipulée par les autorités religieuses et politiques pour traquer son frère. Cette série d’évènements dramatiques sera à l’origine de l’épiphanie de la candide Candace. Ayant ouvert les yeux sur le monde qui l’entoure, Sweetmint va tout mettre en œuvre pour se libérer de ses chaînes et retrouver son frère.
J’ai eu un peu de mal à entrer dans le roman car il m’a fallu intégrer tous les éléments de ce monde imaginaire (au passage, je tire mon chapeau à la traductrice). Certains détails m’ont d’abord semblé un peu artificiels puis je m’y suis habituée. Le fait que les Invisibles portent deux noms (un prénom officiel pour l’administration des dominants et un surnom pour la communauté d’appartenance) ne m’a pas toujours facilité les choses non plus, d’autant qu’il y a de nombreux protagonistes. Cependant, une fois ces difficultés passées, j’ai trouvé la lecture du roman assez fluide.
Tous les invisibles mêle les ingrédients du roman social d’anticipation et du récit initiatique. Le premier chapitre (la scène qui se déroule en 2028) insiste fortement sur le racisme ambiant et la fracture sociale mais cela se justifie pour introduire la suite de l’intrigue. Celle-ci se veut le reflet du réel. Il est poussé à son paroxysme, et fait apparaître une société à la fois raciste, sexiste et élitiste. Bref, un cauchemar, digne des pires dictatures.
💪Le roman de Mateo Askaripour n’est peut-être pas très innovant par rapport aux thématiques abordées mais il a le mérite de traiter des sujets sensibles. L’héroïne est attachante et l’auteur a su créer un cadre original et dépaysant. L’intrigue est intelligemment construite et le style est plein d’allant. C’est donc une lecture agréable que je recommande volontiers dans le cadre du Challenge Objectif SF 2025.
📌Tous les invisibles. Mateo Askaripour, traduit par Anne-Sylvie Homassel . Buchet Chastel, 480 pages (2025)
Même si le cadre est original, j'ai toujours aussi peu d'appétence pour les dystopies ! Mais un élément de ton résumé me fait sourire : comment mettre au monde un bébé invisible ? Pas évident ...
RépondreSupprimerSurtout pour la sage-femme! :-D
SupprimerJ'avoue que je n'y avait pas pensé...
SupprimerVoilà qui est original!!! Mais tous ces noms, cela se comprend mais ne facilite pas la vie du lecteur ^_^
RépondreSupprimerOn s'y perd un peu au début mais on finit par retomber sur ses pieds
SupprimerJe ne connais pas l'auteur et je vois que tu as eu du plaisir à le lire...c'est ce qui est important car finalement ce n'est pas si facile de renouveler les sujets quand on parle de science-fiction...
RépondreSupprimerTout à fait d'accord. D'ailleurs, il s'agit surtout de projeter dans l'avenir des sujets qui nous tracassent aujourd'hui
SupprimerSon originalité m'attirerait mais mes bibliothèques ne l'ont pas... je trouverai bien autre chose pour continuer le défi.
RépondreSupprimertu as déjà de l'avance , toi
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