Hiroshima et Nagasaki : une page d’histoire

Pour mémoire, le conflit remonte au moins à la seconde guerre sino-japonaise qui débute en 1937. Ainsi, tandis que les Européens s’apprêtent à entrer en guerre contre l’Allemagne, les Américains s’opposent à l’expansion du Japon en Asie du Sud-Est. L’intrusion du Japon en Chine débute en 1931 par l’invasion du Mandchourie puis la création de l’état fantoche du Mandchoukouo en 1932. Les Etats-Unis refusent de reconnaître son indépendance. A ce stade, le Japon a déjà obtenu l’annexion de Taïwan (1895), puis du sud de Sakhaline (1905) et celle de la Corée (1910) ainsi qu’un mandat sur la Micronésie allemande (1920). 

Hiroshima City Map 1945 - U.S. Army Map Service, Public domain, via Wikimedia Commons
Carte d'Hiroshima en 1945

Le développement économique et militaire du Japon inquiètent l’administration Roosevelt et les relations entre les deux pays se dégradent petit à petit entre 1937 et 1940. En février, le Japon prend possession de l’Indochine et de plusieurs atolls dans le pacifique. En avril, les Etats-Unis annulent le traité de commerce qui les lie au Japon et, à partir de juillet, les livraisons de fer et de pétrole sont limitées. Les Japonais choisissent la confrontation en poursuivant leur progression vers le sud. Les dernières tentatives de négociations ont lieu entre novembre et décembre 1941. Finalement, le 7 décembre 1941 à 7h48, l’attaque surprise de la base militaire de Pearl Harbor sur l’île d’Oahu à Hawaï par les forces japonaises aboutie à l’entrée en guerre des Etats-Unis.

Le projet Manhattan (nom de code des travaux de recherche sur la bombe atomique) a été lancé dès 1939. En réalité, tout a commencé dans les années 1895-1898 avec les découvertes d’Henri Becquerel, puis de Marie Curie sur les substances émettant naturellement de l’Energie. L’explication de ce phénomène, appelé radioactivité est donnée par Ernest Rutherford et Frederick Soddy avant d’être théorisée par Albert Einstein en 1905 (c’est la fameuse équation E = mc2). Au cours des années 1930, les découvertes sur le sujet s’enchainement avec les travaux de James Chadwick, Enrico Fermi et Leo Szilard. La première expérience de fission nucléaire est réalisée en 1938 par la physicienne Lise Meitner, les chimistes Otto Hahn et Fritz Strassman. De nombreux scientifiques se refugient aux Etats-Unis après le déclenchement de la guerre en 1939. Leur crainte de voir Hitler maîtriser l’atome en premier les incite à travailler pour l’armement.  C’est finalement un courrier d’Albert Einstein à Theodore Roosevelt (2 août 1939) qui convainc le président de créer un comité consultatif de l’uranium (19 octobre 1939). Néanmoins, ce n’est qu’à la suite de l’attaque de l’Empire Japonais sur la base américaine de Pearl Harbor, que le projet Manhattan démarre sérieusement sous la houlette de Robert Oppenheimer, d’Enrico Fermi et de Ernest Lawrence.

Nagasaki Prefecture 1895 - DeGolyer Library, Southern Methodist University-SMU Libraries Digital Collections, via Wikimedia Commons
Préfecture de Nagasaki en 1895


Le premier réacteur atomique est testé le 2 décembre 1942 sous les gradins du stade de Chicago. Ensuite, tout s’enchaîne. Trois bases nucléaires secrètes sont construites au cours de 1943 : le site d’Oak Ridge dans le Tennessee (site X), le site d’Hanford dans l’Etat de Washington (site W) et le site de Los Alamos au Nouveau-Mexique (site Y). Parallèlement à cela débute l'opération Silverplate, dont le but est de modifier les Boeing B-29 pour qu'ils puissent transporter les bombes. Plusieurs essais de largages sont réalisés en Californie. Le 509e escadron de bombardement est créé en décembre 1944 sur la base de Wendover dans l'Utah. Il est placé sous le commandement du colonel Paul Tibbets. Cette base reçoit son nom de code : « Kingman » ou « W-47 ». 

Dès la fin 1944, il apparait que le nucléaire n’est plus la priorité d’Hitler et la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945 désignent de fait le Japon comme nouvelle cible. Le 1er juin 1945, le comité recommande l’utilisation de la bombe atomique sur Hiroshima (l’une des principales bases logistiques de l’armée impériale), Kokura (pour son arsenal d’artillerie) et la cité historique de Kyoto, finalement remplacée par Nagasaki (complexe militaro-industriel de Mitsubishi). Ensuite, tout s’enchaîne. L’escadron est déployé sur le site de North Field sur l'île de Tinian en juillet 1945. Les composants de Little Boy sont débarqués sur l’île tandis qu’un premier essai d’explosion nucléaire artificielle (Trinity) est réalisé sur le champ de tir d'Alamogordo au Nouveau-Mexique. Le 26 juillet, un ultimatum est adressé au Japon : il doit capituler sans conditions, sans quoi il "subira une destruction rapide et totale". 

Le 6 août 1945 à 2h45, trois B-29 décollent de la base de la base de Tinian. La bombe A (Little Boy) est larguée sur Hiroshima à 8 h 15, par le bombardier Enola Gay du 393e escadron. Il est piloté le colonel Paul Tibbets. Le matin du 9 août 1945, le Bombardier Bockscar, piloté par le major Charles Sweeney décolle de Tinian avec Fat Man à son bord. La cible principale est Kokura mais elle doit être abandonnée après 3 survols de la ville à cause de la couverture nuageuse créée par les mauvaises conditions climatiques, les bombardements de la ville voisine de Yahata et les écrans de fumée créés par des ouvriers en brûlant des barils de goudron pour gêner les bombardiers ennemis. Bockscar se dirige donc vers sa cible secondaire : Nagasaki. L’explosion a lieu à 11h02 du matin. 

Le Mémorial de la paix d’Hiroshima (Dôme de Genbaku) Photo by Rap Dela Rea on Unsplash
Mémorial de la paix d'Hiroshima


Il est assez difficile de connaître le bilan exact des deux explosions nucléaires. Premièrement, les chiffres diffèrent selon les sources (américaines ou japonaises). Deuxièmement, il faut différencier les morts instantanées, des victimes succombant à leurs blessures ou aux radiations dans les mois suivants, sans compter les décès liés aux cancers qui ne peuvent être estimés que sur la longue durée. Selon une étude américaine réalisées en 1946, le nombre d’habitants à Hiroshima était 245 000 avant l’explosion. 70 000 personnes seraient mortes instantanément et autant dans les jours suivants. Environ 62 000 bâtiments sur les 90 000 existants auraient été détruits. A Nagasaki, où les collines ont protégé certains quartiers et villages environnants, 276 bâtiments résidentiels (sur 52 000) auraient été détruits et 21 sites industriels. Les pertes humaines sont estimées à 35 000, portant la population à 142 700 habitants selon le recensement du 1er novembre 1945.  Il faut compter dans ces chiffre une épidémie de dysenterie liée aux mauvaises conditions sanitaires et une importante diaspora. Les chiffres peuvent ainsi être portés, toujours selon cette étude, jusqu’à 180 000 disparitions (décès ou exil) à Hiroshima et 100 000 à Nagasaki. 

Une autre étude a été réalisée par les Japonais. Elle est consultable sur le site du musée du mémorial pour la paix d'Hiroshima. Elle évalue la population de la ville à 350 000 habitants avant le bombardement atomique. Au total, avant que les effets aigues des radiations se soient estompées, 140 000 personnes seraient décédées. Pratiquement tous les bâtiments dans un rayon de 2 km par rapport à l’hypocentre auraient été détruits. L’un des rares bâtiments à ne pas s’être effondré est l’ancien Palais d’exposition industrielle de la préfecture d'Hiroshima. Il a été conservé tel qu’il était après le bombardement. C’est aujourd’hui mémorial de la paix d'Hiroshima ou dôme de Genbaku (genshibakudan signifiant bombe atomique). Ce monument est classé sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1996.

A Nagasaki, selon les chiffres publiés sur le site du Musée de la bombe atomique, le nombre de victimes est supérieur à 148 000 personnes (environ 73 000 morts et 75 000 blessés), soit 62 % de la population. Plus de 11 000 maisons auraient été brulées et environ 6 800 partiellement détruites. Les documents disponibles en français peuvent être consultés sur le site du musée.  

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