Formose. Li-Chin Lin

Formose. Li-Chin Lin

Lorsqu’il a fallu donner un titre à son premier roman graphique, l’illustratrice franco-taiwanaise, Li-Chin Lin, a choisi le nom historique de son pays natal : Formose, un toponyme d’origine portugaise qui fait référence à la beauté de l’île de Taïwan ("Ilha formosa" ou Belle île). Ce choix s’explique d’abord par le risque de confusion avec la Thaïlande, dit-elle, mais aussi par le destin mouvementé de Taïwan. Lorsqu’elle était enfant, Li-Chin Lin à appris à l’école qu’elle vivait en République de Chine. A la télévision et dans tous les espaces publics, la propagande dictatoriale martelait que Tchang Kaï-chek et son fils, Chiang Ching-kuo, étaient les sauveurs du peuple taïwanais. A la maison, le son de cloche était un peu différent et l’histoire de Taiwan se reflétait dans les différentes langues parlées autour de la table. Si tout le monde connaissait le Holo, les grands-parents paternels de la future illustratrice avaient connu la colonisation nippone et s’exprimaient plus volontiers en japonais. La mère de Li-Chin, préférait la langue du peuple Hakka tandis que la fillette avait choisi celle de l’élite en place : le Chinois. La narratrice raconte l’endoctrinement quotidien, les fraudes électorales, le choc du massacre de la place Tian'anmen, les années de répression contre les radios libres, et bien d’autres choses encore. 


Formose. Li-Chin Lin. P16-17

Li-Chin Lin, qui vit en France depuis 1999, a souvent été comparée à la dessinatrice d’origine iranienne, Marjane Satrapi. Le parallèle s’explique sans doute par le fait que leurs albums sont autobiographiques et permettent au lecteur de découvrir l’histoire de leurs pays natals respectifs. Il y a aussi beaucoup d’humour dans les BD des deux illustratrices. En revanche, le graphique est très différent.  Lorsque Li-Chin Lin était enfant, les mangas étaient très mal vus par les enseignants d’origine chinoise. Ils étaient considérés comme une perte de temps dans un univers où les enfants devaient se consacrer exclusivement à l’étude et à la préparation de leurs futurs examens. La fillette les lisait en cachette et l’influence des BD japonaises se retrouve aujourd’hui dans ses dessins. Les planches sont rarement découpées en cases et les illustrations sont toutes en noir et blanc. Ce style n’est pas sans rappeler aussi les strips, ces BD humoristiques très courtes que l’on trouve traditionnellement dans la presse américaine. Les crayonnés un peu naïfs s’accordent parfaitement au sujet (l’enfance de la narratrice). Personnellement, j’ai plutôt bien accroché à ce style très différent de l’école franco-belge. L’album est assez épais puisqu’il compte plus de 200 pages. On peut considérer Formose comme le premier volet d’une trilogie taïwanaise avec Fudafudak, l’endroit qui scintille (Editions Ça et là, 2017) et Goán Tau, chez moi (Editions Ça et là, 2021). Une excellente nouvelle pour moi qui est beaucoup apprécié ce premier volume !


Formose. Li-Chin Lin. P30-31

Formose. Li-Chin Lin. Editions Ça et là, 256 pages (2011)


Commentaires

  1. Voilà qui m'intéresserait!!!

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    1. ça faisait longtemps que j'avais repéré cette BD. On apprend beaucoup sur l'histoire de Taïwan et c'est très agréable à lire. Le graphisme est original

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  2. J'avais adoré cette BD ! J'adore les témoignages sur un pays, surtout par un de ses ressortissants, et particulièrement en BD, et là, c'était une occasion assez unique d'en apprendre un peu plus sur Taïwan. Quelle excellente nouvelle pour les deux opus suivants ! J'ai lu Formose il y a 10 ans donc ils n'étaient pas encore parus mais je suis tout à fait disposée à les lire maintenant !:)

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    1. J'ai adoré aussi et je compte bien poursuivre avec les deux autres albums de Li-Chin Lin. Préviens moi quand tu les auras lus

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  3. J'ai découvert l'histoire mouvementée de Taiwan très récemment grâce à un passionnant documentaire sur Arte. Cette BD sera un bon moyen d'approfondir. J'aime bien le graphisme "crayonné" que tu nous montres.

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    1. J'aime beaucoup le travail de Li-Chin Lin. J'ai lu "Fudafudak" récemment et je n'ai pas été déçue. Si tu veux découvrir l'histoire de Taiwan, il faut effectivement commencer par "Formose".

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