Tierra del fuego. Francisco Coloane
La terre de feu donne ses couleurs à ce recueils. A l’image de son climat et de ses paysages, la vie y est rude. Francisco Coloane en connait toutes les facettes. Fils de baleiniers, il est né en 1910 à Quemchi, un port de l’île de Chiloé. L’écrivain chilien a vécu comme les aventuriers de ce bout du monde qu’il décrit si bien, exerçant lui-même de nombreux métiers. Les neuf nouvelles de Tierra del fuego mettent en scène des personnages emblématiques et romanesques qui ont façonné l’histoire de la Patagonie, des deux côtés des frontières chiliennes et argentines. Orpailleurs, mineurs, estancieros, bouviers, trafiquants de fourrures, pêcheurs, chasseurs de baleine, gringos et indiens s’y croisent. Parmi eux, il y a beaucoup de meurtriers et de renégats mais aussi des hommes courageux et quelques cœurs tendres.
Dans la nouvelle titre, l’écrivain chilien raconte la fuite de trois mercenaires, anciens bras armés de l’explorateur roumain, Julio Popper (1857-1893). Le roi du Páramo, ainsi qu’on le surnommait au temps de la ruée vers l’or, est tristement célèbre pour avoir participé à l'extermination des Selknams, une tribu autochtone de la Grande île de l'archipel fuégien. Les soldats sans foi ni loi quant à eux vont devoir se serrer les coudes pour survivre. Mais en sont-ils capables ?
Francisco Coloane a dédicacé son second texte, Sur le Cheval de l’aurore, au paléontologue Humberto Fuenzalida Villegas (1904 -1966), ancien directeur du Muséum national d’histoire naturelle du Chili. L’un des héros de ce récit, le comptable d’une Estancia (vaste exploitation agricole comparable aux haciendas), est victime d’hallucinations suite à une chute de cheval. Refugié dans une grotte, il est en quelque sorte possédé par les habitants primitifs des bords du lac del Toro dans la Province de Última Esperanza (région de Magallanes et de l'Antarctique chilien).
La nouvelle intitulée Comment mourut le Chilote Otey évoque un épisode sanglant de l’histoire argentine, restée dans la mémoire collective sous le nom de "Patagonie rebelle" ou "Patagonie tragique". En 1921, cette grève rurale a été durement réprimée par la 10ème de cavalerie du lieutenant-colonel Héctor Varela. Francisco Coloane met en scène l’une des têtes de l’insurrection, le syndicaliste José Font, plus connu sous le nom de Facón Grande… mais il focalise surtout l’attention du lecteur sur un autre protagoniste. Il s’agit de Bernardo Otey, un ancien chasseur de phoques originaire de l’île de Lemuy, héros martyre de cette histoire.
L’expression "Bien mal acquis ne profite jamais" pourrait conclure la nouvelle intitulée Cinq marins et un cercueil vert qui nous conduit du côté de Punta Arenas, point de départ des expéditions australes et lieu de relâche pour les vagabonds des mers empruntant le détroit de Magellan. Des matelots souhaitent y enterrer un camarade ayant perdu la vie en mer. Rien ne va se dérouler comme prévu.
L’un des textes qui m’a le plus émue est La partie immergée de l’iceberg. Le narrateur a accepté un emploi à Navarino, la grande ile au sud du canal de Beagle. C’est un lieu isolé qui produit des hommes taiseux, presque mutiques. J’ai également été touchée par l’histoire du cuisinier de la goélette Huamblin dans Cap sur Puerto Eden ou celle du vieux Vidal dans Terres d’oubli.
Francisco Coloane a un don particulier pour planter un décor, créer une ambiance ou brosser un portrait. L’écrivain chilien est souvent comparé à Herman Melville, Jack London ou Joseph Conrad. C’est vrai qu’il y a un peu de chacun en lui. Le recueil Tierra del fuego est paru en 1963 au Chili mais son écriture dénouée de fioritures en fait un classique universel et indémodable.
💪Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Printemps latino.
📌Tierra del fuego. Francisco Coloane, traduit par François Gaudry. Libretto, 192 pages (2012)
Un recueil à noter pour le mois des nouvelles.
RépondreSupprimerOui, je l'avais d'ailleurs noté dans ce cadre mais je n'avais pas trouvé le temps de le lire
SupprimerOh mais ça m'a l'air très intéressant, notamment si l'écriture est "dénouée" de fioritures :).. et ton billet me fait penser que j'ai la BD sur les Selk'nams à la maison, à voir si je peux la caser d'ici le 20 juin !
RépondreSupprimerJe serais ravie si tu arrivais à caser l'album dans ce challenge. Cette BD m'a marquée, elle vaut vraiment le coup qu'on en parle.
Supprimer1963 !pas tout jeune mais l'âge ne fait rien à l'intérêt d'un livre
RépondreSupprimerje pense qu'on peut le considérer comme un classique
SupprimerJe crois n'avoir rien lu de cet auteur... ou alors, j'ai commencé un livre et pas accroché... Je pourrais réessayer !
RépondreSupprimerJe pense que ça pourrait te plaire.
SupprimerJ'ai commencé ce recueil pour le book trip mais les premières nouvelles se passaient sur la terre ferme et j'avais beaucoup d'autres lectures en attente donc j'avais fini par le rendre à la bibliothèque avant de l'avoir fini. Je le reprendrai sûrement car j'ai aimé cette ambiance de bout du monde et d'hommes taiseux.
RépondreSupprimerC'est ce qui me plait aussi dans ce type de littérature. Je pense que je lirai peut-être un autre Coloane (maritime celui-là) pour le Book Trip en mer. Je pensais au Dernier mousse
SupprimerJe viens d'emprunter pour le challenge (oui, tout arrive ^_^)
RépondreSupprimerAh, tu fais durer le suspense. Je me demande ce que tu as choisi
SupprimerCa y est! Tu as démarré ton printemps latino.
RépondreSupprimeroui, c'est parti depuis quelques jours mais c'est le premier titre en Espagnol (le titre seulement) ^_-
SupprimerIntéressant. Il n'est pas à ma bibliothèque mais il y a d'autres titres de cet auteur.
RépondreSupprimerCap Horn, Le dernier mousse et Le passant du bout du monde me tentent assez
SupprimerJe serais curieuse de découvrir ces nouvelles sombres dans un contexte assurant, pour ma part, le dépaysement !
RépondreSupprimerL'air de rien, on apprend beaucoup sur l'histoire de la Terre de feu dans cet ouvrage
SupprimerUn livre lu il y a longtemps ainsi que son roman "Cap Horn", tous deux bien avant d'avoir mon blog. A relire un jour mais pas maintenant en tous les cas...malgré le challenge.
RépondreSupprimerJe relis rarement les livres... il y a tellement à découvrir !
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