Le pavillon d'or. Yukio Mishima
Ce roman de Yukio Mishima s’inspire d’un fait divers qui a ébranlé la société japonaise. Dans la nuit du 1er au 2 juillet 1950, alors que Kyoto est sous occupation américaine, un moine dément, met le feu à un joyaux du patrimoine religieux. Il s’agit du fameux Kinkaku-ji (littéralement Temple du Pavillon d'or) dont le nom usuel est Rokuon-ji (Temple impérial du jardin des cerfs). Ce temple bouddhiste zen a été construit en 1397 sous le règne du shôgun Yoshimitsu Ashikaga (1358-1408) durant la période Muromachi (1333-1573). Jusque-là, l’édifice avait miraculeusement survécu au feu, notamment pendant la guerre civile d’Onin (de 1467 à 1477).
Yukio Mishima a choisi de remplacer le véritable protagoniste de cette histoire, le moine Hayashi Shôken, par un alter-ego nommé Goichi Mizoguchi. Ce bonze novice de vingt et un ans est laid et bègue. Ce double handicap est la clé qui va conduire le jeune homme a incendier le temple pour lequel il a développé une fascination malsaine depuis l’enfance. A la mort de son géniteur, l’éducation de Mizoguchi est confiée au prieur du Prieur du Pavillon d'Or, Tayama Dosen, qui prévoyait d’en faire son successeur le moment venu. Après l’enterrement, l’orphelin de père, refuse de revoir sa mère à laquelle il voue une haine tenace. Il fait, par ailleurs, la connaissance d’un autre novice, Tsurukawa, avec lequel il se lie d’amitié. Les deux garçons se perdent de vue à l’entrée de l’Université et Mizoguchi tombe sous l’influence néfaste d’un certain Kashiwagi. C’est un étudiant handicapé, rendu cynique et pervers, à cause de ses pieds bots. A partir de ce moment, notre novice développe une dangereuse haine de la classe supérieure, ainsi qu’une théorie pernicieuse de l’esthétisme et de la beauté. Il est bientôt persuadé que le Pavillon d’or s’immisce dans sa volonté de vivre et d’aimer.
Cela me chagrine beaucoup mais je dois admettre que je la lecture de ce classique japonais a été laborieuse en dépit de ses qualités littéraires. Mishima a une vision malsaine du handicap. Les descriptions paysagères et architecturales m’ont paru sans fin, à l’instar des passages introspectifs. J’ai eu beaucoup de mal à me concentrer sur le texte et je dois dire qu’une bonne partie a échappé à ma compréhension. Par ailleurs, il y a des scènes qui suscitent un certain malaise. Je pense par exemple à celle du soldat japonais qui dit adieu à son épouse sur le site du temple. La femme vient de perdre son bébé et ouvre son kimono pour donner le sein à son mari. Ce geste aurait dû rester dans l’intimité du couple mais le héros et son camarade en sont témoins. Un autre épisode choquant raconte comment Mizoguchi est incité à piétiner le ventre d’une prostituée enceinte d’un Américain. Ce passage emblématique du roman est à la limite du supportable.
Le livre de Yukio Mishima est paru au Japon en 1956 et a été traduit pour la première fois en Français en 1961. Le Pavillon d'or a été adapté au cinéma par Kon Ichikawa en 1958. Hayashi Shôken, le véritable incendiaire du temple, a été emporté par la tuberculose en 1956. Le pavillon d’or a été construit à l’identique en 1955, rénové en 1987 et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1994.
Sur le site Carnets psy, Bernard Chouvier a publié une intéressante analyse de la psyché de Mishima par le prisme de son roman Le pavillon d’or. Au sujet de la vie et l’œuvre de l’écrivain japonais, je vous suggère également l’essai de Thierry Hoquet, Mystère Mishima.
J’ai lu ce livre dans le cadre de la lecture commune dédiée à Goran, une initiative de Nathalie du blog Madame Lit.
Le pavillon d'or. Yukio Mishima. Folio, 384 pages (rééd. 1975)
Les sujets abordés par cet auteur japonais considéré comme classique ne me tentent guère... je ne l'imaginais pas versant dans la violence ou le malaise gratuits...
RépondreSupprimerMishima crée une ambiance malsaine qui explique le geste du forcené... mais c'est tellement particulier !
SupprimerEh bien je suis assez contente de voir que je ne suis pas la seule à ne pas être enthousiaste😅je suis moins qu’enthousiaste en fait, j’ai carrément détesté ma lecture de Mishima… (Une Comète)
RépondreSupprimerOuf, je me sens moi seule. J'ai essayé de relativiser mais je dois admettre que j'ai détesté aussi cette lecture. Je viens de lire ta recension du Marin rejeté par la mer et je pense que je ne le lirai pas. Merci de m'épargner une autre lecture difficile.
SupprimerMerci pour la présentation de ce grand classique. En te lisant, je crois que je vais plutôt poursuivre ma découverte de La Mer de la fertilité. Au plaisir!
RépondreSupprimerJ'ai vu que tu as beaucoup apprécié l'histoire d'amour dans Neige de printemps et le style de Mishima... mais je ne suis pas tentée de te suivre.
SupprimerTu es la 2e à ne pas trop avoir apprécié Mishima. Et moi, je vais continuer à ne pas le lire -;)
RépondreSupprimerComme dans Le marin rejeté par la mer, les jeunes personnages sont laids et méchants. L'ambiance est très malsaine et je suis sentie mal à l'aise.
Supprimerc'est le genre de lecture qui m'a fait longtemps penser que je ne finirai jamais un roman japonais. La littérature contemporaine m'a un peu réconciliée avec les écrivains japonais mai sil y a encore quelques ratés .
RépondreSupprimerJe suis d'accord. Les écrivains japonais contemporains me semblent plus abordables. Il y a aussi beaucoup d'auteurs "feel good" depuis quelques années.
SupprimerJe ne connais pas du tout, mais pour le lire, il faudrait d'abord que je me réconcilie avec la littérature asiatique...
RépondreSupprimerCe roman là n'est peut-être pas l'idéal dans ce cas. Je te recommande plutôt Aki Shimazaki, une québécoise d'origine japonaise qui écrit en Français
SupprimerJ'avais entendu parler des côtés dérangeants de Mishima que ta lecture confirme. Pourtant, je garde un très beau souvenir du Tumulte des flots, qui semble plus s'approcher de Neige de printemps. C'est incontestablement un auteur ambivalent !
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu Neige de printemps mais Nathalie (Madame lit) semble l'avoir beaucoup apprécié
SupprimerJe n'ai toujours pas lu cet auteur japonais, moi qui adore pourtant la littérature japonaise, mais ce que tu dis de ce roman (ambiance malsaine, lecture malaisante) m'a toujours fait craindre de l'aborder. Le billet d'Ingannmic avait réussi à me convaincre mais là j'hésite à nouveau.
RépondreSupprimerIl faut peut-être tester par toi-même. Nathalie et Ingannmic sont plus positives que Comète et moi
SupprimerL'ambiance malsain et la vision du handicap risquent trop de me déranger pour que je me lance dans cette lecture mais merci pour ton avis qui m'a donné un aperçu de l'histoire.
RépondreSupprimerTant mieux si je peux rendre service. Parmi les auteurs classiques japonais, je préfère Natsume Sôseki. J'ai beaucoup aimé "Je suis un chat", par exemple
SupprimerJe n'ai jamais lu Mishima et ton billet ne donne pas envie de m'y mettre ! En même temps, d'autres lectrices sont plus positives.
RépondreSupprimerMon avis est tout personnel. Et puis, je serais curieuse de connaître ton opinion sur Mishima.
SupprimerVoilà un classique que j'ai lu il y a déjà un certain temps. Ta chronique me remémore certains passages chocs que j'avais trouvé très durs...J'avais lu aussi "Neige de printemps" et certaines de ses nombreuses nouvelles dont j'ai oublié le titre, ça date un peu à présent. Est ce un signe je n'ai plus jamais rien lu de cet auteur japonais depuis et je me suis tournée vers d'autres plus accessibles.
RépondreSupprimerA force de lire les avis des uns et des autres, j'ai l'impression que c'est très tranché. On adore ou on déteste
SupprimerJ'ai choisi un titre court après avoir lu des avis sur plusieurs de ses titres, soupçonnant pour la plupart d'entre eux que je n'y trouverais pas mon compte... celui que j'ai lu est sans longueurs, mais si comme toi j'ai apprécié le style, le contenu m'a laissée dubitative...
RépondreSupprimerJ'ai vu que ta lecture était un peu mitigée mais plus enthousiaste que la mienne.
SupprimerTon billet est intéressant mais confirme malheureusement que ce n'est pas encore domaine la veille que je vais me pencher sur la littérature japonaise (classique du moins)...
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé Natsume Sôseki et je crois que Keisha aussi (peut-être Electra également mais je ne suis plus certaine)
SupprimerComme toi, j'avais peiné à lire ce roman. Je n'en garde pas un souvenir exceptionnel, et je n'ai rien lu d'autre de l'auteur.
RépondreSupprimerC'est très particulier. Je ne pense renouveler l'expérience tout de suite
SupprimerJe ne peux que te conseiller ses nouvelles (d’ailleurs je n’aurais jamais cru pouvoir recommander un jour des nouvelles japonaises à quelqu’un. Comme quoi, tout est possible !). Par contre je ne vais pas aller plus loin, notamment après avoir lu certains de vos avis :)
RépondreSupprimerJe crois que Folio en publie quelques unes mais je vais attendre un peu
SupprimerIl y a chez Mishima à côté de sa grande poésie et de son écriture sublime, une sorte de distorsion de la pensée qui rend les comportements et les raisonnements de ses personnages totalement opaques.
RépondreSupprimerc'était opaque pour moi, en effet. Je ne suis pas sûre de retenter l'expérience tout de suite
SupprimerJ'avais débuté ma découverte de la littérature japonaise il y a des années avec des auteurs de ces années là, et j'avais arrêté là, avec les mêmes ressentis que tu exprimes. depuis j'ai découvert d'autres auteurs et autrices je me suis réconciliée avec (une partie au moins) de la littérature japonaise.
RépondreSupprimerBonjour Choup et merci pour ton commentaire. J'ai découvert aussi quelques auteurs japonais qui me plaisent davantage que Mishima ou plus facile d'accès.
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