La longue marche des éléphants. Dumontheuil & Troubs
En 2015, le Centre de conservation des éléphants, à Sayaboury au Laos, organisait un périple de 500 km à travers le pays pour mobiliser l’opinion publique internationale. Il s’agissait aussi de sensibiliser la population locale à la nécessité de protéger l’animal, son écosystème, mais aussi le patrimoine culturel et les pratiques ancestrales qui lui sont liée.
Le pachyderme a longtemps été le symbole du pays (il a figuré sur le drapeau laotien jusqu’en 1975). L’animal vivait en parfaite symbiose avec les paysans, qui l’utilisaient pour des tâches quotidiennes légères comme le transport du riz ou du bois de chauffe. Mais depuis une vingtaine d’années, les éléphants sont surexploités. Ils travaillent de longues heures sur les chantiers de bûcheronnage et n’arrivent plus à se reproduire. L’expansion humaine et le tourisme, la déforestation du pays, le braconnage, le trafic de l’ivoire et les abus en tous genres ont eu un impact très négatif sur la population animale. Aujourd’hui le "Pays des millions d’éléphants", en compte moins d’un millier. Le savoir faire des Cornacs se perd et les hommes deviennent de plus en plus violents avec les pachydermes.
Dans ce contexte, le directeur du Centre de conservation, Sébastien Duffillot, a demandé à deux auteurs de bande dessinée de suivre la caravane depuis Paklay, son point de départ, jusqu’à Luang Probang, sa destination finale, en passant par Sayaboury et Hongsa. La procession des éléphants était accompagnée par le personnel de l’ONG mais aussi (petite surprise) par la troupe du Royal de Luxe. Il faut dire que l’ambiance était à la fête puisque la ville de Luang Pradang célébrait son 20ème anniversaire au classement du patrimoine mondial de l’Unesco. C’était l’occasion rêvée pour interpeller les officiels au sujet du patrimoine naturel du Laos, sa biodiversité et ses éléphants en danger de disparition.
Cet album est donc le résultat d’un travail à quatre mains. Son originalité tient au fait que chaque partie de l’album reflète la sensibilité d’un seul illustrateur. Nicolas Dumontheuil est arrivé en même temps que l’équipe de tournage et a suivi tout le trajet de la caravane à pied. Son récit, en première partie de la bande dessinée, se focalise donc sur cette expérience. Jean-Marc Troubet (alias Troubs) les a rejoints à la toute fin du voyage. Son témoignage, dans la seconde partie de l’album, se concentre sur le travail de préservation quotidien du Centre de conservation des éléphants à Sayaboury.
Bien sûr l’objectif de cette bande dessinée est avant tout pédagogique. Néanmoins, les auteurs nous offrent des témoignages très personnels, qui suscitent beaucoup d’émotions et d’empathie envers les éléphants. Les animaux, comme les hommes qui s’en occupent (les Cornacs et l’équipe de l’ONG), ne sont pas des individus anonymes. Par ailleurs, dans les villages traversés, on peut sentir l’affection des populations pour les pachydermes.
J’ai eu envie de savoir évidemment comment la situation avait évolué pour les éléphants du Laos depuis la campagne de 2015. J’ai trouvé ces informations sur le site du Centre de conservation des éléphants et j’ai pu constater que de nouveaux animaux ont rejoint le refuge. Chacun possède sa carte d’identité avec son nom, son âge et son histoire. L’association accueille aujourd’hui 34 éléphants domestiques et 50 éléphants sauvages sur le territoire de la réserve, soit 6000 hectares de forêts protégées. Le sujet est très sensible et une autre BD est paru sur le même thème : Un Million d’éléphants de Jean-Luc Cornette et Vanyda (Futuropolis, 2017).
💪J'ai lu cet album dans le cadre du Challenge dédié à l'Asie du Sud-Est chez Sunalee.
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📌La longue marche des éléphants. Nicolas Dumontheuil et Troubs. Futuropolis, 88 pages (2017)
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