Journal inquiet d’Istanbul, T.01. Ersin Karabulut

Journal inquiet d’Istanbul, T.01. Ersin Karabulut

Né en 1981 à Istanbul, Ersin Karabulut a débuté sa carrière comme caricaturiste dans la presse satirique turque. En France, il n’est pas tout à fait inconnu puisqu’il a déjà publié deux albums chez Fluide glacial. Abandonnant les touches fantastiques des Contes ordinaires d'une société résignée et de Jusqu'ici tout allait bien..., il nous livre cette fois une autobiographie pleine d’humour qui n’en évoque pas moins un long pan de l’histoire contemporaine de son pays.

 

Journal inquiet d’Istanbul, T.01. Ersin Karabulut. P30-31


Ersin Karabulut raconte son enfance avec sa sœur aînée et ses parents, tous deux enseignants et kémalistes convaincus. Ils vivent les faubourgs modestes d’Istanbul où le radicalisme religieux est plus prégnant que dans les districts de la rive européenne du Bosphore comme le quartier bobo de Beyoğlu. Le garçon s’évade à travers les aventures de ses courageux héros de papier : Astérix, Tintin, Popeye, Superman, Lucky Luke, etc. En grandissant, il se rêve auteur de bande dessinée à l’image de ses dessinateurs favoris. Son père craint les représailles politiques et le convainc de changer d’orientation. Le jeune homme suit des cours privés et prépare le concours d’ingénieur sans grande conviction. Parallèlement à ses études, il commence à publier des dessins (à ses frais) dans divers magazines populaires. Un choix de carrière va s’imposer à lui au moment où le climat social et religieux devient de plus en plus oppressant. Un certain Recep Tayyip Erdoğan, ancien maire d’Istanbul (1994-1998), fonde l’AKP, le parti de la justice et du développement, puis devient premier ministre avant de gagner les élections présidentielles. Son discours se fait de plus en plus inquiétant pour les citoyens démocrates et laïcs comme Ersin et sa famille.  


Journal inquiet d’Istanbul, T.01. Ersin Karabulut. P44-45

Ce Journal inquiet d’Istanbul est destiné, semble-t-il, à devenir une trilogie. Ersin Karabulut, qui a déjà publié de nombreuses compilations de BD dans son pays, reprend en fait des séquences de sa rubrique "Sandık içi" ("Du fond du cœur") publiée dans l’hebdomadaire turc Penguen, à partir de 2002.  Son travail n’est pas sans rappeler celui de Marjane Satrapi dans Persépolis ou de Riad Sattouf dans L’Arabe du futur. Pour ma part, j’ai adoré les saynètes à hauteur d’enfant. Celles, par exemple, où il s’imagine que tous les adultes dessinent chez eux le soir en rentrant du boulot ou lorsqu’à l’adolescence, il fantasme sur le métier d’illustrateur. . Il y a également un passage très drôle où il raconte comment les éditeurs turcs adaptaient les BD occidentales au format désiré en allongeant les cases et en complétant les blancs ainsi créés.


Journal inquiet d'Istanbul T1- P10-11

Ersin Karabulut m’a semblé sincère et honnête dans cette biographie car il ne cache ni ses défauts, ni ses peurs ni ses erreurs. Les illustrations sont plutôt rafraîchissantes. J’adore le portrait qu’il fait de lui : un gamin aux yeux globuleux avec les oreilles décollées et des dents en dentelle. Il n’est pas plus flatteur lorsqu’il se représente à l’aube de la quarantaine, un peu bedonnant et le cheveu clairsemé ! Son analyse sur l’histoire politique et religieuse de son pays m’a semblée plutôt clairvoyante. Son roman graphique est une manière plus légère (que l’essai) d’aborder l’histoire contemporaine turque. Vivement la suite !


Journal inquiet d’Istanbul, T.01. Ersin Karabulut. P6-7

 

Journal inquiet d’Istanbul, T.01. Ersin Karabulut. Dargaud, 152 p. (2022)


Commentaires

  1. Vu en vente, j'avais bien envie. Merci de ta présentation.

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  2. C'est une bonne BD qui permet d'en savoir un peu plus sur la Turquie. On ne sait pas si l'auteur a choisi de travailler dans les journaux satiristes par conviction, pour embêter ses parents ou pour séduire les femmes mais ce n'est pas grave puisque le résultat est là.

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  3. Je veux lire cet album depuis sa sortie! Ton article renforce mon envie, merci!

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    1. oui vraiment j'ai beaucoup aimé ce roman graphique qui a à la fois une approche intimiste et historique.

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  4. Oui, nos avis se rejoignent tout à fait. J'ai vraiment aimé cette BD et pour les mêmes raisons que toi.

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