Kornwolf. Tristan Egolf

Kornwolf. Tristan Egolf


Peut-être avez-vous remarqué que je ne suis pas du genre à m'enthousiasmer facilement pour un livre ou un auteur. Il n'empêche qu'il m'arrive de m'enticher d'une œuvre ou d'un écrivain. Tristan Egolf fait partie de ceux-là. Malheureusement, le jeune auteur américain s’est suicidé en 2005 et Kornwolf est un titre posthume, paru après le fameux Seigneur des porcheries et le moins connu Jupons et violons

Tristan Egolf raconte l'histoire d'Owen Brynmor, sans doute son alter ego, jeune journaliste rentré au pays après une carrière professionnelle tumultueuse et une vie quelque peu débridée. Stepford est une petite ville du "Pennsyltucky", une zone rurale située, sur la ligne Mason/Dixon, entre Philadelphie et Pittsburgh. Les Américains eux-mêmes considèrent cette région comme l’une des plus arriérée de l'Amérique profonde. Elle doit son nom à la migration massive, à la fin du 19ème siècle, des Pennsylvaniens de l’Ouest vers le Kentucky. C'est le refuge de nombreuses communautés religieuses, parmi les plus rigoristes. Ainsi, outre les péquenots qu'on s'attend à y rencontrer, on y croise un grand nombre de clans mennonites, notamment des Amish (appelés ici les "Gens simples" ou les "Teutons") qui appartiennent au très rigoureux Ordre Ancien (ou Vieil ordre). Ils vivent à l’écart de la société moderne, et parlent une sorte de patois allemand.

Sitôt embauché comme reporter au sein du journal local, le Stepford Daily Plea, Owen est contacté par le garde forestier. Celui-ci détient les photos d'une créature qui ne ressemble à rien de connu. S'agit-il d'un canular ? Le montage, en tout cas, est remarquable. Par ailleurs, plusieurs dépêches font état d'étranges phénomènes dans toute la Cuvette, ainsi que les habitants nomment leur territoire. Le jeune citadin mène son enquête, interroge les témoins, fouille dans les archives du Quotidien et exhume une vieille histoire qui le conduit bientôt sur la piste du "Kornwolf", une ancienne légende allemande. Son article est un succès, les journaux nationaux en font leurs choux gras, tandis que les abonnés mécontents abreuvent la rédaction d'appels téléphoniques alarmistes ou moqueurs et de courriers insultants.

Parallèlement à ces évènements, un jeune Amish atteint de mutité, Ephraim Bontrager, crée une émeute sur la route nationale en tentant de bloquer un camion avec sa calèche. En dépit de sa farouche résistance, les flics parviennent à l'embarquer, lui administre une raclée, le colle au trou et finissent par le relâcher discrètement. En dehors de la bavure policière, l'incident est d'autant plus marquant que les Amish sont généralement pacifistes et non-violents. On apprend plus tard, que la mère d'Ephraim est morte en couche et que son père, ministre du culte au sein de la communauté mennonite, est un ivrogne notoire qui le bat régulièrement.

Voilà le décor est planté. Tristan Egolf s'est ingénié à remuer les ordures de l'Amérique profonde avec le même talent que dans le Seigneur des porcheries. Car il ne s'agit pas ici de conter une simple légende emprunte de folklore campagnard et religieux. L'écrivain a brossé un portrait saisissant des communautés qui se côtoient dans ce "Pennsyltucky" arriéré et violent. Ce roman confirme, s’il était encore nécessaire, le talent de cet écrivain disparu trop tôt. 

📌Kornwolf : Le démon de Blue Ball. Tristan Egolf, traduit par Francesca Gee. Folio, 496 pages (2010)


Commentaires

  1. "Le Seigneur des porcheries" est inscrit sur ma LAL depuis trois éternités et je n'ai toujours pas découvert cet auteur...

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    1. Si tu as Le seigneur des porcheries chez toi, je te recommande vraiment de le lire. C'est tout ce que j'aime dans la littérature américaine : une bourgade du Midwest avec ses paumés et les histoires qui en découlent.

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  2. Il est certain qu'un auteur qui se suicide jeune donne envie de découvrir ce qu'il avait à nous dire. Mais écrire la noirceur de l'Amérique ne doit pas aider à vivre, ni donner le moral ?

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    1. L'auteur ne brosse pas un portrait flatteur de l'Amérique mais ce roman n'est pas dénoué d'humour

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  3. Tiens tiens ça m'a l'air bien, ces coins paumés de l'est ...

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    1. Egolf est sans concession. il n'épargne personne même pas les Amish que j'imaginais plutôt tranquilles

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  4. Je n'ai jamais lu cet auteur . Encore une histoire très sombre non ?

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    1. Le sujet traité est sombre mais l'intrigue est rythmé et il y a même des passages qui prêtent à sourire

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  5. Une lecture qui a l'air assez sombre et immersive ! Je n'ai jamais lu l'auteur mais je serais curieuse de découvrir son style qui semble porteur d'une certaine acuité.

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    1. oui, absolument. Le romancier a un regard très aiguisé sur cette population de l'Amérique profonde. Il en montre la noirceur mais cela n'exclut pas l'humour

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  6. PHILIPPE3.11.24

    Un auteur qui m'est tout à fait inconnu...

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    1. Dans ce cas, je te conseille de commencer par Le seigneur des porcheries

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  7. Encore un auteur que je n'ai pas lu! C'est infernal.

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    1. C'est ce que je me dis très souvent mais je commence à me faire à l'idée que je ne pourrais jamais tout lire ! C'est un peu frustrant bien sûr. En tout cas, Tristan Egolf fait partie des auteurs qui méritent l'intérêt

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  8. J'aurais pu écrire le commentaire de Sandrine mot pour mot.^^ Mais du coup ton billet me motive bien à enfin le sortir de ma LAL.

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    1. Oui, cet écrivain vaut vraiment le détour. Je te recommande de commencer par Le Seigneur des porcheries. Si tu l'as dans ta PAL, ça tombe bien.

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  9. On dirait que mon commentaire n'est pas passé...
    J'y écrivais que j'ai adoré Le seigneur des porcheries, qui est un de mes romans préférés... et j'avais beaucoup aimé également ce Kornwolf.

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    1. J'ai mis Egolf aussi dans la liste de mes écrivains préférés

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  10. Voilà un écrivain que je ne connais que de nom car j'avais noté dans un carnet "le seigneur des porcheries". Il faudra que je me décide au moins à regarder ce que la médiathèque possède, mais celui ci a l'air tout de même assez sombre, encore un portrait de l'Amérique qui n'est pas très flatteur...

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    1. Il faut aimer l'humour noir mais c'est une peinture intéressante de l'Amérique profonde

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  11. je dois le lire depuis des siècles, surtout que je connais bien les Etats-UNis pour y avoir vécu, et avoir croisé les Amish et autres communautés (ils viennent en ville vendre leurs légumes) et certains s'acheter des produits (certains mélangent modernité et ancien temps) bref, je suis même allée dans une communauté (leur pain est vraiment pas bon, du pain apparement venant d'une recette allemande) et je confirme il parle un allemand mais très ancien (j'ai fait 5 ans d'allemand et je ne comprenais rien)
    enfin bref tu m'as encore une fois convaincu que je dois me procurer ses romans !

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    1. Quand j'étais aux Etats-Unis, les magasins bio proposaient beaucoup de produits venant des communautés Amish.

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