Le général de l'armée morte. Ismaël Kadaré

Le général de l'armée morte. Ismaël Kadaré


Le 1er juillet 2024 nous avons appris la mort du plus grand écrivain albanais contemporain. Cléanthe propose aujourd’hui de lui rendre hommage au travers d’une lecture commune. Pour ma part, j’ai choisi le premier roman d’Ismaël Kadaré, celui qui l’a fait connaître en France. Le général de l'armée morte est paru en 1963, en Albanie, et sept ans plus tard chez Albin Michel. Il a été remanié plusieurs fois et cela se voit dans sa composition. Les chapitres numérotés alternent avec les chapitres sans numéro. Pour autant, cela ne gêne en rien la lecture et l’ouvrage reste parfaitement cohérent.

L’intrigue nous conduit vingt ans après la seconde guerre mondiale. Un général italien et un prêtre sont mandatés par l’armée pour retrouver les dépouilles de leurs soldats morts sur le champ d’honneur en Albanie. Parmi eux, il y a un énigmatique colonel Z dont la famille éplorée fait pression sur nos deux protagonistes. Ils ne sont pas les seuls. Avant son départ pour l’Albanie, notre personnage principal voit défiler dans son salon un nombre impressionnant de ses compatriotes qui espèrent donner une sépulture décente à un fils, un mari ou un père.  

film Luciano Tovoli Le general de larmee morte 1983
La mission du général va s’avérer particulièrement éprouvante et le prêtre lui apporte peu de réconfort. Alors, il boit et crée parfois des incidents avec la population locale. Les deux hommes sont confrontés à des situations rocambolesques qu’ils essaient de surmonter avec dignité sans toujours y parvenir. Sans compter qu’une seconde équipe, dont le lecteur comprend qu’il s’agit des anciens alliés allemands, effectuent un travail similaire pour leur pays. Ils sont moins méticuleux, pressés d’en finir, quitte à emporter les ossements de soldats étrangers. 

Ce roman est court (environ 300 pages) mais il m’a fallu beaucoup de temps pour le lire et le digérer. L’auteur omet de mentionner les noms et les nationalités. Ce floue volontaire favorise un sentiment d’étrangeté macabre. Les paysages et la météo semblent à l’unisson de cette ambiance et même l’ironie de l’auteur peine à alléger l’atmosphère pesante qui s’impose dans cette histoire. Les Albanais apparaissent comme un peuple fier mais rustre et vindicatif. Le poids de la tyrannie communiste d'Enver Hoxha (1908-1985) nous apparait en filigrane.

Né à Gjirokastër (comme Enver Hoxha), Ismaël Kadaré a fui son pays en 1990 pour s’exiler en France. Après la chute de la dictature albanaise et la disparition de l’Union soviétique, l’écrivain albanais a partagé sa vie entre Paris et Tirana. Son œuvre monumentale et protéiforme a été récompensée par des prix prestigieux, dont le Man Booker International Prize (2005), le Prix Prince des Asturies (2009), Prix Jérusalem (2015) et le Prix Neustadt (2020). On peut mentionner quelques titres parmi lesquels Avril brisé (roman), Invitation à un concert officiel et autres récits (nouvelles), Mauvaise Saison sur l'Olympe (théâtre), Le Crépuscule des dieux de la steppe (récit autobiographique) ou Pachas rouges (poésie). 

📚Sur les autres blogs : L’Hiver de la grande solitude chez Cléanthe, Avril Brisé chez Patrice, Le dossier H chez Nathalie et Le dîner de trop chez Miriam

📌Le général de l'armée morte. Ismaël Kadaré, traduit par Jusuf Vrioni. Le Livre de Poche, 288 pages  (1988).


Commentaires

  1. nathalie1.10.24

    Totalement d'accord sur ce flou macabre, cette atmosphère lourde et malsaine qui englobe tout le livre. C'est par ce titre que j'ai commencé à lire Kadaré il y a quelques années.

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  2. Je n'ai jamais lu cet auteur, je crois qu'il me manquerait des clefs de compréhension...

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    1. Je ne connais pas bien l'histoire de l'Albanie mais ce n'est pas nécessaire pour lire ce roman.

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  3. Encore un billet passionnant. Décidément, tous les romans de Kadaré me font envie, et je pense poursuivre à titre personnel cet hommage à l'écrivain au-delà de cette journée. Merci pour ta participation!

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    1. Apparemment nous avons tous choisi un livre différent et c'est très bien comme ça.

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  4. Je n'ai pas lu ce roman d'Ismail Kadaré, mais d'autres que j'ai beaucoup aimés... étranges souvent, mais prenants !

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  5. mon préféré de cet auteur vous me donnez envie de le relire !

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  6. Ca ne semble pas le plus facile de ses romans... Pour une première lecture de cet auteur, je me tournerai sans doute vers un autre titre plus accessible.

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    1. Je ne le connaissais pas du tout. Si tu as des conseils, je suis preneuse.

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  7. Une lecture qui ne m'avait pas convaincue.

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    1. J'ai mis du temps à entrer dans ce roman. L'atmosphère est très étrange, assez glauque

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