Ru. Kim Thúy
Ru, le premier roman de Kim Thúy est sorti au Canada en 2009 où il a reçu un excellent accueil avant d’être traduit dans plusieurs langues. Il a été porté à l’écran en 2023 par le réalisateur québécois Charles-Olivier Michaud. Roman d'inspiration autobiographique, selon son auteur, ou opus poétique, selon d'autres, Ru tient son originalité de sa forme. La construction du livre fait penser à un journal intime, composé de courts chapitres (2 pages au maximum) où Kim Thúy laisse vagabonder ses pensées, évoquant l'histoire de sa famille depuis l'offensive du Têt, pendant la guerre du Vietnam, jusqu'à aujourd'hui. Les entrées de chaque chapitre reprennent la dernière idée du précédent à la manière d'une ritournelle : "Ru", signifie "petit ruisseau" en français, et "berceuse" en vietnamien.
Comme la narratrice de Ru, Nguyễn An Tịnh, Kim Thúy est née en 1968 à Saigon (renommée Hô-Chi-Minh-Ville en 1975). Issue d'une famille aisée, elle se joint à un convoi de 200 Boat People et quitte son pays natal à l’âge de 10 ans. Après une longue escale dans un camp de réfugié en Malaisie, la petite fille, accompagnée de ses frères et de ses parents, débarque dans la bourgade de Granby au Québec. En dépit de la générosité de ses habitants, le fossé culturel est grand entre les rescapés du golfe de Siam et les bons samaritains des Cantons-de-l'Est. La petite fille ne sait ni parler français, ni se servir d'une fourchette, ni faire la différence entre les vêtements d'été et ceux d'hiver. Temporairement sourde et muette, puis un peu aveuglée par le grand rêve américain, elle poursuit néanmoins sa route, guidée par sa mère, sa maîtresse canadienne, sa copine de classe, ses voisins et son innombrable parentèle (cousins, cousines, tante et oncle numérotés par ordre de naissance, ainsi que le veut la coutume vietnamienne).
Kim Thúy vit aujourd'hui à Montréal. Avant de se mettre à l'écriture, elle a exercé de nombreux métiers (couturière, traductrice, interprète, avocate et restauratrice). Son récit est empreint de mille sensations (odeurs, couleurs, images, etc.) qui sont autant de prétextes à évoquer ses souvenirs d'enfance, mais aussi sa vie de femme et de mère. La guerre du Vietnam est à la fois omniprésente et absente. Fugace image d'horreur, elle cède toujours la place aux anecdotes familiales. La réquisition de la demeure familiale par les soldats communistes se transforment en une scène pleine de fraîcheur au cours de laquelle un jeune militaire, confondant les soutiens gorges importés de France, s'interroge sur la nécessite de posséder autant de filtres à café... doubles, qui plus est ! Plus loin, elle s'amuse gentiment de la naïveté de son professeur Nord-américain, qui lors d'une sortie éducative, se propose de faire découvrir les mouches à ses élèves vietnamiens... les mouches, ils les ont côtoyées par grappes entières dans les insalubres camps malaisiens. Kim Thúy évoque ses héros, comme ce petit garçon pauvre qui aurait pu voler l'or que les parents de Tịnh/ Kim avait caché en prévision de leur fuite, et s'offrir une vie meilleure. Il n'en a rien fait, risquant même sa vie pour le leur remettre en main propre à la barbe des soldats communistes. Kim Thúy émeut profondément, tantôt avec humour, tantôt avec poésie ou, à l'inverse avec une grande économie de mots, parfois même avec sécheresse.
💪Cette recension me permet de proposer une nouvelle suggestion de lecture dans le cadre du challenge consacré aux Littératures d’Asie du Sud-Est chez Sunalee.
Ce billet est recyclé de mon ancien blog.
📌Ru. Kim Thúy. Liana Levi, 144 pages (2010)
J'avais beaucoup aimé "Vi" de la même autrice, je devrais lire celui-ci aussi !
RépondreSupprimerSi je ne me trompe pas, il y a encore Mãn, Vi et Em. Je pense continuer aussi mais la biblio municipale ne les a pas tous.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé cette lecture. Je n'ai rien lu d'autre depuis, il faudrait que j'y pense.
RépondreSupprimerL'autrice à écrit encore 3 autres romans. Ils sont tous assez courts
SupprimerBon souvenir, ensuit j'en ai lu un autre (heu, lequel? ^_^)
RépondreSupprimerLe suivant c'est Mãn, je crois. Je ne sais pas s'il faut les lire dans l'ordre
Supprimerj'ai tant aimé ce roman et l'écriture de cette grande écrivaine.
RépondreSupprimerParmi les autrices d'origine vietnamienne, j'ai beaucoup aimé aussi Duong Thu Huong. Tu l'as lu ?
Supprimerun point de vue intéressant sur ces pages de l'histoire !
RépondreSupprimerOui, il n'y a pas tant de romans que ça sur le Vietnam (si on exclu les livres des Américains sr la guerre).
SupprimerJe l'avais lu aussi pour ce challenge. La narration par bribes m'avait un peu perdue mais j'en garde un bon souvenir dans l'ensemble.
RépondreSupprimerJe n'avais pas le lien vers le récapitulatif du challenge, du coup, j'ai oublié de signaler ta chronique. Je viens de corriger. Et j'ai vu au passage que nous avons relevé la même anecdote!
SupprimerJ'aimerais bien voir le film et lire ce roman d'inspiration autobiographique dont la forme m'attire et dont le fond semble t'avoir convaincue. J'imagine la difficulté de tout quitter pour un pays et ses coutumes si éloignés des siennes...
RépondreSupprimerPour avoir vécu quelques temps à l'étranger, je confirme que ce n'est pas toujours facile... mais tellement enrichissant. Evidemment mon expérience ne ressemble en rien à celle de l'autrice. Je n'ai pas quitté mon pays par nécessité.
SupprimerJe l'ai lu il y a longtemps et, si je l'avais aimé, j'ai en revanche totalement oublié cette histoire de soutien-gorges très cocasse malgré le contexte glauque.
RépondreSupprimeroui, c'est fort d'arriver à faire de l'humour dans un tel contexte. On ne saura jamais si la scène est véridique ou pas
SupprimerJe trouve qu'elle a une très belle écriture, très poétique.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup apprécié aussi son style
SupprimerLa rencontre des deux cultures pourrait vraiment me plaire.
RépondreSupprimerdans ce cas, je te recommande vivement ce livre
SupprimerUn très beau souvenir de lecture et une autrice très sympathique !
RépondreSupprimeroui, j'ai bien envie de continuer à lire son oeuvre
SupprimerC’est une belle découverte que ce roman qui semble tout en subtilité et en délicatesse. Un roman certainement plus facile à lire que ceux de Duong Thu Huong !!!
RépondreSupprimerLes romans de Duong Thu Huong sont souvent des pavés et son regard est très différent, c'est vrai
SupprimerIl pourrait me plaire en effet et je ne connaissais pas du tout cette autrice, en plus j'ai vu qu'il y avait plusieurs de ses romans dans ma médiathèque en ville...dont celui-ci je l'ai donc noté. Merci de me donner envie
RépondreSupprimerSes romans sont courts. Si en plus, ils sont dispos à la bibli, ça vaut le coup d'essayer
SupprimerMoi aussi, j’ai choisi Kim Thuy pour les lectures chez Sunalee ; malgré la très belle écriture j’ai rendu le livre sans l’avoir fini - le sujet était trop dur pour moi. Mais ce n’est que partie remise, car vos avis sont unanimes.
RépondreSupprimerSi tu cherches quelque chose de plus distrayant sur le Vietnam, il y a les sœurs Thanh-Van et Kim Tran-Nhut. Elles ont écrit une série policière à quatre main : Les enquêtes du mandarin Tân. J'aime beaucoup personnellement
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