Le bureau d'éclaircissement des destins. Gaëlle Nohant
Je ne connaissais pas du tout l’existence des Archives d’Arolsen avant d’ouvrir ce roman. Huit décennies après la seconde guerre mondiale, ce centre de documentation et d’information sur les victimes du nazisme reçoit chaque année plusieurs milliers de requêtes de leurs descendants. Ironie perverse de l’Histoire, ses locaux sont implantés sur le site de l’ancienne ville de garnison hessoise de Bad Arolsen, lieu de résidence du prince Josias de Waldeck-Pyrmont, membre du parti nazi et haut responsable du camp de Buchenwald. L’autrice nous apprend, par ailleurs, que la gestion de l’organisme, d’abord placée sous l’égide de la Haute Commission Alliée et de la Croix Rouge, a été mise à mal par les contraintes financières, le déni d’une partie du peuple allemand et les conséquences de la guerre froide.
L’héroïne de ce roman est une expatriée française, Irène Meyer, divorcée d’un Allemand et mère d’un jeune homme appelé Hanno. Elle est archiviste. En 2016, elle se voit attribuer une mission supplémentaire, à savoir restituer à leurs propriétaires légitimes ou à leurs héritiers, les objets trouvés dans les camps de concentration et conservés depuis les placards du centre de recherche. La tâche est aussi difficile qu’il y parait. Les indices sont rares et il faut les exhumer des centaines de milliers de fichiers qui nécessitent parfois l’utilisation de la phonétique. Un petit pierrot en tissu la conduit sur la piste de Lazar Engelmann, un menuisier tchèque rescapé de Treblinka. Un médaillon, restitué par les parents d’une ex gardienne de camp, va lui permettre de retrouver la trace d’un enfant enlevé à ses parents polonais dans le cadre du Lebensborn (la germanisation des orphelins). Un mouchoir brodé par des prisonnières lui est transmis par une survivante des Kaninchen de Ravensbrück (littéralement les lapins de Ravensbrück, c'est à dire les victimes des expérimentations médicales). Irène mène toutes ces quêtes de front alors que l’une d’entre elles la touche personnellement. Elle a été sollicitée par les parents d’Eva Volmann, une rescapée d’Auschwitz qui avait choisi de rester en Allemagne et de travailler pour l’International Tracing Service. Irène entretenait avec elle une relation amicale pudique mais sincère. Ses recherches la confrontent à toutes les horreurs de la persécution nazie. Elle n’hésite pourtant pas à pister des fantômes jusque sur les sites des camps de concentration. Elle ira à Varsovie mais aussi à Paris et Berlin pour rencontrer leurs familles, dont certains ignorent jusqu’à leur ascendance juive.
Ecrire une fiction sur les crimes de guerre et la Shoah est un exercice difficile. Je trouve que Gaëlle Nohant ne s’en sort pas mal. Je me serais sans doute bien passée de la romance entre Irène et l'un de ses contacts mais elle arrive assez tardivement dans l’intrigue pour ne pas m’agacer outre mesure. Les victimes sont presque toutes exemplaires voire héroïques et leurs descendants n’inspirent que de l’empathie. Je comprends ce choix de l’autrice car l’intrigue est trop pesante et pose suffisamment de questions. Il n’est pas besoin d’en rajouter une couche avec des gens antipathiques ou des causes discutables. Pour moi, c’est le travers nécessaire du romanesque par rapport à la vraie vie.
📚Lecture commune avec Sunalee, Fabienne et Keisha. Et aussi les avis de Sandrine, Athalie et Eimelle qui ont lu le livre avant nous.
📌Le bureau d'éclaircissement des destins. Gaëlle Nohant. Le livre de Poche, 432 pages (2024)
Commentaires
Je suis née à une période où l'horreur de la Shoah et des camps était un choc et une souffrance, aussi c'est avec une immense tristesse que je vois re-poindre le nez d'un nouveau ou plutôt de nouveaux nazismes.