La Longue-vue. Elizabeth Jane Howard
Je n’ai pas lu les "Cazalet" d’Elizabeth Jane Howard parce que je ne suis pas grande amatrice de sagas qui s’étendent sur plusieurs volumes. Aussi, lorsque les éditions du Quai voltaire ont décidé de rééditer également La Longue-vue, le second roman de l’autrice britannique, j’ai pensé que c’était le bon moment pour découvrir son œuvre. Pour avoir lu la critique sur le blog Livr’escapades je savais déjà qu’il serait question d’un mariage au sein de la bourgeoisie anglaise du 20ème siècle. Ce n’est pas l’un de mes thèmes de prédilection mais il faut savoir sortir de sa zone de confort de temps en temps. L’ouvrage a été écrit en 1956, et reflète, non sans ironie de la part de la romancière, le contexte et le mode de pensée de l’époque.
« Mais à ce moment les messieurs firent leur entrée, ayant terminé leurs mystérieux conciliabules techniques sur l’argent, le sexe, les instincts meurtriers des Nord-Coréens – terminé de discuter de problèmes fondamentaux de manière aussi superficielle que, dans le salon, les dames avaient traité de manière fondamentale de questions superficielles. Les deux parties s’efforcèrent maladroitement de se mêler l’une à l’autre, et au bout d’une demi-heure la soirée s’acheva. Mr Fleming ne montra aucun signe de vouloir se débarrasser des invités, mais joua ostensiblement les hôtes en les raccompagnant jusqu’à la porte, laissant Mrs Fleming dans le salon. »
L’héroïne, Antonia Fleming, vit
dans le quartier huppé londonien de Campden Hill Square. Elle donne un dîner
pour les fiançailles de son fils Julian avec la candide June Stocker. Cet
évènement est l’occasion pour cette séduisante quadragénaire de prendre un peu
de recul par rapport à son passé et d’ausculter son propre mariage avec Conrad
Fleming. L’un des intérêts de ce roman résulte dans le fait que l’autrice a
choisi de présenter les faits selon une chronologie à rebours. Partis de ce
fameux soir de fête de 1950, nous remontons le temps, par étapes, jusqu’aux
années 20. Antonia était alors une jeune fille ingénue, découvrant l’amour, ses
pièges, ses trahisons et ses blessures. Avant
cela, la romancière nous a donné à voir la déliquescence des liens qui unissent
Antonia à Conrad. En remontant encore plus loin dans le passé du couple, elle
montre que le bonhomme a fait tomber le masque dès le soir de sa lune de miel,
se révélant autoritaire et egocentrique, le rôle attendu de son épouse étant
celui de simple faire-valoir.
« Combien de fois, à cette même table, n’avait-elle pas fait obstruction aux sorties de son mari – un peu trop tôt, et il lui en voulait ; un peu trop tard, et les invités en pâtissaient ; le bon moment était peut-être le pire, celui où, comme pour relever le défi, il attaquerait avec plus d’habileté et de méchanceté encore, s’en prenant toujours à ceux qui n’auraient pas l’à-propos ou l’assurance nécessaires pour lui renvoyer la balle (qu’il attendait). Elle avait un jour menacé de le démasquer mais, sans même envisager qu’une telle chose soit possible, il l’avait réduite au silence en disant qu’ils étaient bien placés pour connaître le coût de l’équilibre conjugal, et que le moins qu’ils puissent faire était d’en préserver les autres. Elle n’avait pas exactement peur de lui, mais en vingt-trois ans, il l’avait épuisée et c’est pourquoi elle ne s’était pas risquée à le confondre en public. »
J’ai aimé l’atmosphère très
british de ce roman, l’humour caustique de l’écrivaine et sa capacité à
effeuiller psychologiquement ses personnages jusqu’à la mise à nu leurs
personnalités profondes. En revanche, j’ai trouvé quelques longueurs dans ce
texte. Une fois qu’il était démontré la goujaterie de Conrad, les dialogues et
l’autoanalyse de la narratrice m’ont paru parfois redondants. De fait, en dépit
des grandes qualités littéraires de ce roman et de savoureux passages, je
l’ai terminé en lisant en diagonale.
📚D’autres avis que le mien via
Babelio et Bibliosurf
📌La Longue-vue. Elizabeth Jane Howard, traduite par Leïla
Colombier. Quai Voltaire, 452 pages (2024)
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