Crossroads. Jonathan Franzen

Crossroads. Jonathan Franzen


J’ai raté la parution de tous les livres de Jonathan Franzen : La 27e Ville (The Twenty-Seventh City, 1988), Phénomènes naturels (Strong Motion, 1992), Les Corrections (2001), Freedom (2010), Purity (2015) et Crossroads (2021)*. Il était donc largement temps de rattraper mon retard. L’occasion s’est présentée grâce à une proposition de lecture commune d’Ingannmic. Je découvre donc l’écrivain américain par l’intermédiaire de son 6ème roman. Il s’agit d’une fresque familiale, un grand roman social américain comme je les aime.  

L’essentiel de l’intrigue se déroule entre deux fêtes religieuses, soit Noël 1971 et Pâques 1972. Jonathan Franzen dissèque la psyché des cinq membres de la famille Hildebrandt à New Prospect, une banlieue cossue de Chicago (Illinois). D’une manière ou d’une autre, la vie de chacun d’entre eux est impactée par une association paroissiale pour la jeunesse appelée Crossroad. Sa grande affaire est l’organisation d’un voyage scolaire dans une réserve Navajo, à la frontière de l’Arizona et du Nouveau-Mexique, où les jeunes chrétiens favorisés devront participer à des tâches de construction pour les Indiens dont les terres ont été saccagées par l’activités industrielle des Blancs. A l’origine de ce projet, il y a Russ Hildebrandt, pasteur associé de l’Eglise de la First Reformed bien que né dans une communauté Mennonite de l’Indiana. On apprend au début du roman que Russ a été évincé de l’association à la demande de ses membres. Il en a gardé une rancœur tenace pour son ancien partenaire, Rick Ambrose, 25 ans, jugé plus progressiste (moins ringard) que lui. Ses propres enfants étaient soulagés de le voir exclu de Crossroad. 

Clem, l’aîné de la fratrie, ne fréquente plus l’association depuis qu’il est parti à l’Université. Il a rencontré  la (trop) petite Sharon. Sa relation avec la jeune fille lui a ouvert les portes du plaisir charnel et une fenêtre sur une autre vision du monde. Ces découvertes vont le pousser à reconsidérer le privilège de son exemption de la conscription militaire et donc son engagement dans la guerre du Vietnam. Becky, sa cadette, elle la pom-pom girl de service, celle dont tout le monde veut être l’ami. Elle a rejoint Crossroad pour se rapprocher de Tanner Evans, le séduisant guitariste des Bleu Notes (accessoirement en couple avec la chanteuse du groupe musical). Les motivations qui poussent Perry, le jeune frère âgé de 15 ans, à entrer dans l’association sont un peu plus nébuleuses. Le petit génie de la famille est bourré de névroses et abuse un peu trop des psychotropes même selon ses copains fumeurs d’herbe. Cet ado égocentrique éprouve au moins une tendresse sincère pour son petit frère Judson, unique membre de la famille Hildebrandt à conserver une intégrité morale du fait de son innocence juvénile. Marion, la mère, est en pétard contre son mari. Embrasé par le démon de minuit, celui-ci s’intéresse davantage aux qualités physiques de l’une de ses paroissiennes qu’aux bienfaits matériels et spirituels qu’elle pourrait apporter à la communauté. Aussi, pendant que Russ manigance pour participer au voyage en Arizona avec la belle Frances Cottrell, Marion pète les plombs au cours d’une séance extraordinaire chez sa psychanalyste.

Crossroad est un roman polyphonique et foisonnant. J’ai été complètement happée par les tribulations de cette famille américaine moyenne dans le contexte du début des années 70. C’était une époque charnière pour la libéralisation des mœurs, le renouveau religieux ainsi que la prise de conscience vis-à-vis des minorités Amérindiennes, de la lutte pour les droits civiques et de la guerre du Vietnam.  La conclusion du roman m’a semblée un peu abrupte mais j’ai découvert ensuite qu’il s’agit d’un cliffhanger voulu par l’auteur. Crossroad est en effet le premier volet d’une trilogie intitulée La Clé de toutes les Mythologies, une référence au manuscrit inachevé du révérend Edward Casaubon dans Middlemarch de George Eliot. Jonathan Franzen multiplie les clins d’œil culturels. Je pense, par exemple, au titre de ce roman, Crossroad, tiré d’une chanson de Robert Johnson, célèbre chanteur et guitariste de Blues. Les paroles de Cross Road Blues sont une métaphore évoquant un homme à la croisée des chemins, prêt à vendre son âme au diable en échange du succès. J’attends la parution du prochain volet de ce triptyque romanesque avec impatience. J’espère le lire avec Ingannmic, ma co-lectrice du jour, si elle est partante. En attendant, j’ai d’ores et déjà téléchargé Les corrections dans ma liseuse. 

* dates de parution des versions originales

📚D'autres avis que le mien via Babelio et Bibliosurf

📝Voir aussi 50 États en 50 romans et La littérature américaine dans tous ses États

📌Crossroads. Jonathan Franzen, traduit par Olivier Deparis . L’Olivier, 704 pages (2022) / Points, 792 pages (2023)


Commentaires

  1. J'avais beaucoup aimé "Les corrections" et détesté "Freedom", et j'ai du mal dès que ça parle de religion. Le fait que ce soit la première partie d'une trilogie et que ce soit un pavé me bloque aussi. Mais j'ai toujours aimé les chroniques familiales.

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    1. "Les corrections" est dans ma liste à lire depuis sa sortie (ça fait beaucoup d'années, ça !). Je viens de passer une étape supplémentaire en le téléchargeant sur ma liseuse. Je vais essayer de le lire cet été. Je n'ai pas du tout ressenti le côté pavé avec "Crossroad" mais je sais qu'Ingrid a trouvé quelques longueurs.

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  2. Je n'ai pas trop d'appétence pour les pavés en ce moment, et ayant moyennement apprécié Les corrections, (contrairement à beaucoup d'autres) je ne vous suivrai pas chez Franzen...

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    1. Il y a des périodes comme ça où on a pas envie de se lancer dans de grandes fresques ou dans des lectures trop exigeantes. J'aime bien alterner avec des lectures plus brèves ou plus distrayantes. Je n'ai pas encore lu "Les corrections", je garde le roman pour cet été (si j'ai le courage). Si ça se trouve je serais déçue. C'est souvent le cas lorsqu'il y a trop d'attentes par rapport à un auteur ou un livre.

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  3. Je suis ravie de ton enthousiasme, Franzen est un auteur sur lequel les avis sont souvent partagés. J'ai apprécié moi aussi cette lecture, car j'y ai retrouvé son talent de portraitiste de l'intime, et sa capacité à capter, par l'intermédiaire de ses personnages, le pouls d'une époque. Mais oui, j'y ai aussi trouvé quelques longueurs, je me suis souvent dis, en le lisant "mais je ne me souvenais pas qu'il était aussi bavard"... ! Ceci dit, je suis prête à te suivre dans la suite des aventures des Hilldebrandt.

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    1. J'ai mis du temps à lire Franzen et il fallait au moins une lecture commune pour me lancer (à cause du nombre de pages justement qui m'inquiétaient beaucoup). J'adore ce type de fresque familiale et sociale et Franzen est très doué pour sonder l'âme humaine. Je suis ravie que tu suis toujours emballée pour lire la suite. Je crois que ce n'est pas pour tout de suite. ça nous laisse du temps pour souffler un peu.

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  4. Tu es un peu plus enthousiaste qu'Ingrid... Je n'ai pas encore lu l'auteur non plus mais comme j'ai "Freedom" dans ma PAL, je commencerai par celui-ci. Ingrid l'avait trouvé passionnant mais je vois que Sunalee l'a détesté... Bon, on verra bien!

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    1. J'appréhendais un peu cette lecture à cause du nombre de pages. Finalement, c'est une très bonne pioche. Cela ne me surprend pas tout à fait car Franzen est considéré comme un grand romancier contemporain. Evidemment, on a aussi le droit de ne pas l'aimer. Je serais curieuse de lire ton avis sur Freedom.

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  5. Il me semble avoir lu les corrections et démarré un autre, bah rien d'urgent!

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    1. oui, je vais prendre mon temps. Je ne veux pas risquer l'overdose de Franzen ! ^_^

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  6. J'ai bien aimé Freedom (le seul que j'ai lu de cet auteur) mais devant le foisonnement de détails, je sature un peu avec ce genre de pavés.

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    1. J'ai l'impression que "Freedom" est le roman de Franzen qui partage le plus les lecteurs

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    2. En fait, j'ai vraiment aimé Freedom, mais Franzen semble toujours aller vers les gros pavés détaillés et je n'ai pas tellement envie de ca. C'est paradoxal car c'est ce que j'ai aimé dans Freedom. Je suis visiblement passée à autre chose ;-D

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    3. C'est bien de varier les plaisirs

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  7. PHILIPPE7.4.24

    Je ne connais pas et en lisant les commentaires, pas sûr que je vais découvrir cet auteur...

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    1. Je n'insiste pas car je ne connais pas encore assez tes goûts pour savoir si son œuvre peut te plaire.

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  8. Ça fait un sacré moment aussi que je veux lire Franzen, mais le temps, la PAL, les autres tentations... J'avais noté Les corrections pour une première découverte, mais ce ne sera peut-être pas pour cette année encore...

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    1. J'ai "Les corrections" dans ma liseuse. Si tu es tentée (peut-être cet été pour le challenge des pavés), fais moi signe. On pourrait prévoir une lecture commune.

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  9. C'est intéressant de lire vos deux avis, je viens de chez Ingannmic ! Tu es un peu plus enthousiaste encore. Comme je le lui disais je n'ai encore jamais lu cet auteur, mais j'avais noté dans mes listes de la médiathèque "les corrections" toujours indisponible et je viens d'ajouter celui-ci. A voir donc quand j'aurai un peu de temps devant moi. J'ai bien noté qu'il s'agissait d'un pavé.

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    1. Je n'ai pas encore lu "Les corrections". Il est dans ma liseuse depuis quelques mois. C'est un pavé aussi. Je le garde pour cet été

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  10. Je crois que je n'ai encore jamais lu cet auteur. A découvrir.

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    1. Si tu aimes la littérature américaine, je pense que tu ne seras pas déçue

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  11. Je ne connaissais pas et ayant peu lu de livres se déroulant dans ce contexte historique récent, il pourrait me tenter.

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    1. C'est vrai qu'il n'y a pas temps de romans traitant de cette période

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  12. J'avais aimé Freedom et puis je n'ai pas continué à le lire ! J'ai eu tort !

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    1. Il y a tellement de livres qui paraissent chaque année ! Ce n'est pas évident de suivre un auteur et d'essayer d'en découvrir d'autres en même temps. Il faut bien faire des choix

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  13. je pensais être l'une des seules à ne pas l'avoir lu, et en voyant tous les commentaires, je me dis que non ! j'ai Crossroads (en anglais) dans ma pAL du coup tu me rassures, je vais donc le conserver. La taille ne me fait pas peur car quand c'est bon, c'est au contraire un vrai plaisir - du coup, je pense le lire plus tard, cet été - là je lis aussi un pavé (900 pages) donc je fais des pauses avec des lectures courtes. Je vils lire de suite l'avis d'Inganmic.

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    1. J'essaie d'alterner aussi les lectures longues et les plus courtes. Après il y a des romans courts mais denses. Ce n'est pas uniquement le nombre de pages qui influe sur le temps de lecture

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  14. Encore un grand auteur américain que je n'ai jamais lu. Il y en a tant, dont un paquet que je voudrai découvrir un de ces 4 ! Je dis toujours que je dois plus souvent sortir de ma zone de confort de la littérature française qui est très largement majoritaire dans mes lectures, et chaque année, je replonge dedans !!!

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    1. C'est bien d'être un peu curieux et de sortir de sa zone de temps en temps mais on est pas obligé non plus. L'important reste le plaisir de lecture ou l'intérêt pour une thématique.

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  15. Oh oui! Tu me fais penser qu'il faut absolument que je lise cet auteur!

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    1. Je lirais peut-être "Les corrections" pour ton challenge des pavés de l'été.

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