A la ligne. Joseph Ponthus
Comment exprimer l’aliénation mentale et la fatigue physique du travail en usine ? Joseph Ponthus répond à cette question à travers le récit de son expérience dans l’industrie de la conserverie et au sein des abattoirs bretons. J’ai été surprise, au premier abord, par ce texte en vers libres. Puis, je m’y suis faite et j’en ai apprécié la poésie. Le rythme n’est pas uniforme mais pas hachuré non plus et se lit même avec une remarquable fluidité.
« J’écris comme je pense sur ma ligne de production / Divaguant dans mes pensées seul déterminé / J’écris comme je travaille / À la chaîne / À la ligne »
Joseph Ponthus, ou Baptiste Cornet de son vrai nom, est né à Reims. Il a fait des études littéraires et a travaillé dans le secteur social, en région parisienne, avant de rencontrer sa compagne, originaire de l’île de Houat. L’amour a donc conduit notre bonhomme à un autre bout de la France où, en dépit de ses diplômes et de ses états de service, il ne trouve pas de travail. Lassé de l’oisiveté, il s’inscrit dans une agence d’intérim et enchaîne les missions sans rapport avec son métier d’origine. Son livre est un témoignage sincère mais distancié (sans concession mais pas revanchard non plus) de cette période difficile au cœur du monde ouvrier. Les mots défilent à toute vitesse, sans ponctuation, et se heurtent parfois à l’indicible ou à la pudeur de leur auteur. C’est qu’il pèse et ordonne ses mots pendant tout son temps de labeur puis les couche sur le papier après la débauche quand il n’est pas trop cassé.
"L'usine bouleverse mon corps / Mes certitudes / Ce que je croyais savoir du travail et du repos / De la fatigue / De la joie / De l'humanité"
Baptiste Cornet a emprunté son pseudo à un lointain ancêtre, pour le patronyme, et au saint-patron des travailleurs manuels et des artisans, pour le prénom. Il décrit tous les rouages de la précarité : l’incertitude du lendemain, les mauvaises conditions de travail, les journées harassantes, la fatigue morale et les blessures du corps, le rituel du café/clopes pendant la pause et la solidarité ouvrière qui permettent de tenir le coup.
Ce roman m’a beaucoup émue. J’ai appris, avant de le terminer (et avant d’avoir lu les quelques lignes dans lesquelles l’auteur évoque le premier diagnostic de sa maladie) qu’il est décédé en février 2021, à l’âge de 42 ans, « à l’issue d’un combat acharné contre le cancer ».
Je ne suis bien sûr pas la seule à avoir été profondément touchée par cette chronique intime et sociale. A la ligne a obtenu de nombreuses récompenses dont le Grand Prix RTL/Lire 2019. Par ailleurs, Une adaptation scénique rock a vu le jour quelques mois après la parution de l’ouvrage à l’initiative du trio formé par Michel Cloup, Pascal Bouaziz et Julien Rufié. Une collaboration avec Annaïg Le Naou et Laurène Pailler a vu évoluer le projet en concert "chansigné" avec plusieurs dates en Bretagne mais aussi à Paris, Lyon, Limoges, Chartres… Le comédien et metteur en scène Mathieu Létuvé s’est également emparé du texte de Joseph Ponthus pour l’adapter au théâtre.
📚Les avis de Violette, Dasola, Géraldine, Alex, Aifelle et Livr'escapades
📌A la ligne, Feuillets d’usine. Joseph Ponthus. La Table ronde, 272 pages (2019) / Folio, 288 pages (2020)
J'ai beaucoup aimé cette lecture ; j'appréhendais un peu la forme mais je n'ai eu aucun mal à entrer dedans. Grande tristesse quand j'ai appris la mort de l'auteur.
RépondreSupprimerGrande tristesse pour moi aussi. J'ai cherché ton billet sur ce livre mais je ne l'ai pas trouvé. Tu ne l'as peut-être pas encore publié ? Je voudrais ajouter un lien vers ton blog quand tu le feras
SupprimerSur mon blog actuel, colonne de droite, tu as un index de mes lectures sur mon ancien blog : http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2019/05/29/37386214.html
SupprimerAh merci, je n'avais pas vu l'ancien blog
SupprimerJe l'ai lu aussi pour aujourd'hui 🙂 (article programmé pour 8h) et comme toi j'ai été très touchée par ce récit, encore plus quand j'ai réalisé qu'il était décédé si jeune.
RépondreSupprimerJe n'avais pas vu. J'étais très occupée aujourd'hui. Je viens d'ajouter un lien vers ton blog. Ravie d'avoir partagé cette lecture avec toi finalement.
SupprimerIdem pour moi 🙂 Je viens de rajouter le lien vers ton blog.
Supprimermerci
SupprimerUn livre que j'aurais sans doute lu sans cette forme là, mais on ne sait jamais.
RépondreSupprimerla forme me faisait peur aussi mais ça se lit vraiment très facilement
SupprimerJ'ai écouté ce texte lu par Jacques Bonnaffé. Cet amoureux de la poésie lit sur un ton fougueux voire exalté le texte de Ponthus et c'est pile ce qu'il faut.
RépondreSupprimerDans ce cas précis, je pense que c'est très intéressant d'audiolire le texte. Et si en plus, c'est bien fait... !
SupprimerLe sujet m'intéresse et appréciant les récits en vers libres, ce livre me tente pas mal...
RépondreSupprimerC'est un livre qui me marquera durablement.
SupprimerJe l'ai lu en 2019 et beaucoup aimé. Quand j'ai appris sa mort je l'ai réemprunter à la médiathèque pour en relire certains passages...Pendant les premières pages forcément la forme est bizarre mais ensuite on l'oublie totalement...
RépondreSupprimerC'est exactement ça. On s'habitue très vite à la prose et on s'attache à l'auteur. J'ai été très émue en apprenant qu'il était mort.
SupprimerCoucou, je crois avoir oublié de te prévenir, mais j'ai abandonné ma lecture il y a quelques semaines, ne pouvant dépasser les 30 premières pages de ce livre, une incompatibilité liée au style... j'avais laissé la programmation de la LC tout de même, puisque Fabienne y a également répondu. Merci à vous deux !
RépondreSupprimerOui, dis donc, c'est rare que tu abandonnes un livre, non ? Fabienne m'a tenu compagnie de toute façon. Du coup, je t'ai remplacée sans états d'âme comme tu peux le constater ! (^_-) (^_^).
SupprimerCa m'arrive de temps en temps, mais disons que quand ce n'est pas dans le cadre d'une LC, personne ne le sait.. quand d'autres lecteurs m'accompagnent, j'essaie d'insister, mais là, rien n'y a fait, j'ai immédiatement été agacée par la forme (alors que j'ai lu pour l'activité sur la ville un texte écrit en vers libres aussi, sans que cela me pose aucun souci...), je ne sais pas trop pourquoi, je trouvais que ça sonnait faux..
SupprimerJ'avais emprunté le livre à la médiathèque dans le but de me joindre à vous, mais je n'ai pas réussi à lire plus de quelques dizaines de pages... C'est à la fois le style et le sujet qui ne me parlaient pas.
RépondreSupprimerJ'ai l'impression qu'il n'y a pas d'entre deux avec ce livre. On est profondément touché ou on n'adhère pas du tout.
Supprimercette façon d'écrire me fait peur. j'ai sans doute tort.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé le style assez fluide mais certains commentaires vont dans le sens inverse. Fabienne a apprécié aussi cette lecture mais Ingrid et Kathel l'ont abandonnée... je ne sais pas si ça t'aide.
SupprimerJe suis curieuse de découvrir ce récit en vers libres, même si j'appréhende un chouïa... La couverture est assez géniale, je trouve. Et merci pour ces liens vers des adaptations originales, je les garde pour après ma lecture (à une date indéfinie pour l'instant).
RépondreSupprimerViolette et Fabienne aussi ont été touchée par ce texte. D'autres n'ont pas pu le terminer. Je crois que c'est vraiment une question de goût ou de sensibilité.
SupprimerCe style, ce n'est pas pour moi. Je ne crois pas que j'aimerais.
RépondreSupprimerC'est ce que je pensais aussi avant de le lire mais ce livre m'a touchée. Le style est assez fluide au final
SupprimerTout comme Aifelle au mot près.:) Je me souviens encore des émissions TV avec l'auteur suite à son succès, de sa joie et de sa fierté aussi. Vraiment tragique son destin.
RépondreSupprimeroui, il y a un goût d'injustice
SupprimerUne lecture que l'on n'oublie pas.
RépondreSupprimeroui, c'est un texte fort et marquant
SupprimerJ'ai mis longtemps à oser me lancer dans cette lecture, tant je pensais être perdue par cette plume si libre annoncée par les blogs des copines. Et puis, je me suis décidée, je l'ai lu en format audio et waou, ce livre m'a bouleversée, j'ai adoré.
RépondreSupprimerJe ne pense pas que je l'aurais lu s'il n'y avait eu une lecture commune. Et puis, il était dispo à la bibli ce qui m'a incitée à faire un effort. Contre toute attente, j'ai beaucoup apprécié ce texte et il m'a émue comme il m'arrive rarement. Comme tu le dis dans ton billet, on se console en se disant que l'auteur a su que son récit a touché de nombreux lecteurs.
SupprimerJe ne connais pas l’auteur mais rien que la forme je ne pense pas aimé du tout. Je regarderais s’il est à la médiathèque uniquement pour pouvoir si réellement la forme ne me plaît pas. On ne sait jamais !
RépondreSupprimerS'il est dispo à la bibli, tu peux toujours jeter un oeil en effet. J'ai été surprise que le texte me plaise. Peut-être que tu le seras aussi.
SupprimerToujours pas lu...
RépondreSupprimerTu prévois donc de le lire ?
SupprimerJ'avais déjà entendu le nom du livre et de l'auteur mais je ne savais absolument le thème du livre ni le fait qu'il soit déjà décédé. C'est une forme qui est assez déconcertante, mais qui invite vraiment à réfléchir sur le travail sous cette forme. Merci pour ton billet !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup tes passages choisis !
RépondreSupprimerAs-tu lu le livre de Ponthus ?
SupprimerBonjour, quand j'ai commencé ce livre, j'étais dubitative et au fur et à mesure de ma lecture, j'ai trouvé vraiment très bien. Un grand livre d'un écrivain trop tôt disparu. Bon week-end.
RépondreSupprimerje suis bien d'accord avec toi, c'est triste qu'il soit parti si vite
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