Jentayu, Hors-série n°3 : Indonésie

Jentayu, Hors-série n°3 : Indonésie


L’Indonésie ne présente pas une offre de textes traduits en Français très développée. Pour ma part, je connaissais les noms de deux auteurs indonésiens :  Pramoedya Ananta Toer (publié chez Zulma et Gallimard) et Eka Kurniawan (édité par Sabine Wespieser). Cette anthologie m’a donc permis de découvrir 19 auteurs soigneusement sélectionnés par les éditeurs de la revue Jentayu. Pas moins de 13 traducteurs ont été mobilisés pour nous permettre d’y accéder. Ainsi que le signale, dans son introduction, le poète et écrivain Zen Hae, tous ces textes sont postérieurs à la Reformasi de 1998, une période cruciale qui débute après la démission du président Suharto (également retranscrit Soeharto).

J’ai pu apprécier une fois de plus la qualité des textes et traductions proposés par la revue. En ce qui concerne les illustrations, elles ont été réalisées par deux artistes javanais, Hanafi et Goenawan Mohamad. Le premier est né en 1960 à Purworejo tandis que le second est originaire de Batang où il a vu le jour en 1941. Leurs œuvres ont fait l’objet d’une exposition à la galerie nationale d’Indonésie à Jakarta, en juin et juillet 2018. Goenawan Mohamad est l’un des fondateurs de la Fondation Lontar, dont le partenariat a permis la publication de ce numéro hors-série de Jentayu. Je vous recommande de visiter son site Internet où on peut trouver des publications d’auteurs indonésiens en Anglais. 

J’avoue que je suis moins réceptive à la poésie qu’à la prose, aussi j’ai survolé assez rapidement les vers de Joko Pinurbo, Warih Witsatsana, M. Aan Mansyur, Hanna Francisca, Acep Zamzam Noor et Inggit Putria Margo. Cette liste montre en tout cas, qu’un panel assez large de poètes est présenté dans la revue. Il en est de même pour la prose puisque le recueil comporte plusieurs essais et billets d’humeur sur des sujets aussi variés que la création littéraire (Nirwan Dewanto) ou encore la religion, l’homosexualité et la polygamie (Ayu Utami). 

Parmi mes nouvelles préférées, il y a un texte de science-fiction de Clara Ng (Comètes) dont l’intrigue est une parabole sur la mixité dans les relations amoureuses. Toujours sur le thème du couple et de la famille, la nouvelle d’Avianti Armand (Il était une fois maman et Radian) est malheureusement beaucoup plus réaliste puisqu’elle aborde le thème de la violence masculine. Deux autres textes m’ont particulièrement émue. Il s’agit d’Un conte de rédemption de Mona Sylviana et Laluba de Nukila Amal. Ils font références à une période trouble de l’histoire indonésienne.  Il en effet question ici des massacres perpétués en 1965 dans le cadre de la répression contre le Parti communiste indonésien (PKI). Fort heureusement, toutes les nouvelles de ce recueil ne sont pas aussi dramatiques et certaines sont même plutôt divertissantes. Je pense en particulier au conte d’A.S. Laksana sur la création légendaire de Batavia / Jakarta (Comment Murjangking bâtit une ville et mourut de maux de ventre). 

J’ai beaucoup apprécié cette anthologie, tout comme les précédentes consacrées à Taïwan, à la Mongolie et à la Littérature ouïghoure. La revue Jentayu a consacré deux autres hors-séries aux espaces territoriaux de la Thaïlande et d’Hong-Kong et plusieurs numéros spéciaux sur des thèmes éclectiques : Jeunesse et Identité(s), Villes et Violence, Dieux et Démons, Cartes et Territoires… le dernier (N°10), intitulé L'Avenir, est paru en 2019. La revue trimestrielle a été abandonnée (temporairement selon son directeur Jérôme Bouchaud), faute de temps et de financement, mais la maison d’édition a réalisé d’autres projets grâce à des appels à souscription. Deux ouvrages sont parus en 2023 : Les Vagabonds de Malaisie, une anthologie de pantouns francophones, et Amnyé Machen, Amnyé Machen, des poèmes de Tsering Woeser.

Lecture dans le cadre du challenge Bonnes nouvelles

Jentayu, Hors-série n°3 : Indonésie, 238 pages (2018)

Commentaires

  1. J'avais lu quelques numéros de la revue mais je n'avais été que moyennement convaincue par le choix des textes. Ce qui ne m'empêche pas de penser que les éditeurs font un travail remarquable. Pour des nouvelles indonésiennes, j'ai beaucoup aimé The Book of Jakarta ( https://popupmonster.wordpress.com/2022/05/28/the-book-of-jakarta/ ) et j'avais même détaillé les auteurs, qui apparemment sont totalement différents de ceux que tu as lu chez Jentayu. C'est aussi une série, à chaque fois consacrée à une ville du monde (il faut que j'achète celui sur Tbilissi).

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    1. Merci beaucoup pour le lien, ça m'intéresse beaucoup. Je suis allée faire un tout sur le site de l'éditeur après avoir lu ta chronique sur The Book of Jakarta. J'ai vu que la collection compte plusieurs titres, dont des villes asiatiques et africaines. Il faut absolument que je me note ça quelque part.

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  2. J'avoue je n'ai jamais lu d'auteurs indonésiens ...

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    1. Il n'y en a pas tant que ça de dispo en Français. Comme tu lis l'Anglais, tu peux éventuellement trouver plus de références dans cette langue. Le littérature asiatique est souvent un voyage qui me déstabilise mais j'ai toujours envie d'y retourner.

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    2. c'est vrai que je lis principalement des romans coréens et japonais - et oui, il y a fortes chances que je trouve des romans indonésiens traduits en anglais. J'aime aussi être transportée très loin ! Du coup, j'ai beaucoup de mal avec les romans français car c'est une part importante de ma lecture

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  3. en général je n'aime pas trop lire des auteurs différents je préfère un seul auteur dont je découvre les différentes facettes à travers des nouvelles variées

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    1. je comprends ton point de vue. J'apprécie surtout la revue Jentayu parce qu'elle permet d'accéder à une littérature rarement traduite en Français. C'est le moyen d'avoir une sorte de panorama de la littérature du pays en question. Cela reste forcément superficiel mais c'est mieux que rien.

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  4. Ah oui, pour ces littératures peu représentées et traduites en France, c'est une excellente idée les nouvelles (enfin, pas vraiment le choix surtout 😅). Il faut vraiment que je me dégote cette revue et ses hors-séries.

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    1. C'est vrai qu"il n'y a pas toujours le choix. Cela dit, je trouve que l'édition s'est un peu diversifiée ces dernières années. Les éditeurs explorent de plus en plus de nouveaux territoires.

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  5. Hedwige15.1.24

    C'est génial ce challenge des nouvelles, ça permet de faire un fabuleux tour du monde, je ne connais aucun auteur indonésien, enfin je pense.

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    1. Disons que la brièveté des textes favorise la prise de risque ! Ces anthologies sont vraiment intéressantes. Jentayu publie des auteurs qui ne sont pas toujours dispos en Français. Malheureusement, l'édition de la Revue est en pause par manque de fonds. L'éditeur se focalise sur d'autres projets.

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