Jentayu, Hors-série n°1 : Taïwan

Jentayu, Hors-série n°1 : Taïwan (Photo by TangChi Lee on Unsplash)

Les éditions Jentayu publient une revue semestrielle et des anthologies consacrées aux pays d’Asie. Il s’agit de traductions inédites de nouvelles, de poèmes ou des extraits de romans. 

Alors que le spectre de la guerre plane toujours sur le détroit de Formose, le recueil dédié à Taïwan permet, d’éclairer l’actualité de ce territoire tourmenté par l’Histoire. Les textes abordent, à travers le prisme de la fiction, des thèmes récurrents comme l’acculturation, les violences commises à l’encontre des aborigènes (La vie de maman dans le village de garnison de Liglav A-wu), le fossé entre générations (Rencontre à Yurakucho de Chen Fang Ming), etc.

La nouvelle de Walis Nokam, intitulée Ours noir ou queue de porcelet, est plutôt emblématique. Le narrateur évoque la vie de son grand-père, un certain Yukan Bihau, né en 1920 dans les montagnes centrales de l’ile de Taïwan. C’est un aborigène issu de la tribu des Atayals. Son destin est scellé à l’histoire de son pays depuis le premier jour de sa naissance. Il connait tour à tour les répressions du gouvernement colonial nippon, la japonisation forcée de la population, la prise de contrôle de l’île par les Chinois après la seconde guerre mondiale, le repli du Kuomintang dans la province insulaire après qu’ils aient perdu la guerre civile contre les communistes, l’instauration du Mandarin comme langue nationale…

La nouvelle de Walis Nokam, intitulée Ours noir ou queue de porcelet

Parmi la vingtaine de textes présentés, on peut encore mentionner Les cassettes du professeur K’Ang de Chu Yu-hsun. Le héros est un étudiant de Master chargé de retranscrire les discours de séminaires de son mentor dans l’objectif de publier un manuel à l’usage des futurs professeurs de chinois. Un évènement apriori anodin rappelle à notre étudiant une anecdote familiale qui lui fait prendre conscience de son rapport au langage, à sa culture d’origine et à la pression institutionnalisée de l’enseignement sur les populations tribales. 

Il est bien sûr impossible d’évoquer l’ensemble des textes réunis dans ce recueil mais j’aimerai encore mentionner Zeelandia de Lai Hsiang-yin Le titre fait référence à une forteresse construite au 17 -ème siècle par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales dans la ville de Tainan. L’autrice évoque ici la pression immobilière à Taïwan et l’évolution du paysage urbain. A ce sujet, je recommande le très beau livre de Cheng Kai-Hsiang, Dans les rues de Taïwan qui présente des aquarelles de plusieurs dizaines de boutiques et maisons traditionnelles taïwanaises.

La dernière nouvelle, Vénus de Chen Xue, est un texte poétique et émouvant sur le thème de la transsexualité. Il prouve, s’il était nécessaire, l’engagement de la littérature taïwanaise dans des problématiques contemporaines et plus universelles. 

A noter qu’un colloque consacré à la littérature taïwanaise se tiendra du 29 au 30 septembre 2022 à l’université Bordeaux Montaigne (UBM) et le 1er octobre à Auditorium de l'Inalco à Paris.

Le dernier numéro hors-série de Jentayu, sur la littérature ouïghoure, doit paraître le 15 septembre 2022.

Jentayu, Hors-séries n°1 à 4 : Taïwan, Thaïlande, Mongolie et Indonésie

 

Pour aller plus loin :

L’introduction de Pierre-Yves Baudry sur le site de des éditions Jentayu

La recension de la traductrice Brigitte Duzan sur son blog personnel

Le sommaire du recueil et des fiches biobibliographiques des auteurs sont présentés sur le site des Lettres de Taïwan.



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