La maison allemande. Annette Hess
La maison allemande aborde le thème de l’holocauste par le prisme de la fiction. Son héroïne, Eva Bruhns est interprète allemand/polonais. Elle a l’habitude de traduire des modes d’emploi et des documents techniques pour les entreprises. C’est dans ce cadre qu’elle a rencontré son fiancé, Jürgen Schoormann, richissime héritier d’une société de vente par correspondance. Ses parents à elle sont restaurateurs dans un quartier populaire (mais du bon coté de la rue). Un remplacement de dernière minute et un concours de circonstances conduisent la jeune femme à travailler au tribunal pour donner voix aux survivants de la Shoah. Le 20 décembre 1963 débute en effet le second procès d'Auschwitz qui se tient à Francfort-sur-le-Main. Eva s’engage à assurer la traduction des témoignages contre l’avis de son futur mari et de ses parents. Le premier craint qu’elle n’y perde sa candeur, les seconds savent qu’elle risque d’exhumer un secret de famille. Mais Eva s’obstine envers et contre tous.
Annette Hess s’est largement inspirée des documents d’archives. Elle restitue à merveille l’ambiance d’après-guerre en Allemagne, la condescendance des accusés qui se croient intouchables, la culpabilité d’un peuple qui refuse de regarder la vérité en face, le poids d’une faute portée par plusieurs générations et bien sûr l’horreur des camps de concentration et la douleur des survivants. Le sujet est loin d’être éculé et le roman l’aborde, certes de plein fouet, mais en nous épargnant trop de détails sur les atrocités commises par les Nazis. Les questions soulevées ici sont surtout juridiques et morales.
J’ai beaucoup aimé le personnage d’Eva. Son coté un peu vieux jeu sans être rigide, sa naïveté et sa détermination en font un protagoniste très réaliste et humain. C’est une jeune femme emblématique d’une génération qui doit se frayer un chemin entre une histoire nationale très lourde et le mouvement presque universel d’une jeunesse qui se veut plus insouciante (mai 68 n’est pas loin). Chaque personnage semble porter sa propre ambiguïté : Annegret, la sœur d’Eva qui cherche à sa manière l’amour et la reconnaissance ; David Miller, jeune avocat Juif-Canadien qui se sent coupable à cause de l’exil de sa famille avant la guerre ; Jürgen qui cache ses propres démons… tous portent un lourd fardeau, une culpabilité collective que les survivants de l’Holocauste n’arrivent pas à pardonner. « Ils veulent qu’on les console » dit M. Jaschinsky, l’un des personnages, « je refuse, vous n’avez pas le droit de nous faire ça ».
📚D'autres avis que le mien : Anne-yes, Kathel, Fabienne, Krol, Dominique
📌La maison allemande. Annette Hess. Babel, 400 p. (2021)
Commentaires
je vais voir si ma bibli le propose en papier ou en numérique