Fudafudak. Li-Chin Lin

Fudafudak. Li-Chin Lin


 Li-Chin Lin est l’auteur d’un premier roman graphique, Formose, qui raconte l’histoire de son pays et son enfance sur île de Taïwan. Fudafudak, son second album, n’est pas une autobiographie. Il s’agit cette fois d’une BD de reportage. 

Entre 2013 et 2015, Li-Chin Lin a effectué plusieurs séjours au sein d’une communauté en lien avec le peuple autochtone des Amis. Elle a été invitée par une jeune cultivatrice appelée Hsiao-Ching. Celle-ci a quitté Taipei, la capitale, pour s’installer près de Dulan, dans le sud-est du pays. Elle s’est associée à un paysan, membre de la communauté des Amis. Sur sa parcelle, elle fait de la culture et de l’élevage bio. Grâce à elle, Li-Chin Lin fait connaissance avec les Aborigènes et découvre leur culture. Elle apprend aussi que leurs traditions sont en danger à cause de la construction d’un complexe hôtelier géant, le Mei-Li-Wan (Miramar Resort) sur la plage de Fudafudak ou Shan-Yuan (en Mandarin). En 2013, les villageois sont allés manifester jusque devant le palais présidentiel à Taipei avec une pirogue, symbole de leur futur menacé. En effet, d’autres projets d’hôtels risquent de voir le jour sur la côte si le tribunal administratif de Kaohsiung valide la décision des autorités de Taïtung. L’autrice se rend également dans le village aborigène de Nan-Tian avec une militante anti-nucléaire et un journaliste français. Ce site magnifique est pressenti pour servir de zone de stockage des déchets nucléaires. C’est l’occasion pour Li-Chin Lin de parler de Lanyu (l’île des orchidées) où le peuple Tao et les groupes écologistes réclament la fermeture du site de stockage. 


Fudafudak. Li-Chin Lin. P10-11


J’ai retrouvé avec plaisir le style graphique qui m’avait plu dans Formose. Les crayonnés de Li-Chin Lin s’accordent bien avec la BD de reportage. Malgré tout, j’ai regretté dans certaines circonstances l’utilisation exclusive de planches en noir et blanc. Il aurait été plus facile de m’immerger dans l’histoire avec des couleurs mettant en valeur la luxuriance de la végétation tropicale et la flamboyance des tenues traditionnelles des Aborigènes. Je comprends néanmoins que Li-Chin Lin ait préféré sacrifier la beauté des couleurs au réalisme pour être en accord avec son propos. Elle compense avec les quelques illustrations oniriques que lui inspirent les légendes autochtones. 

Et la suite ?

Il n’a pas été facile de trouver des informations sur les sujets évoqués dans cette bande dessinées. Les toponymes, tantôt en langue Amis, tantôt en mandarin ou en Anglais ne facilitent pas les recherches. Il semblerait néanmoins que la situation n’ait pas beaucoup évoluée en l’espace d’une décennie. On comprend dès lors que Fudafudak soit resté un one-shot.


Fudafudak. Li-Chin Lin. Pages 160-161


En mars 2016, la Cour Suprême a finalement rejeté l’appel du gouvernement du Comté de Taitung et interdit l’ouverture du complexe touristique Mei-Li-Wan (Miramar Resort). Néanmoins, aucune décision n’a été prise concernant la démolition de l’Hôtel. En octobre 2020, un nouveau tribunal arbitral a été réuni pour examiner une demande d’indemnisation du promoteur privé qui réclame plus de 21 millions de dollars US aux autorités de Taitung.  Selon cet accord, le Comté assumerait alors la propriété des bâtiments et des installations de la station. Selon le Taïpei Times, il prévoirait de transformer le site en parc de loisir public ou en espace de réunions internationales. Enfin, un article est paru dans la revue Scientifique Marine Policy (Vol. 123, janvier 2021). Elle aborde la controverse selon le prisme du développement durable. 

En ce qui concerne la bataille du peuple Tao contre le stockage de déchets nucléaires sur l’Île des Orchidées, j’ai trouvé un article du New-York Times en date du 5 janvier 2023, montrant que le problème est loin d’être réglé. Pour l’instant, Taipower, l'opérateur nucléaire taïwanais, a échoué à trouver un site de remplacement permanent. Le gouvernement taïwanais a reconnu ses torts vis-à-vis de la population locale dans un rapport publié en 2018 et accepté de lui verser immédiatement 83 millions de dollars Us en compensation. Il est prévu, par ailleurs, une rente de 7 millions de dollars supplémentaires tous les 3 ans.

Fudafudak, l’endroit qui scintille. Li-Chin Lin. Ça & là, 192 pages (2017)


Lire les Minorités Ethniques 2023

A suivre chez Ingannmic


Commentaires

  1. Voilà encore une belle participation ! J'ai récupéré ton lien.

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  2. J'avais adoré Formose et il me faut bien sûr lire celui-ci et le dernier paru aussi. Tout un programme !:)

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    1. Tu as lu tous les albums de Li-Chin Lin ? Je suis fan aussi. Je pense que je lirai le troisième très bientôt

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