Supermarché. José Falero

Supermarché. José Falero

Pedro est né du mauvais coté de la ville dans une favela de Lomba do Pinheiro à Porto Alegre. La pauvreté, les trafics de drogue et la violence font partie de son quotidien. Pour respecter les vœux de sa mère, le jeune Brésilien occupe un emploi honnête de "rayonniste" dans un supermarché de la chaîne Fênix. Pour s’y rendre, il doit prendre le bus vers les beaux quartiers de la capitale gaúcha (les habitants de Porto Alegre sont surnommés les "gaúchos", un terme désignant originellement les gardiens de troupeaux des plaines d’Argentine et d’Uruguay). Notre héros profite de ces heures de trajet interminables pour lire, cogiter sur les théories marxistes, les opportunités du marché de la drogue et les moyens de faire fortune rapidement. C’est ainsi que nait LE plan. L’idée de Pedro est de mettre sur pied un réseau de trafiquants d’herbe "équitable" où les différents intervenants partageront les bénéfices. Si son choix s’est porté sur la marijuana, c’est parce qu’elle n’est pas trop dangereuse pour la santé des consommateurs, que ses revendeurs sont moins belliqueux que les dealers de drogues dures et que les flics se focalisent plutôt sur ces derniers. Par ailleurs, la vente de cannabis étant moins lucrative que la cocaïne ou le crack, Pedro et ses complices pourraient investir la place sans empiéter sur le territoire des caïds. Pedro parvient ainsi à convaincre un collègue de travail, Marques, de s’associer avec lui. Le vigile du supermarché les met en contact avec un revendeur fiable et la suite des évènements s’enchaînent miraculeusement bien. La petite entreprise devient vite florissante si bien qu’il devient nécessaire de recruter des bras supplémentaires. C’est ainsi qu’Angelica, la copine enceinte de Marques, et Roberto, un cousin par alliance de Pedro viennent agrandir l’équipe. Luan alias Chokito, qui vient de se faire virer du magasin Fênix, est également enrôlé dans la foulée. Tout ce petit monde se jure d’arrêter de dealer dès qu’il aura accumulé assez d’argent pour investir dans un business légal. Pedro et ses amis sont en effet persuadés d’avoir assez de jugeote pour éviter les écueils conduisant habituellement les trafiquants en prison ou à la morgue. 

Si on en croit la biographie de l’auteur brésilien, José Falero est né dans une favela comme celle qu’il décrit dans son roman. Il a quitté l’école à 14 ans et enchaîné les petits boulots, dont un emploi dans un supermarché. Si mes calculs sont bons, il a pratiquement l’âge de son héros sachant que l’intrigue se déroule entre l’hiver 2009 et l’été 2011. L’univers qu’il décrit est criant de vérité et les protagonistes, loin des clichés et des caricatures habituelles, appellent l’empathie du lecteur. Bien que le sujet abordé ne soit pas des plus joyeux, le récit est bourré d’humour. On pense beaucoup à Pulp Fiction de Quentin Tarantino. José Faléro fait partie de ceux qui font mentir les statistiques. Il est retourné à l’école à l’âge de 34 ans, en cours du soir, et a commencé à écrire… avec le succès que l’on sait puisque ce premier roman, Os supridores en v.o., a été traduit dans plusieurs langues. 

Extrait : 

« – Ah, arrête tes conneries, mon vieux ! Je suis sérieux. Je ne les sens pas.  Ils sont du genre rebelle, tu vois ?  Ils n’aiment pas qu’on leur donne des ordres, ils se fichent de la hiérarchie. Ils ne me respectent pas. Et ils sont tout le temps fourrés ensemble dans les allées du supermarché, tout le temps à se faire des messes basses, ajouta M. Geraldo, que le seul fait de parler de ces deux employés perturbait visiblement. Mais bon, ça s’arrête là. Tu m’as demandé si j’ai des suspects, pas vrai ?  Eh bien, j’ai des doutes sur eux. Il n’y a qu’eux dans mon staff que j’arrive à imaginer faisant ce genre de chose. Sauf que je n’aime pas tirer à l’aveugle, Amauri. Si je n’ai pas la certitude que Pedro et Marques sont vraiment responsables de ces vols, comment je pourrais les licencier ?

–  Mais c’est quelquefois inévitable, mon ami. Pour tenter quelque chose, tu sais ? On est tous obligés, à un moment ou à un autre de la vie, de tirer quelques balles à l’aveugle. Franchement, si tes investigations, comme tu l’as dit toi-même, ne mènent nulle part, pourquoi tu ne les licencies pas tous les deux pour voir ce que ça donne ? »


D’autres avis que le mien : Kathel,  A_girl_from_earth, La petite liste

Supermarché. José Falero. Métailié, 304 pages (2022)


Commentaires

  1. Je l'avais commencé, mais sans doute le style trop nerveux ou alors quelques longueurs m'ont fait arrêter pour me lancer dans d'autres lectures

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  2. Je l'ai repéré aussi, chez Kathel sans doute. Le mélange entre humour et sombre contexte devrait me plaire.. merci pour cette 1e participation !

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    1. Le roman est réaliste. La drogue est un vrai problème au Brésil

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  3. Je l'ai déjà noté chez les copines, mais mes bibliothèques ne l'ont pas. J'attendrai le poche.

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    1. Le roman est sorti récemment. Tu vas devoir attendre un peu

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  4. C'est vrai qu'il a ce coté tarantinesque promis en 4ème de couverture. Pour une fois , ça ne ment pas... C'est assez bavard au début, pour exposer les faits, mettre en place la situation, débattre des idées, et puis tout d'un coup, un élément déclencheur, et cela passe d'une page à l'autre en un bain de sang dégoulinant.
    Une lecture très intéressante, même enrichissante, une belle découverte aussi...

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    1. Je suis d'accord. J'ai beaucoup pensé à Pulp Fiction en lisant ce roman

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  5. J'ai bien aimé ce roman, plutôt équilibré entre humour et noirceur, et l'ai prêté à deux lecteurs qui ont bien aimé aussi et pourtant, nos goûts diffèrent souvent. Merci pour le lien !

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    1. Oui, j'ai lu ta recension. Je partage ton ressenti pour l'essentiel.

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  6. Je l'ai vu dans les nouvelles parutions chez Métailié mais j'ai souvent un peu de mal avec la littérature latino. Ton billet est convaincant en tous cas, qui sait, peut-être que je me laisserai tenter si je le croise à la bibliothèque.

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    1. J'aime beaucoup les éditions Métailié même, si comme toi, j'ai parfois du mal avec les écrivains latinos. Ici, il s'agit d'un roman très réaliste. Une réalité parfois très dure mais il y a aussi beaucoup d'humour. Pour ma part, je suis surtout un peu hermétique au réalisme magique. Je pense, par exemple, à "Cent Ans de solitude" de Gabriel García Márquez que je n'ai pas su apprécier à sa juste valeur. Les écrivains asiatiques, et surtout les Japonais, peuvent être aussi très déroutants.

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  7. Bonsoir, je l'ai noté depuis quelque temps. Je pense qu'il pourrait me plaire. Les romans édités par les éditions Metailié spécialisés dans l'Amérique du Sud m'ont rarement déçus. Bonne fin de soirée.

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    1. Tout à fait d'accord avec toi. L'éditeur fait souvent partie de mes critères de sélection. J'aime beaucoup Métailié mais aussi Philippe Picquier pour la littérature asiatique, par exemple, ou L'école des loisirs pour la jeunesse...

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  8. Je rebondis sur un de tes commentaires plus hauts. Comme toi, je suis assez hermétique au réalisme magique, c'est ce qui m'a souvent fait craindre les auteurs latinos, mais j'ai l'impression que les auteurs plus contemporains - la nouvelle génération, disons - ne sont pas restés fidèles à cette tradition, et c'est tant mieux.:)

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    1. oui, j'ai l'impression aussi. On verra ça dans le cadre du Book Trip brésilien. Je viens d'ajouter un lien à la fin de mon avis vers ton billet consacré à "Supermarché"

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    2. Merci pour le lien. J'ai rajouté le tien chez moi aussi et intégré ton billet au book trip.:)

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    3. J'ai ajouté le logo du Book Trop brésilien du coup

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    4. Top, merci ! Dire que je ne le mets même pas dans mes propres billets, juste le lien, mais bon, le logo est déjà dans le billet de lancement.;)
      Ingannmic a confirmé le 28/02 pour L'attrapeur d'oiseaux.

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    5. ok, c'est noté pour le 28/02

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  9. Un premier roman qui m'a enchantée moi aussi. J'attends le prochain avec impatience

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