Taqawan. Éric Plamondon

Taqawan. Éric Plamondon


Taqawan a pour toile de fond, les évènements de Restigouche qui opposèrent le peuple autochtone des Mi’gmaq au gouvernement provincial du Québec dans la Guerre du saumon de la Côte-Nord. En juin 1981, les habitants de l’actuelle réserve de Listuguj, ont essuyé deux raids musclés des forces de police qui sont restés dans la mémoire collective. Éric Plamondon a choisi d’aborder cet épisode tragique à travers le prisme romanesque. Son livre est néanmoins composé de « fragments » historiques, politiques et fictionnelles qui sont autant de points de jonction. 

Le roman débute le jeudi 11 juin 1981 à l’heure du déjeuner. Le car scolaire jaune de marque Blue Bird, qui conduit les enfants de la réserve indienne à l’école anglaise, est arrêté juste avant le pont Van Horne au-dessus de la rivière Ristigouche*. Celui-ci marque une frontière à l’intérieur même du pays, reliant la province de Québec à celle du Nouveau-Brunswick. Parmi les élèves, il y a Océane dont c’est aujourd’hui l’anniversaire. Elle a tout juste 15 ans. Ses camarades comprennent vite que quelque chose de grave est arrivé. Ils ont remarqué les voitures de la gendarmerie royale du Canada (GRC), les agents de la sureté du Québec, les zodiacs aux couleurs de la police et l’hélicoptère au-dessus de Pointe-à-la-Croix. Tandis que le chauffeur du bus parlemente avec les forces de l’ordre, quatre garçons s’échappent par la porte arrière. Océane décide de les suivre. Vingt-quatre heures plus tôt, Lucien Lessard, le ministre québécois des Loisirs, chasse et pêche, a envoyé un message au chef Alphonse Metallic. Il voulait imposer de nouvelles restrictions de pêche aux Mi'kmaq et exigeait que leurs filets soient retirés avant le 10 juin à minuit. Or, le saumon est la principale ressource de ce peuple algonquien depuis sont installation dans la péninsule de la Gaspésie, il y a 3 000 ans. 

Éric Plamondon donne vie aux faits historiques à travers quatre personnages (une adolescente, un agent de conservation de la faune, une institutrice française et un vieil Amérindien) dont les destins sont bouleversés par les frappes de Restigouche. L’intrigue romanesque est enrichie de nombreux éléments : légendes indiennes, informations toponymiques, rappels chronologiques, etc. Les chapitres courts participent également à donner un rythme indéniable à ce passionnant roman. Éric Plamondon explique dans une interview qu’il a souhaité prolonger son immersion littéraire en Gaspésie après la parution de sa Novella intitulée Ristigouche* (Le Quartanier, 2013). C’est en travaillant sur ce texte qu’il a découvert le documentaire d’Alanis Obomsawin (Les Événements de Restigouche, 1984). Selon lui, cette tragédie renoue avec un autre pan de l’histoire canadienne : La bataille de la Ristigouche* en 1760. Deux cent ans plus tôt, au même endroit, en présence des Mi’gmaq et des Acadiens, a eu lieu, la dernière bataille navale entre la France et l’Angleterre pour la possession de l’Amérique francophone. Comment les Québécois d’aujourd’hui peuvent-ils refuser aux Mi’gmaq ce qu’ils jugent légitime pour eux-mêmes, à savoir le droit à la langue, au territoire et à l’autodétermination ? Une question redondante en d’autres parties du monde comme le montre les lectures thématiques autour de la question des minorités/groupes ethniques proposées par Ingannmic.

(*) On trouve les deux orthographes, Ristigouche ou Restigouche, selon s’il s’agit de la rivière ou du comté ou encore de l’ancien ou du nouveau toponyme.

Taqawan. Éric Plamondon. Le Livre de Poche, 224p. (2019)


Commentaires

  1. Vraiment un bon roman... Il y a d'autres livres de l'auteur, aussi.

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    1. Oui et la plupart sont disponibles en format poche et en format numérique. Il y a bien sûr la nouvelle intitulée Ristigouche

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  2. Ton billet devrait donner envie de découvrir ce livre (pour moi, c'est déjà fait) !

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    1. Oui, je le recommande vivement. C'est un vrai plaisir de lecture et le sujet est très intéressant. Le livre est court mais on apprend beaucoup sur l'histoire de la région et la nation micmaque. Il y a également un peu de suspense dans l'intrigue romanesque.

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  3. J'ai beaucoup aimé cette lecture ; il faudrait que je continue avec l'auteur.

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    1. C'était une très belle surprise pour moi, en tout cas. Je pense continuer aussi

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