Une amitié. Silvia Avallone

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 Un soir de décembre 2019, Elisa Cerruti apprend la disparition d’une célèbre influenceuse sur Internet. La trentenaire décide alors d’exhumer ses journaux intimes d’adolescentes et d’écrire un livre dont elle ignore encore si elle le livrera à la publication. La décision à prendre n’est pas anodine car son héroïne est la fameuse Béatrice Rossetti dont on parle sur tous les réseaux sociaux de la planète. En effet, Elisa et Béa se sont rencontrées durant leurs années de lycée dans la ville de T. (une petite ville balnéaire en Toscane). Elles ont même partagé une histoire d’amitié fusionnelle mais toxique dont la narratrice entend retracer les grandes étapes. Il semble difficile d’imaginer aujourd’hui ce qui a pu rapprocher la professeure d’Université et l’icône du web et moins surprenant d’apprendre qu’elles ont rompu 13 ans plus tôt. La vérité c’est que la relation s’est achevée dans le drame en 2006 alors que l’Italie gagnait la coupe du monde de football. Bref, Elisa, devenue mère d’un pré-adolescent, décide de couper définitivement le lien dont elle se sent encore esclave en couchant toute l’histoire sur papier (non glacé). Au fil des pages, une question apparait : laquelle des deux protagonistes a le plus aimé et/ou trahi l’autre ? 

Cela me coûte de le dire mais je pense être passée à côté de ce roman. Je n’ai pas compris la finalité du propos et j’ai eu la sensation de tourner en rond. J’ai été agacée par les digressions sur les vêtements, les coiffures des protagonistes et l’énumération des marques de luxe. J’ai bien saisi que la narratrice reconnaissait (à défaut d’assumer) son ambivalence mais je n’ai pas réussi pour autant à éprouver de l’empathie pour l’une ou l’autre des protagonistes.

Ce reproche étant fait, le roman reste intéressant et les portraits très réussis. Sylvia Avallone est douée pour décortiquer et décrire les sentiments. Ses deux adolescentes sont tout à fait plausibles dans leur vision particulière et dans leurs réactions face aux évènements qui les touchent. Par ailleurs, l’analyse consacrée aux débuts d’Internet sonne juste. Un roman à lire donc même si j’ai une préférence pour le premier ouvrage de la romancière italienne, D’acier, paru en 2011 chez Liana Levi.

Extrait :

« Si cette histoire devait avoir un début, et il faut bien qu’elle en ait un, je partirais du vol des jeans. Peu importe si la chronologie n’est pas respectée, puisque cet après-midi-là nous nous connaissions déjà. Mais c’est là que nous sommes nées, le jour de la fuite à scooter. Avant, je dois préciser quelque chose. Qui me coûte et m’agace, mais il ne serait pas correct de faire comme s’il s’agissait d’une Beatrice parmi tant d’autres. Le lecteur commencerait tranquillement puis, en découvrant qu’il s’agit de toi, ferait un bond sur sa chaise en disant : « Hein, cette Beatrice, c’est elle ?! » Et il se sentirait floué. Je ne peux malheureusement pas faire l’impasse sur ce que cette toute jeune adolescente est devenue : un personnage public, et du genre encombrant. D’ailleurs je pourrais dire que dans le monde, personne n’est plus encombrant que toi. »

 

 Une amitié. Silvia Avallone. Liana Levi, 528 p. (2022)


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