Quand je reviendrai. Marco Balzano

Photo by Maria Lupan on Unsplash


 Quand je reviendrai aborde un sujet un peu dérangeant qui est celui du travail clandestin. Ainsi que l’explique l’auteur dans une note à la fin du livre, aujourd’hui, deux tiers des migrants de la planète sont des femmes. La plupart d’entre elles sont employées comme domestiques ou comme auxiliaires de vie dans les pays riches dont l’Italie, pays vieillissant, fait partie. Daniela, l’héroïne de Marco Balzano, est Roumaine. Elle doit prendre soin de vieillards accablés de lourdes pathologies (comme Alzheimer) pour lesquelles elle n’est pas formée. C’est un travail épuisant, aussi bien physiquement que psychologiquement. A cela s’ajoute, la solitude et les privations. En effet, les migrantes sont forcées de laisser leur famille au pays et leur envoient une grande partie de leur salaire. En Roumanie, ces enfants sont appelés les orphelins blancs parce qu’ils sont souvent livrés à eux même. La migration des Roumaines vers l’Italie est d’ailleurs si fréquente qu’elle est devenue un phénomène de société. Parmi celles qui finissent par rentrer, beaucoup sont atteintes de dépression. Les médecins parlent alors du "mal d'Italie".

Le roman de Marco Balzano est découpé en trois parties qui donnent chacune la parole à un nouveau personnage. C’est Manuel, le fils de Daniela, qui s’exprime en premier. Sa mère a littéralement pris la fuite vers l’Italie, parce que les adieux lui pesaient trop et parce que son mari, Filip, l’aurait retenue. Or, il est au chômage depuis longtemps et leur maison de Rădeni (un village proche de la frontière Moldave) tombe en ruine. Daniela a laissé une lettre à ses enfants. Elle souhaite qu’ils fassent des études. Manuel doit intégrer un prestigieux lycée international privé et Angelica, sa sœur, doit aller à l’Université de Iaşi. Manuel se sent abandonné. Il ne veut pas faire de longues études. Il veut rester au pays, faire son potager et ouvrir un gîte touristique. Sa mère lui manque et il lui en veut terriblement d’être partie. Angelica, qui a 8 ans de plus que lui, doit le prendre en charge (en plus de ses études). Leur père, quant à lui, est totalement dépassé par les évènements. Le premier sentiment de colère passé, il décide d’utiliser l’argent envoyé par sa femme, pour rénover la maison. Et puis, le naturel revient au galop et les travaux sont vite abandonnés.  Lorsqu’il décroche enfin un emploi de chauffeur routier et part vers l’Est, les deux adolescents sont plus ou moins confiés à leurs grands-parents. C’est Daniela qui prend la parole dans la seconde partie du livre, alors qu’un évènement dramatique l’a contrainte à rentrer en Roumanie. Elle raconte son quotidien à Milan puis son retour au pays. Angelica, la sœur aînée, s’exprime en dernier et apporte une conclusion pleine d’espoir à toute cette douloureuse histoire familiale.

Evidemment, le roman de Marco Balzano n’est pas joyeux-joyeux. Les faits sont abordés dans leur vérité crue mais l’auteur ne tombe pas dans le pathos pour autant. Son analyse des personnages est très fine. Le romancier italien a reçu le Prix Flaiano en 2013 pour Pronti a tutte le partenze (Prêts à tous les départs, Éditions La Fosse aux ours, 2015) et le prix Campiello en 2015 pour L'ultimo arrivato (Le Dernier Arrivé, éditions Philippe Rey, 2017). 

Quand je reviendrai. Marco Balzano. Philippe Rey, 224 p. (2022)


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