Abandonner un chat. Haruki Murakami
Avant toute chose, sachez qu’aucun animal n’a vraiment été abandonné ni blessé (du moins, pour ce qu’on en sait). Si Haruki Murakami nous raconte cette anecdote, c’est d’abord parce que la tentative d’abandon du chat sur la plage de Koroen a échoué… au grand soulagement de l’auteur. En revanche, l’histoire fait écho à d’autres abandons, des douleurs et des blessures, dont les humains se sortent moins bien que le fameux félin qui avait retrouvé son chemin jusqu’à la maison de ses maîtres.
Comme l’indique le sous-titre, l’écrivain japonais évoque ici des souvenirs de son père, Chiaki Murakami. En réalité, il s’agit surtout de fragments de souvenirs, complétés par les recherches de l’auteur sur la période militaire de son père. Il nous raconte comment Chiaki Murakami, issu d’une fratrie de 6 garçons, a été confié à un prêtre de la région de Nara, par lequel il aurait dû être adopté et formé à la charge de prieur. Cela ne s’est pas passé ainsi. Pour des raisons mystérieuses (en tout cas peu convaincantes), l’enfant est revenu dans son foyer d’origine à Kyoto, profondément blessé par cette aventure. Plus tard, le conflit sino-japonais puis la seconde guerre mondiale, vont de nouveau contrarier ses projets. Suite à une erreur administrative, ce jeune homme, qui n’aspirait qu’à étudier la littérature et composer des haïkus, se trouve enrôlé dans la tristement célèbre 16ème division qui avait participé au massacre de Nankin… Son fils a longtemps cru qu’il se trouvait en Chine en décembre 1937. Le père Haruki Murakami, qui était peu enclin aux confidences et ne parlait jamais de ses années militaires, n’avait pas songé à dire à son rejeton qu’il avait été incorporé plus tard.
Haruki Murakami, qui ne s’entendait guère avec son père, a longtemps porté ce livre en lui. Les mots ne lui venaient pas. Comment parler d’un homme dont il savait si peu et dont il s’est éloigné pendant plus de 20 ans ? L’écrivain japonais a finalement choisi de publier ce texte dans un opus différencié du reste de son œuvre. Le livre est illustré par l’artiste italien Emiliano Ponzi. Les dessins sont à l’image de la couverture : sobres et empreints de nostalgie enfantine. Ils servent bien l’opus plein de pudeur et d’émotion. Un autre ouvrage est paru simultanément à celui-ci. Il s’agit d’un recueil de nouvelles intitulé Première personne du singulier (Belfond, 160 p., 2022). Par ailleurs, Jean-Christophe Deveney & Pmgl ont récemment publié une adaptation en BD de 9 nouvelles d’Haruki Murakami, intitulée Le septième homme et autres récits (Delcourt, 424 p., 2021).
📌Abandonner un chat, souvenirs de mon père. Haruki Murakami. Belfond, 64 p. (2022)
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