La félicité du loup. Paolo Cognetti

La félicité du loup. Paolo Cognetti

 Paolo Cognetti s’est fait connaître grâce à son précédent roman, Les huit montagnes, qui a été récompensé par le Prix Médicis étranger en 2017. Avec La félicité du loup, nous le retrouvons au cœur du val d’Aoste, dans cette montagne qui lui est chère. 

Fausto et Sylvia, les héros qui ne se connaissaient pas encore, s’y sont exilés pour se reconstruire. Ils se rencontrent dans le restaurant d’altitude de la petite station de ski de Fontana Fredda, dans le massif du Mont Rose. Le Festin de Babette (en référence à la fameuse nouvelle de karen Blixen) reçoit essentiellement les skieurs, les dameurs et les perchistes de la station en haute saison ; les maçons et les éleveurs de bétail, le reste du temps. Fausto y officie comme chef cuisinier et Sylvia comme serveuse. Leur histoire sera à l’image de ce cadre particulier : un amour sans fioritures et sans contraintes. 

De loups, il n’est pas souvent question dans ce roman mais ils apparaissent, par intermittence, tantôt solitaires tantôt en hordes. En revanche, Paolo Cognetti brosse un portrait affectueux des montagnards : Babette, la propriétaire du restaurant ; Santorso, l’ancien garde-chasse ; Gemma, la vieille voisine de Fausto ; ou encore Passang, le guide tibétain. Le lecteur imagine volontiers que Fausto, ex-écrivain attaché à la montagne depuis l’enfance, est l’alter-égo de Paolo Cognetti. 

Le romancier italien procède par petites touches qui sont autant d’images, d’odeurs ou de sensations du quotidien. Il décrit l’alternance des saisons, puis le retour dans la vallée et à la vie citadine avec un réalisme saisissant. Autant de tableaux qui rendent hommage aux Trente-six vues du mont Fuji de Katsushika Hokusai (Sylvia offre cet ouvrage à son amant à la fin de la saison hivernale). 

Même s’il est différent par bien des aspects, j’ai souvent pensé au roman de montagne de Jean-Christophe Rufin, Les Flammes de Pierre

Extrait : 

« Fausto avait quarante ans quand il se réfugia à Fontana Fredda, dans l’espoir de trouver un endroit pour recommencer. Il connaissait ces montagnes depuis qu’il était enfant, et le mal-être qu’il ressentait lorsqu’il en était loin avait été l’une des causes, si ce n’est la cause, des problèmes avec celle qui était presque devenue sa femme. Après leur séparation il avait loué un meublé là-haut et passé un septembre, un octobre et un novembre à s’échiner sur les sentiers, à ramasser du bois en forêt et à dîner devant le poêle, savourant le sel de la liberté et remâchant l’amertume de la solitude. Il écrivait, aussi, ou plutôt il essayait : à l’automne il vit les troupeaux quitter les alpages, les aiguilles des mélèzes jaunir puis tomber, jusqu’au jour où, aux premières neiges, même en ayant réduit ses besoins à l’os, il finit par ne plus avoir un sou de côté. L’hiver lui présentait la facture d’une année difficile. Il avait bien des contacts à Milan auxquels il aurait pu demander du travail, mais pour cela il fallait descendre, passer des heures au téléphone, régler les questions en suspens avec son ex, et un soir, peu avant de s’y résoudre, le hasard voulut qu’il se confie devant un verre de vin, dans le seul lieu de rencontre de Fontana Fredda. »

La félicité du loup. Paolo Cognetti. Stock, 216 p. (2021)


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Trust. Hernan Diaz

La maison allemande. Annette Hess

Les Naufragés du Wager. David Grann

Le clou. Yueran Zhang

Veiller sur elle. Jean-Baptiste Andrea