En attendant la neige. Lhasham-Gyal

En attendant la neige. Lhasham-Gyal


 Au début de ce roman autobiographique, le narrateur est âgé de 6 ans. Il évoque avec tendresse ses premiers souvenirs d’écriture et de jeux avec ses amis d’enfance. On comprend assez vite qu’il est le fils du chef du village de Marnang. En tant que fils unique (il a deux sœurs), son avenir est tout tracé. Son ami Nyima Döndrup, quant à lui, est destiné à devenir moine comme de nombreux garçons de son âge. L’avenir de Tharphel-morve-qui-coule semble plus incertain car il n’est pas très doué à l’école. Le chef du village, considéré comme un grand visionnaire par son fils, est d’ailleurs persuadé que Tharphel ne saura jamais lire. Le dernier membre de ce petit groupe de garnements est la belle Säldrön, petite fille de Pépé-Crinière, le doyen du village. Cette position d’aîné est très importante car elle offre un pouvoir informel équivalent à celui du chef. Ainsi, lorsque le secrétaire Wang, représentant du pouvoir Chinois, vient discuter de la construction d’une école, Pépé-Crinière est convié dans l’assemblée. Le nouveau bâtiment est considéré par l’auteur comme le premier signe de changement pour ce village d’agriculteurs-éleveurs. Arrive avec lui, Maître Minggyur, l’instituteur désigné par le pouvoir central, un inconnu qui bouleverse un peu les mœurs locales. Plus tard, les villageois découvriront l’électricité, puis la télévision et nombre d’objets modernes rapportés de la ville-préfecture. 

La seconde partie du livre est très nostalgique. L’auteur évoque les chemins de vie empruntés par ses amis d’enfance ainsi que son propre destin. Aucun n’a suivi la voie désignée par ses parents respectifs. Deux d’entre eux se croiseront à Lhasa (la ville est surnommée Lhasa-le-soleil-des-hauteurs, c’est-à-dire la terre pure de la sainte religion). Le narrateur, quant à lui, éprouve un grand sentiment de culpabilité par rapport ses choix : son cursus universitaire en Chine, son mariage avec une citadine et l’éloignement inévitable de son pays natal. Il aime en particuliers se remémorer les premières neiges, lorsque les villageois profitaient du moindre rayon de soleil pour se réchauffer les os. Ils se réunissaient volontiers autour de Pépé-crinière, conteur insatiable des aventures du Roi Gésar de Ling. Le village dit-il était en forme de stûpa (structure architecturale bouddhiste). Désormais ses habitants doivent se battre avec les éleveurs voisins qui montent des clôtures dans les prairies. Lhasham-Gyal s’interroge en parallèle sur l’évolution culturelle et sociale du Tibet, dépendant du pouvoir centralisateur chinois. Ses représentants aussi ont changé. Ils ne viennent plus discuter sur l’escalier-estrade chauffant du chef du village. Ils ne tiennent plus comptent des coutumes et croyances locales. A cela s’ajoute l’entrée dans l’économie de marché, un phénomène auquel participent le narrateur et ses amis d’enfance.

Lhasham-Gyal (également orthographié Lha Byams Rgyal) a pris le parti d’écrire ce roman en tibétain alors qu’il parle couramment chinois. Né à la fin des années 1970 dans l’ancienne province de l’Amdo au nord-est du Tibet (actuellement province du Qinghai au nord-ouest de la République Populaire de Chine), il est diplômé de l’Université centrale des Minorités de Pékin. Il est également titulaire d’un doctorat de l’Université des Minorités du Sud-ouest de Chengdu (Province du Sichuan). Lhasham-Gyal a ensuite poursuivi ses travaux académiques au sein du Centre de recherche tibétologique de Chine à Pékin. Parallèlement à ses recherches, il a publié des essais, ainsi que des recueils de nouvelles et de poésie. Son premier roman intitulé En attendant la neige ou Bod kyi gces phrug en V.O. (« les enfants chéris du Tibet ») est paru en 2012 chez Nationalities Press. Il a été traduit en japonais par Hoshi Izumi et publié en 2014 au Japon. 

En attendant la neige. Lhasham-Gyal. Picquier, 387 p. (2021)


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Veiller sur elle. Jean-Baptiste Andrea

La maison allemande. Annette Hess

Sur les ossements des morts. Olga Tokarczuk

Le Château des Rentiers. Agnès Desarthe

Supermarché. José Falero